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Temps de travail, l'heure du débat

Publié le 08 janvier 2011 par Letombe
Temps de travail, l'heure du débat

Comme beaucoup d'entre vous j'ai été désolé de voir le tour pris par la rentrée politique, et sa polarisation sur les propos de Manuel Valls au sujet des 35H. Beaucoup d'encre et de salive ont coulé depuis dimanche soir, nourrissant invectives, commentaires, et commentaires sur les commentaires. C'est désormais la règle médiatique et il faut s'en faire une raison. Sans pour autant tout mélanger.

Je vois en effet deux choses différentes dans cette controverse. Il y a d'abord la question de fond. Faut-il « déverrouiller » les 35H ? Cette question n'a pas à être un tabou ; elle interroge la conception que nous avons du temps de travail, donc, mais aussi du partage des gains de productivité, et au bout du compte de la redistribution. Cela étant, le problème fondamental reste le chômage, pas les 35H. Les 35H ont été instrumentalisées par la droite et le patronat pour bloquer les embauches et surtout les salaires ; elles ne sont pas viciées en elles-mêmes. Et si je voulais répondre par un clin d’œil à Manuel, je dirais qu'il ne faut pas déverrouiller, mais verrouiller les 35H, pour que le travail actuellement effectué en heures supplémentaires donne lieu à de vraies embauches. Le travail pour tous doit rester un objectif central pour les socialistes. Probablement faut-il réfléchir dans cette perspective à faire baisser le coût du travail, en revoyant notre fiscalité qui repose trop sur ce dernier, et pas assez sur la valeur ajoutée. J'appartiens à un courant de pensée qui a porté pendant 15 ans le combat en faveur des 35H au sein du PS ; je crois à la perspective historique de la réduction du temps de travail contraint, comme contribution essentielle à l'émancipation des travailleurs.

Il y a ensuite la question de forme ou de discipline. Manuel peut-il défendre sa position, fût-elle contraire à l'opinion majoritaire dans le parti, voire à des textes votés ? Du moment où l'on a choisi d'organiser des primaires, et si on veut qu'elles aient un sens, il faut bien que les candidats puissent débattre de quelque chose, et confronter des options politiques différentes. A moins de les concevoir comme le « concours de beauté » que certains (souvent les mêmes) aimaient à décrier. En cela, je pense qu'il était inutile et contre-productif de sur-réagir à cette sortie et de nourrir ainsi la polémique, comme certains camarades l'ont fait. Au surplus, la violence de certaines réactions pouvait même laisser penser qu'au fond, nous n'avons pas l'esprit aussi tranquille que l'on pourrait le croire, ou le dire, sur ces 35H. Ce n'est pas nouveau. Depuis leur instauration et l'offensive de la droite qui la suivit, les socialistes ont toujours hésité entre deux attitudes à leur égard, l'une les assumant, l'autre étant plus honteuse et moins assurée. Il est plus que temps de trancher une bonne fois pour toutes sur ce point, et la controverse des derniers jours en est le signal impérieux, si besoin était. Puisque nous n'avons jamais vraiment dressé publiquement de bilan factuel de cette mesure emblématique de notre dernier passage à la tête du pays, organisons avant le début des primaires une grande convention nationale sur le temps de travail et le chômage. Ce serait une contribution essentielle au débat – et ce d'autant plus qu'il est probable que la droite portera à nouveau le fer sur cette question dans les mois qui viennent. Cela permettrait également de démontrer aux Français que le PS se saisit à bras-le-corps du monde du travail dans sa réalité, à la différence d'un gouvernement qui a beaucoup promis, puis beaucoup déçu, en ce domaine.

J'ai toujours défendu les primaires. Mais les primaires comme instrument de politisation et de mobilisation du débat et de la société. Ce n'est un mystère pour personne que la sociale-démocratie européenne traverse depuis quelques années une crise identitaire et idéologique, et qu'elle a un travail d'introspection et de reconstruction à opérer si elle veut s'adapter aux défis du monde qui est en train d'émerger. Mettons à profit la période pré-présidentielle qui s'ouvre pour travailler dans ce sens. Cela vaudra tous les rappels à l'ordre et au « droit chemin » du monde.

 

Julien Dray


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