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192ème semaine de Sarkofrance : la tournée des voeux du candidat Sarkozy

Publié le 08 janvier 2011 par Juan
192ème semaine de Sarkofrance : la tournée des voeux du candidat SarkozyPrès de quatre ans après son élection et d'inaction agitée, l'habileté de Nicolas Sarkozy à multiplier les pirouettes, les mensonges ou les omissions ne lasse pas de surprendre. Depuis huit jours, il a entamé sa tournée des voeux. Officiellement, il n'est pas encore candidat à sa réélection l'an prochain. Ses voeux seraient simplement l'occasion d'insuffler courage et détermination aux « forces vives de la Nation » afin que 2011 soit une année utile au pays. Sarkozy fait son devoir, répète-il à chaque fois, son devoir de candidat. Et il faut à chacun d'entre nous une bonne dose d'amnésie immédiate pour écouter sans gêne ni agacement ces élans de chaleur, d'ouverture et d'autosatisfaction d'un Monarque qui ne pense visiblement qu'à sauver son misérable avenir politique personnel.
Salariés, vous êtes formidables !
Le 1er janvier, Nicolas Sarkozy reçut un millier de fonctionnaires d'astreinte la nuit de la Saint-Sylvestre. 2007 est bien loin. Il fallait oublier ses moqueries publiques contre lonctionnaires, ses critiques contre le droit de grève, ou ses déclarations méprisantes comme celle-ci, à peine vieille de 13 mois : « est-ce que vous pensez que l'avenir de vos enfants c'est uniquement d'être fonctionnaires ? » . Il fallait tout autant oublier ce un décret qui fit débat en février dernier, autorisant le licenciement d’un fonctionnaire au poste supprimé après 3 refus de replacement, ou les manipulations comptables du gouvernement pour justifier ses suppressions dans l'enseignement.
Sarkozy ne dit mot sur la faible revalorisation des rémunérations, en deçà de l'inflation (même avant la crise, quand lui-même s'augmenta de 172%). Rien non plus sur la baisse prochaine du pouvoir d'achat à cause de la réforme des retraites (via l'alignement des cotisations publiques/privées). Bien au contraire, Sarkozy se félicite. Tout juste assume-t-il la réduction du nombre de postes de fonctionnaires en vertu de la fameuse Révision Générale des Politiques Publiques, et malgré la dégradation de l'emploi depuis 2008. Devant lui, le 1er janvier, il n'avait pas d'enseignants critiques pour cause de vacances. Les quelques policiers et gendarmes présents, à qui l'on demande beaucoup mais avec moins d'effectifs qu'il y a 4 ans 2002, étaient nécessairement tout aussi silencieux que leurs autres collègues. L'auditoire était tenu à l'écoute passive. Le devoir de réserve, version Sarkofrance, n'autorise que louanges ou silence, certainement pas la critique. Sihem Souid, auteure du livre « Omerta dans la police », en sait quelque chose, elle qui vient d'être suspendue quatre mois, et fut lâchée par Jeannette Bougrab, éphémère présidente UMPiste de la Halde à l'automne dernier. Aux précaires de la Fonction publique, un demi-million d'agents embauchés à durée déterminée, Sarkozy avait promis la titularisation. Puis, le gouvernement dévoila ses propositions, il y a une dizaine de jours: 6 ans de CDD pour espérer (et non pas obtenir) un CDI, la belle arnaque !
Le 6 janvier, ce fut au tour des partenaires sociaux de défiler dans les salons dorés de l'Elysée. La CGT avait boudé la cérémonie. Force Ouvrière et la CFDT auraient dû faire de même. L'UNSA, Sud et Solidaires n'étaient pas conviés. La réforme des retraites a laissé des traces. Sarkozy critiqua implicitement l'absence de certains à cette « tradition républicaine. » Quelle tradition ? Celle du mensonge et de la manipulation ? La réforme des retraites a fait fi des exigences du débat démocratique. Elle a même été volontairement séparée de l'examen des lois de financement de l'Etat et de l'assurance sociale pour 2011, alors que le problème majeur était une question de financement. Le calendrier a été volontairement serré. Jamais les propositions gouvernementales principales n'ont été débattues. Sarkozy s'est contenté de lâcher quelques assouplissements sur des mesures initialement ignobles, comme sur l'invalidité physique ou sur certaines mères de familles prochainement à la retraite. Quand aux revenus des plus riches et du capital, on attendra plus tard pour leur demander de contribuer un peu.
Pire, ce jeudi à l'Elysée, Nicolas Sarkozy reconnut qu'il avait exclu dès l'origine toute négociation sociale sur les retraites, au motif que cette réforme n'entrait pas « dans le champs social » et que le désaccord avec les syndicats était trop important. Sacré menteur ! D'avril à septembre, il n'avait cessé de répéter, comme Eric Woerth et François Fillon, combien ce dialogue social était réel et important. 
Militaires, vous êtes courageux !
Le 4 janvier, le candidat Sarkozy était en campagne, cette fois-ci devant les militaires, dans une base de Saint-Dizier. Rien de tel qu'une adresse aux armées pour assoir une stature présidentielle. Les mots courage, devoir, patrie, sacrifice, et honneur, peuvent pulluler dans le discours. Le regard peut être sérieux, le ton grave, le drapeau dressé. Sarkozy pouvait se montrer devant des Rafales, prendre une mine sombre pour évoquer nos morts pour la France. Malgré un plan de réduction des dépenses (3,5 milliards d'euros en trois ans) et des postes (54 000), le candidat Sarkozy voulait dire aux soldats combien il les aime : « je m'incline avec respect devant leur mémoire, et j'exprime tout à la fois l'émotion, l'admiration et la gratitude de la nation envers ses hommes qui ont fait don de leur vie à la France.» Ou encore : «… je voulais honorer ces soldats morts pour notre pays. ». « Vous avez fait le choix de ce métier pour l'intensité. Vous ne serez pas déçus. » N'en jetez plus ! Il ne manquait que la larme à l'oeil pour un gros zoom des caméras d'Elysée.fr.
Cet amour soudain pour les forces armées est nouveau. La Grande Muette appréciait peu ce Super-flic devenu président Bling Bling. Encore moins quand il l'accusa publiquement d'amateurismeaprès le drame de Carcassonne en 2008. Le chef d'état-major de l'Armée de terre avait démissionné après ces outrances présidentielles. La réforme de la carte militaire, la chasse aux sorcières dans ses rangs, la fusion inefficace des services de renseignement ou le rattachement de la gendarmerie à l'intérieur (sans harmonisation des conditions de carrière) ont également laissé des traces. Mais ce mardi 4 janvier, devant de jolis Rafales qu'il peine à vendre à l'étranger, Sarkozy était tout miel et solidaire. A Saint-Dizier, il leur promis des moyens ; il justifia la guerre en Afghanistan qui coûte un mort allié pour deux tués ennemis; il promis la démocratie en Côte d'Ivoire (mais pas en Tunisie, au Gabon, ou en Algérie). Silence dans les rangs ! Le monarque vous aime.
Croyants, je vous protège !
Pour ces voeux aux autorités religieuses, vendredi 7 janvier en matinée, Nicolas Sarkozy put surfer sur l'émotion. Le weekend dernier, une vingtaine de personnes furent tuées dans un attentat devant une église copte à Alexandrie, en Egypte. Un évènement idéal pour récupérer l'opinion de quelques croyants, et faire oublier la brouille estivale avec les autorités religieuses, catholiques à cause de la chasse aux Roms, musulmanes après le discours de Grenoble. Brice Hortefeux, celui-là même qui aimait tant les statistiques de la délinquance roumaine, était à ses côtés. Il en a marre, paraît-il, d'être catalogué trop à droite.
Sarkozy fut lyrique sur la France des droits de l'homme et de la liberté de conscience. Il fustigea l'épuration religieuse dans l'Egypte de son ami Hosni Moubarak. Il fut pourtant toujours silencieux sur la répression sauvage des émeutes de la faim en Tunisie. Là aussi, le dictateur Ben Ali est un ami. L'homme du discours de Latran, en décembre 2007, oublia son fumeux concept de laïcité positive, son éloge du curé et du prêtre irremplaçables contre l'instituteur.
En janvier 2011, l'homme du Fouquet's a changé, il est candidat, il prône une République laïque et irréprochable.
Antillais, je vous adore !
Après cet hommage improvisé pour cause d'attentat, Sarkozy est parti vendredi aux Antilles. Son épouse Carla, fidèle soutien pour les déplacements électoraux du candidat Sarkozy, est du voyage. Son mari espère attirer du monde et de la ferveur. Ce fut réussi. L'aéroport était plein de sympathisants enthousiastes à l'arrivée du couple présidentiel, « une fierté pour ces militants UMP » relate un journaliste local. Le quotidien France Antilles, espèce de Figaro local, y perdit son sang-froid de bonheur devant ses « deux anges au paradis », se prenant à « imaginer que le fruit de cet amour — tant souhaité dit-on par la belle Première dame — puisse être conçu ici, dans nos eaux chaudes et claires.» Pour la Reine de Sarkofrance, ce bain de foule est bienvenue. Il l'éloigne des tracasseries de la Villa Montmonrency, ce ghetto doré où elle crèche dans le 16ème arrondissement de Paris, et où des grincheux aimeraient construire des logement sociaux. Et évidemment, sur place, elle visita un foyer pour enfants maltraités.
Jean-François Copé, le nouveau fidèle de l'UMP, est aussi de la partie : « L’idée surtout c’est de commencer à préparer la levée en masse pour l’élection présidentielle » a-t-il expliqué en arrivant surplace. On avait compris. Ce voyage est électoral.
Sarkozy était souriant et avenant. Grand seigneur, il promit d'installer une plaque au Panthéon en l'honneur d'Aimé Césaire, décédé en avril 2008. « Par cet hommage simple mais solennel de la République, le chef de l'Etat souhaite respecter la mémoire d'un homme qui avait fait de la modestie une exigence de tous les jours » Un anti-Sarko avant l'heure en quelque sorte... En décembre 2005, le poète antillais avait refusé de recevoir le ministre de l'intérieur de l'époque, un Sarkozy qui prêchait contre la repentance et s'enthousiasmait pour le rôle positif de la colonisation, y compris en Outre-Mer. En 2007, Aimé Césaire présidait le comité de soutien à Ségolène Royal. Pour ses funérailles, sa famille avait refusé que Sarkozy prenne la parole.
Ce vendredi, il fallait oublier les émeutes, pendant deux mois il y a deux ans, qui secouèrent les îles, la trouille de Sarkozy de venir surplace alors qu'il l'avait promis, le taux de chômage hors normes nationales (21% en Martinique, 24% en Guadeloupe), ou la vie chère contre laquelle le gouvernement est resté finalement impuissant. Il fallait oublier le discours de Dakar, le 26 juillet 2007, quand Sarkozy expliqua à un auditoire sidéré que l'homme africain n'était pas assez entré dans l'histoire.
En coulisses, les combines
Au sein même de son camp, les signes que la campagne est lancée sont manifestes. A l'UMP, Copé a fait retirer l'organisation de primaires du règlement intérieur. L'abécédaire des promesses de 2007 a été retiré du site web de l'UMP depuis longtemps.
Pragmatique, Sarkozy cajole ses déçus de l'intérieur, en soudoie d'autres, en menace d'autres encore. Jean-Louis Borloo a eu droit à un dîner avec Jean-François Copé. Le faux rebelle du centre radical est finalement radicalement resté affilié à l'UMP. Il faut dire que le parti présidentiel le subventionne d'un million d'euros par an. Fadela Amara a eu droit à deux hochets, une légion d'honneur comme Patrice de Maistre, le gestionnaire de fortune de Liliane Bettencourt, et une nomination comme haute-fonctionnaire, sans concours ni mérite, à l'inspection générale aux affaires sociales. Act Up Paris en a profité pour lui demander si elle avait eu connaissance du rapport tenu secret de l'Igas sur l'Aide Médicale aux Etrangers. Dur, dur d'être une rebelle ! A peine remise d'un rapport sans intérêt sur la dimension sociale de la mondialisation, Christine Boutin a également reçu sa médaillette d'honneur. Rama Yade, qui vient de partir de l'UMP pour le parti de Borloo, a été promue ambassadrice à l'UNESCO, alors qu'on découvre que ses agapes sud-africaines pendant la Coupe du Monde auraient coûté 45 000 euros aux contribuables.
Pragmatique, Sarkozy l'est tout autant quand il se débarrasse de l'encombrant Eric Woerth. Mardi, l'ancien collecteur du Premier Cercle, le plus fidèle des sarkozystes, a cru bon devoir se défendre d'avoir agi seul dans la cession contestée en justice de l'hippodrome de Compiègne, au fabuleux prix de 2,5 millions euros. Menacé de passer devant la Cour de Justice, il a expliqué que l'arbitrage avait été pris par les services du premier ministre. Paf ! Le lendemain, ces derniers faisaient savoir qu'il n'y avait eu qu'une réunion informelle à Matignon où les ministres Woerth et Le Maire s'étaient mis d'accord sans intervention de Fillon... L'été dernier, Sarkozy s'était aussi débarrassé de Joyandet, amateur de jet privé et Blanc, amateur de cigares. Ces deux-là ont eu de la chance d'être en France. Un député britannique, convaincu de s'être indûment fait rembourser 27 000 euros de frais, vient d'être condamné à 18 mois de prison ferme. En Angleterre, on ne rigole pas avec les abus. En Sarkofrance, on les récompense.
Pour faire campagne, il faut de l'argent. Le Premier Cercle est toujours actif. La publication, jeudi, des comptes des partis politiques en 2009 révèle combien l'UMP sait être imaginative pour dépasser légalement les plafonds imposés aux donations privées. On connaissait, depuis l'affaire Woerth/Bettencourt, l'existence des micro-partis. Voici qu'on découvre qu'une Valérie Pécresse a engrangé 390 000 euros de dons privés l'an passé, plus que les Verts et le Modem réunis...
On se demande déjà avec quelle ampleur les deux micro-partis dédiés à Nicolas Sarkozy, pour l'instant en sommeil, vont se réveiller en cette année préélectorale. Amis expatriés, sortez les carnets de chèques !
En réalité, la précarité
Un bon candidat sortant se doit de faire oublier son bilan, surtout quand il est mauvais. En presque quatre ans, Sarkozy a peu de médailles à exhiber. Il croit que son impopularité est due à ses réformes, et notamment celles des retraites. Son impopularité, dès l'automne 2007, vient surtout de ses promesses non tenues. Il répète désormais partout qu'il a pérennisé notre protection sociale. Sa réformette des retraites d'octobre dernier ne rassure pas grand monde, des députés de l'UMP qui dénoncent son impasse financière d'ici 3 ans aux agences de notation qui s'amusent de ce court répit. Le 20 janvier prochain, les syndicats appellent à une nouvelle journée de mobilisations, cette fois-ci contre la précarité, y compris dans la Fonction publique. Sarkozy réécrit l'histoire, notamment sa relance sociale contre la récession. Il oublie que les mesures de soutien (comme l'amélioration de l'indemnisation du chômage, notamment partiel) ont été obtenues de force contre lui, en janvier 2009, après des manifestations monstres contre un plan de relance injuste. Il omet de rappeler qu'il a sabré la plupart de ces mesures pour l'année qui démarre, alors que la reprise n'est pas là, et le chômage massif.
Jeudi 6 janvier, Roselyne Bachelot a dû reconnaître que le « RSA jeunes » n'a concerné, plus d'un an après son lancement, que 5.024 personnes, contre 160.000 prévus. Dès le début, on avait critiqué ses critères d'éligibilité (2 ans de CDI sur les 3 dernières années). C'est l'un des rares aveux d'échecs du gouvernement. Sur l'ampleur du chômage, rien de tel. Même devant les partenaires sociaux, Sarkozy loue la résistance au choc de la crise, et « la reprise qui se dessine ». Il y a à peine 10 jours, l'INSEE avait pourtant douché froid le gouvernement en réajustant à la baisse ses prévisions de croissance pour 2010. Et le chômage reste massif et en croissance, malgré les manipulations statistiques habituelles. Les rapports et bilans se succèdent sur la précarité (familles mono-parentales,  mal-logement, inégalité de revenus), mais ils sont sans effet.
Officiellement, donc, Sarkozy n'est pas candidat. Faites semblant d'y croire encore un peu.
Amis sarkozystes, où êtes-vous ?


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