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Pour le parti de Pécresse, des chèques comme s'il en pleuvait

Publié le 07 janvier 2011 par Letombe

pecresse.jpgSi Jean-Paul Huchon consulte les comptes des partis politiques, publiés la semaine dernière au Journal officiel, il risque de s'étrangler. Alors que le président (PS) de la région socialiste craint de perdre son poste pour avoir réalisé une campagne vantant les mérites de laRégion sans la comptabiliser dans ses comptes de campagne, il apprendra que sa principale adversaire, Valérie Pécresse, à la même époque,s'arrangeait avec la loi, par le biais d'un micro-parti. En toute légalité certes. Mais au mépris de l'esprit du texte et dans des proportions insoupçonnées.

En effet, à côté de l'association de financement éphémère imposée par la loi, Valérie Pécresse a fondé en novembre 2008 le micro-parti «Changer c'est possible». Si le système des micro-partis, révélé par Mediapart, ne surprend presque plus, l'épluchage des comptes «Changer c'est possible» ne laisse pas d'étonner. Les sommes en jeu s'avèrent très importantes pour un scrutin de ce type, alors même qu'on ne connaît pas encore les dons obtenus en 2010.

Rien que pour l'année 2009 donc, 390.991 euros de don sont été versés à ce parti par des personnes physiques. Dont 275.215 euros on tété directement affectés à la campagne de Valérie Pécresse. Ce n'est pas rien: l'UMP en 2009 a levé 7.168.555euros. Le PS, 446.773 euros, soit à peine plus que Valérie Pécresse à elle toute seule.

Pour le parti de Pécresse, des chèques comme s'il en pleuvait

Pour le parti de Pécresse, des chèques comme s'il en pleuvait

 Qui dit don dit défiscalisation

Il est en effet possible de donner à la fois à l'UMP et à des petits partis, du type «Changer c'est possible». C'est même tout l'intérêt de ces micro-partis. En 2010 par exemple, Liliane Bettencourt aurait fait un chèque de 7.500 euros au micro-parti d'Eric Woerth, et un autre du même montant à Valérie Pécresse, d'après les enregistrements clandestins réalisés chez la milliardaire.

Par la suite, Patrice de Maistre, gestionnaire de fortune de Liliane Bettencourt, avait même reconnu l'existence de deux chèques à la seule Valérie Pécresse: l'un «classique» de 4.600 euros, établi à l'ordre de l'Association de financement de la campagne des régionales. L'autre, de 7.500 euros, directement adressé à la ministre (comprendre à son micro-parti), encaissé en avril 2010. L'équipe de campagne de Valérie Pécresse, cependant, refuse toujours de confirmer ces versements.

Toujours est-il que pour les généreux donateurs, ce type de dons à des formations politiques est d'autant plus aisé qu'il donne droit à une réduction d'impôt de 66% des sommes distribuées. Rien que pour le parti de Valérie Pécresse, on peut donc estimer que l'Etat s'est privé d'environ 250.000 euros d'impôts en 2009.

Profitant de ces facilités, le micro-parti de la ministre de la recherche n'a de «micro» que le nom. Ici, il n'est plus question de parti de poche, d'argent de poche ni de proches. Mais d'une véritable structure parallèle de financement à l'échelle de toute l'Ile-de-France. Un petit frère de l'UMP, qui présente l'avantage de n'avoir quasiment aucun compte à rendre: en France, les partis sont (encore) moins surveillés que les comptes de campagne.

L'argent serait-il la seule raison d'être de cette formation politique? «C'est une structure plus souple que l'association de financement classique», se borne à répondre Patrick Dray, le directeur de campagne, sans vouloir rentrer dans les détails. Selon lui, la genèse vient d'ailleurs. «Le parti a été créé pour les primaires. A l'époque, on ne pouvait pas lever des fonds via l'Association de financement traditionnelle, puisque Valérie Pécresse n'était pas encore candidate. Et puis Valérie était candidate contre tout le monde: la quasi-totalité des grands élus et de l'appareil UMP soutenait Roger Karoutchi. On avait besoin de financer notre campagne des primaires.» 

Peut-être, mais à en croire le bilan comptable de 2009, seuls 39.000 euros ont été consacrés à la primaire (ligne propagande et communication du tableau). Quasiment tout le reste est allé à la «vraie» campagne régionale. La question du besoin d'une telle structure parallèle reste donc entière.

«La structure n'a pas été montée dans l'esprit de détourner la loi»

Selon le trésorier du parti, Alexandre Saubot, «l'idée de ce parti était aussi d'inscrire Valérie Pécresse en Ile-de-France dans la durée. Elle continue aujourd'hui d'y avoir des activités. Elle a organisé deux colloques (en juin et novembre 2010). Et ce serait impossible si on avait eu seulement l'association classique de financement de la campagne régionale qui s'éteint au moment du scrutin».

Il n'en reste pas moins, comme le reconnaît Patrick Dray, que 90% des sommes levées par le micro-parti ont servi à la campagne électorale. Dès lors, que penser d'un parti qui tire avantage de la défiscalisation des dons, mais qui ne compte pas de salariés, pas d'élus, pas d'adhérents? Et à quoi correspondent les dépenses et les charges inscrites au bilan 2009?

Bertrand Devys préfère rester vague. Ce proche de Valérie Pécresse, conseiller général des Yvelines, soutenu par l'UMP, est aussi l'expert-comptable de «Changer c'est possible». N'y aurait-il pas incompatibilité avec cette comptabilité? «Les textes n'interdisent pas (ce cumul de fonctions)», répond-il, à juste titre. Il est vrai que sa mission se limite à présenter les comptes. Ensuite, comme pour toutes les formations politiques, deux commissaires aux comptes sont chargés de les expertiser, puis, s'il n'y a pas de souci, de les certifier. Mais Bertrand Devys va plus loin: il estime qu'il n'y aurait pas de problème à ce qu'un commissaire aux comptes encarté dans un parti certifie les comptes de ce même parti, «s'il respecte les règles déontologiques»...

Quoi qu'il en soit, les comptes 2009 du parti de Valérie Pécresse ont été certifiés par deux commissaires aux comptes, puis validés par la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques, sans aucune réserve. La commission en émet bien plus sur l'existence même des micro-partis, parlant même d'un «détournement» de la loi pur et simple. «Si le législateur voulait changer ce dispositif, il aurait tout loisir de le faire», insistait son président François Logerot, dans un entretien sur Mediapart, dès cet été. Le 14 octobre, à l'Assemblée nationale, le PS a défendu une proposition de loi en ce sens. La majorité a préféré évacuer le débat. Changer, c'est pourtant possible.

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Mathilde MathieuJournaliste à Mediapart">Mathilde Mathieu
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Michaël HajdenbergJournaliste à Mediapart">Michaël Hajdenberg
http://www.mediapart.fr/ Photo : mediapart.fr

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