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Jean-Pierre Chevènement, receleur

Publié le 06 janvier 2011 par Edgar @edgarpoe

Entendu ce matin Jean-Pierre Chevènement sur France Inter. Quelle déception !

Suite à l'introduction du présentateur, je me suis dit qu'il avait décidé de parler carré (Chevènement était présenté comme datant la régression française des choix européens de Mitterrand, puis le Che lui-même a imputé les problèmes de la France d'aujourd'hui à Jean Monnet).

Mais,  interrogé sur l'euro, Chevènement indique qu'il n'est pas antieuropéen, que l'euro est un avion qui a décollé et qu'il faut juste le faire atterrir en douceur.

Pour lui, l'euro a juste besoin de trois mesures :

1. une gestion plus favorable à l'emploi avec une initiative européenne de croissance ;

2. racheter des dettes publiques ;

3. émettre des eurobonds.

Aucune de ces trois mesures ne sort de la trappe européenne telle que dessinée par Jean Monnet, qui vise, comme l'a rappelé Chevènement lui-même, à transformer les gouvernements nationaux en organes d'exécution. Reprenons-les une par une :

1. une gestion de l'euro plus favorable à l'emploi supposerait deux choses : que les allemands renoncent à leur obession anti-inflationniste, qu'une gestion des parités euro/dollar/yuan fusse instaurée.

Rien de tout cela ne pourrait être négocié par un président français, à une échelle suffisante à nous sortir du trou de croissance dans lequel nous sommes tombés.

2. Le rachat des dettes publiques : il est en cours à petite échelle par la BCE. Pour aller plus loin, il faudrait que l'Allemagne accepte de garantir les dettes d'autres états, via sa participation à la Banque Centrale Européenne. Ce qui n'irait pas sans contreparties, notamment sur la gestion de l'euro qui ne serait certainement pas expansionniste. De façon réaliste, on n'imagine pas que la France puisse obtenir et une gestion de l'euro favorable à la croissance et des rachats de dette publique plus important. C'est l'un ou l'autre plutôt que l'un et l'autre.

3. Les eurobonds. Avec les eurobonds, les eurocabris sont de retour. Le mécanisme de stabilité a émis les premiers eurobonds, avec une garantie européenne. Pour que ce mécanisme croisse, et atteigne une échelle susceptible d'avoir des effets de relance, il faudrait également que l'Allemagne et la France notamment garantissent la part de cet endettement qui profiterait à la Grèce, à l'Espagne etc. Par ailleurs, on voit que le rendement offert aux investisseurs pour les émissions du Fonds européen de stabilité sont supérieurs aux rendements payés par la France et l'Allemagne sur leur dette. Si la France devait assurer une partie de son refinancement via des eurobonds, cela renchérirait le coût de sa dette (de 2% à 2,6% pour la première émission du fonds de stabilité).

En gros, Chevènement adopte, en pire, le positionnement de politiques qui ont compris que l'Union européenne plombe ses états membres, mais n'estiment pas pour autant utile d'en finir avec la chose.

En pire, car il ne propose même pas d'en finir avec l'euro. Il est donc, en terme de prise en compte de l'urgence, derrière Mélenchon ou Dupont-Aignan.

C'est un receleur en réalité : Jean Monnet et l'Union européenne ont volé, comme il l'indique, les souverainetés nationales aux membres de l'Union européenne, par une politique subreptice de "petits pas". Mais loin de vouloir restituer aux peuples leurs souverainetés, Chevènement souhaite que l'avion continue de voler - à condition qu'une place lui soit ménagée à bord, si possible en première. Techniquement c'est du recel.

Hors l'Union  européenne est à rejeter non pour telle ou telle raison technique de politique économique, à laquelle le programme en trois points de Chevènement pourrait remédier, mais parce qu'on ne peut pas gérer à 27 des politiques communes et que personne n'est prêt à assumer une Europe fédérale où les décisions seraient prises par un seul (Et c'est heureux, car il faudrait pour cela qu'existât un peuple européen. En attendant ce sont les Etats-Unis qui assument la cohérence néolibérale des institutions européennes).

Chevènement pose à l'homme raisonnable ("je ne suis pas anti-européen", "je n'entends pas sortir par le hublot de l'avion européen") et tient un double discours propre à lui ménager des alliances avec le PS pro-Europe tout en rassurant sa base, très lucide sur les méfaits de l'Union.

Je n'ai pas une grande estime pour ce type de positionnement.


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