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Le centre flou

Publié le 05 janvier 2011 par Copeau @Contrepoints

C’est la cata. Les Français n’ont pas le moral, du tout. Leur situation financière personnelle est en berne et ils s’attendent tous à une augmentation du chômage : tristesse, désolation et fourchette en plastique. Heureusement, le Nouveau-Centre a décidé de combattre la morosité. Youpi, une nouvelle candidature aux présidentielles 2012 !

Et, je dois le dire, cette ex-future candidature officiello-officieuse tombe à pic : cela fait un petit moment que j’ai été tagué par l’Hérétique, Romain Blachier et par l’initiateur de cette chaîne, Alexandre, qui ont tenté de définir le Centre, d’en connaître la spécificité.

L’actualité me fournit donc une excuse merveilleuse pour parler du candidat officieux et pour évoquer, plus largement, le centre et ses facettes chamarrées qui donnent aux scissions internes des écolos, des libéraux ou des communistes un petit air d’unité.

Mmmh, en fait, j’exagère : une des caractéristiques du Centre, en matière de scissions, c’est en tout cas qu’elles s’opèrent dans le calme feutré d’une indifférence ou d’une pondération impavide. Les pires déchirements, les retournements de veste les plus dramatiques et les claquements de portes les plus violents, au centre, donnent toujours cette impression de se dérouler dans des boudoirs douillets doublés de velours, filmés en 1000 images à la seconde pour être repassés en vitesse normale.

Cette nature lente et posée s’exprime même dans les agissements des principaux « leaders » de ces mouvements. Tout en tons pastels, aux caractères délicatement brossés à l’aquarelle légère dans un style impressionniste, on a bien du mal à voir les traces qu’ils auraient pu laisser dans la vie politique française, au-delà du traditionnel gondolement du papier sur lequel ils s’étalent, humides : prenez des Français au hasard, collez-leur un gros micro mou sous le nez, déclencheur pavlovien ultra-connu de réflexions de comptoirs, et demandez-leur de grandes figures centristes actuelles, et vous constaterez, la plupart du temps, un regard un peu perdu, une lippe pendante et une attitude légèrement hagarde.

Bien sûr, Raymond Barre vient à l’esprit. Evidemment, on pourra évoquer Balladur, personnification totale du centre qui agit furieusement pour des siestes plus calmes. Mais en matière de petits nouveaux, c’est un peu court.

Novelli ? Mmmh. Il est au centre ? Ah oui. C’est vrai. Il fait quoi, déjà ? … Morin ? Qui ? L’ex-ministre des anciens combattants, ah non, de l’outre-mer. De la défense ? Ah ? Je n’aurais pas cru… Cavada ?! Mais non, c’est un journaliste, voyons. Il est aussi du centre ? Ah bon, tiens. Amusant… Borloo ? Au centre !? C’est une plaisanterie ! On le voit plutôt à l’ouest, très très à l’ouest… Certains se souviendront peut-être de Jean Lassalle, le célèbre Capitaine Blâme, mais plus en tant que choriste béarnais qu’en tant que centriste.

Le seul qui se détache un peu, c’est, évidemment, Bayrou. Mais force est de constater qu’il tient bien plus souvent sa notoriété de son image décalée, de ses éventuelles gaffes ou ses quelques coups de gueule que de son programme politique dont seuls les aficionados connaissent les principaux éléments.

Décidément, le Centre, qu’il soit modémisé ou umpéteux, c’est un truc qui n’arrive pas à être fashion, hype, tendance. Il lui faudrait peut-être lancer un magnifique site oueb deuzéro, genre Les Créatures de l’Envisageable, avec le risque qu’il ferme après quelques jours d’hibernation. Même les plus gros partis se sont cassé les dents sur ce concept, finalement.

Alternativement, rien ne vaut mieux, en terme de buzz, qu’une bonne communication ratée. On parle d’eux, pas forcément en mal, pas forcément en bien, mais on parle d’eux. C’est mieux que l’absence compassée de commentaires de presse, ou son indifférence polie, masquée derrière un bâillement parfois authentique, sur les actions des membres de ces partis…

Dernièrement, on a eu le malaise vagal version Modem, qui s’est transformé en vague malaise , mais ça n’a occupé qu’un temps, et, là encore, pour des raisons qu’on pourra qualifier de futiles.

C’est pourquoi aujourd’hui, on relance le bastringue gentiment (c’est le Centre, tout dans le calme, hein) avec la candidature évoquée non-confirmée puis annulée puis officiellement démentie (donc confirmée).

En substance, Cavada, qui est le porte-parole d’un parti qui semblerait s’appeler le Nouveau-Centre, aurait officialisé la candidature de Morin, ex-ministre de la Défense (oui oui, ce n’est pas une rumeur), alors que ce dernier n’était pas sûr d’être totalement encarté totalement partant pour l’idée. Il avait – on ne s’en souvient pas – présenté ses vœux depuis sa cuisine, entre vaisselle et coq au vin. Le degré de palpitations était à son plus haut lorsqu’il expliqua vouloir rassembler le Centre, dont on ne savait d’ailleurs pas avant qu’il était éparpillé ni qu’il existait vraiment.

Morin, un candidat flou

(même sur les photos, le candidat est vraiment flou)

Mais finalement, c’est non pas maintenant pas tout de suite pas là attendez un peu, Morin n’est pas réellement dans la course. Il devra consulter l’autre épicurien, Borloo, sans doute coincé en mode Exploration des Hospices de Beaune depuis son départ du gouvernement.

De ce point de vue, la stratégie modémiste est bien plus lisible : on sait que le candidat s’appellera Bayrou, que le programme sera celui de Bayrou, qu’il sera calibré pour être un petit chouilla à droite, un petit chouilla à gauche, et un gros chouilla nulle part. Pas de surprise, pas de palpitations, du feutré, du calme, du centre.

C’est peut-être finalement ça, qui caractérise ces centres : tout le monde a très vaguement entendu parler des individus, personne ne voit exactement ce qu’ils font, leurs têtes n’impressionnent que les pellicules photographiques, et leurs propositions sont introuvables. Le tout, dans le calme feutré de salons parisiens ennuyeux.

Inaudible, inodore, incolore et sans saveur, le nouveau centre, complètement phagocyté par une UMP qui mange à tous les râteliers, sera surtout un vague poil à gratter avant les primaires. Quant au modem, sorti de son leader dont l’éclat est particulièrement fugace et imprévisible, il n’existe là encore pour ainsi dire pas.

Pour en revenir à la question initiale de savoir ce qu’on pouvait voir derrière le centre, la vision qu’offre le paysage politique français et celle que développent mes collègues blogueurs est tout de même différente : les politiciens font de la politique politicienne, bidouillant du message à vertu électorale douteuse, là où les individus définissent volontiers le centre comme le rassemblement des libéraux et des démocrates chrétiens.

Or, de libéraux (des vrais, des solides, des « à la Ron Paul« ), en France, je n’en vois aucun. Quant aux chrétiens, ils se font rare tant l’anathème pleut sur celui qui n’est pas laïcanti-religieux. Le centre est donc condamné à se restreindre à quelques démocrates-sociaux, pendant logique des sociaux-démocrates qui foisonnent tant et plus aux bords les moins extrêmes du PS et de l’UMP.

Vaste tisane transparente …
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