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Un pur diktat du vrai ?

Publié le 07 janvier 2011 par Tudry

Aujourd'hui dans la société occidentale, tout est possible, tout est récupérable. Je vous mets au défi de citer n'importe quel penseur contestataire qui ne soit pas immédiatement récupéré. C'est un système qui comme une éponge absorbe toutes les contradictions parce qu'il prétend agir au nom du souverain bien.

Gérard Conio, Les Avant-gardes entre histoire et métaphysique, L'Age d'Homme

Au cour des jours qui s'écoulent comme tous les jours de ce monde ON entend ce qu'ON dit. Les sujets sont divers et variés, les raisons de se réjouir et de se désespérer tout autant. ON invente rien mais ON s'y entend pour transformer, informer, déformer, défigurer. ON fait et ON défait la toile du langage, ON métamorphose la moelle des mots. ON ne sait plus (ou ON le sait trop bien) que nous avons à lutter « contre la manière dont le langage ensorcelle notre intelligence » (L. Wittgenstein).

La transparence n'est pas de ce monde...

Georges Steiner a dit : « La pensée c'est fait publicité. » En l'occurrence la « grande affaire » Wikileaks ne déroge pas à cette règle.

Qu'est donc devenu le cerveau de l'homme pour s'offusquer de ce que la politique internationale se mène dans le « secret » ? Et qu'est devenu celui de cette catégorie d'hommes que l'on nomme politiques pour apposer de grands et graves mots sur une affaire dont les journaux ne parlent presque plus au bout d'une dizaine de jours ? Oh certains diront surement que, précisément, voici la preuve d'un complot bien organisé et servit par tous les acteurs, serviteurs zélés du « nouvel ordre mondialiste ». Guerre froide, alors, entre totalitarisme mou et opaque et dictature de la transparence ?

« On nous cache tout, on nous dit rien... »

Une révolution intrépide dans les rapports des peuples désinformés à la géo-politique ? Ou le goût de la revanche, de la mesquinerie, de l'égoïsme rebelle à l'échelle de la technique faites monde ? L'anar postmoderne marketé seul contre tous ? Vengeance de tous contre tous ?

La transparence réclamée à corps et à cris n'est pas l'amour de la vérité, bien plutôt la haine du secret ? Ces révélations, ces dévoilements sont-ils cela, ou simples confirmations de la certitude qu'ON nous ment ?

La transparence doit être une nouvelle étape dans le développement de la démocratie. La caste journalistique en est persuadée. Il n'y a plus aucun droit supérieur à celui de l'individu d'être informé. Non-informé, ou désinformé (selon leurs critères) l'individu est primaire, il ne peut pas être totalement « citoyen » et « citoyen-du-monde » surtout... Prêchant la bonne parole égalitaire, la caste journalistique voudrait bien, tout de même, être première parmi les égaux. Institutrice qui, derrière un discours volontiers « moderne » et libéral (au sens politique), se révèle plutôt revêche, frustrée et raidie sur ses « prérogatives » (fussent-elles progressistes). Ses envolées rageuses et rebelles contre un pouvoir (politique et financier) auquel elle est de plus en plus organiquement liée sont autant de masques, de camouflages qui dissimulent son vide à elle. Son vide qui n'est pas (et elle enrage) un secret. Qui n'est que l'un des écrans de fumée autour du pouvoir. Le journalisme est le feth fiada (don d'invisibilité des dieux de l'ancienne irlande) jeté sur le secret du langage du pouvoir.

Un proverbe hindou dit : « les dieux aiment le langage obscur ». Les journalistes, fiers d'être (supposémment) sans dieu ni maître, n'aime que le langage clair, transparent, clarifié (comme peut l'être le beurre). En définitive, disons le clairement, ils n'aiment pas le langage. Ils ne l'aiment pas parce qu'ils n'en ont pas. Hazlitt affirmait avec justesse : « le langage de la poésie rencontre naturellement le langage du pouvoir ».

Il est en effet, un lien mystérieux, dans lequel, par lequel, se rencontre et se disjoignent en se confondant, langue poétique et langue politique. Un noeud d'inversion éminent. Une intersection.

Le journalisme et l'information ne peuvent se tenir qu'à la périphérie de ce lieu. Le journalisme n'a pas de langage propre et dépend entièrement des deux autres sphères. Il est contraint à la détestation des deux et en particulier du secret qui les soustend... En réalité il ne dévoile rien, ne révèle que pour inverser, pour désorienter. Il n'est que de constater le rôle des journalistes et des critiques dans l'orientation marchande des « avant-gardes », et l'exemple est l'essentiel si l'on veut bien entendre que le langage moderne est une tout entier « une perversion du langage qui travestit la poétique moderniste fondée sur l'oxymoron. » (G. Conio)

Ainsi les « politiques » qui lancent dans le vide néantisé du médialecte de pures incantations en forme d'oxymores: « dictature de la transparence », ils ne font donc qu'obéir servilement à la loi générale de la phraséologie moderne.

Même si, en effet, cette exigence de transparence, revendiquée par quelques uns des segments du dominion, n'est en rien une exigence de « vérité ». Elle relève bien plutôt de ce déni global d'intériorité. Cette volonté qui suppose que pour « être vrai » il faut tout exposer et tout le temps. Aucun hasard dans le fait que cette « affaire » Wikileaks soit entièrement liée à la technique et à l'Internet. Sans le « secours » de cette technique les « héros » auraient-ils eu le « courage » ou même la simple idée de réaliser leur « coup » ? N'est-il pas vraiment significatifs que tous les « pirates » informatique les plus doués finissent par mettre leur connaissance au service d'entreprises rentables (et celles-ci peuvent aussi fort bien avoir une façade « anti-conformiste »...) ?

Quand il n'y a plus rien à cacher, plus de secret, plus de « zone d'ombre », plus de mystère, plus de mystère du monde, plus de mystère de l'être... Quelle grand luminaire pourrait bien éclairer assez pour tout rendre transparent... ?

Etre transparent ? N'est-ce pas le vieux rêve de l'homme invisible ? Pour ? Se cacher, se cacher de n'être rien... ?

Le grand mot secret des totalitarismes c'est : la mode (fashion-tendance dans la langue du quatrième « empire »..). Il n'est que de constater l'importance primordiale du paraître dans les différentes dictatures contemporaines. Conjointement à l'arraisonnement du langage. Les défilés de mode procèdent du même inhumanisme, ou déshumanisme, que les défilés en uniformes des grandes puissances totalitaires (avec en « plus » paradoxal, l'identité corporelle minimale des « habitants » des camps et des « top-model »...). Du stade linguistique ou iconique, aujourd'hui, la futilité est la plus grande utilité ! L'important c'est le « code », le « codage », l'encodage...

Julian Asange est une « gravure de mode ». ON l'accuse, maintenant, d'agression sexuelle...

Tout demeure dans le camp, dans les murs, dans les normes de la dominion jouant avec SES codes, avec SES domaines, avec SES accusations/excuses/rédemptions... avec SES singeries...


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