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Publié le 09 janvier 2011 par Jplegrand

 

90 ans après le Congrès de Tours, où en est le communisme ?

Lors du Congrès de Tours en 1920, Léon Blum s'adressant aux délégués du Parti socialiste  qui  décidèrent  majoritairement de rejoindre le communisme avait déclaré " Nous sommes convaincus, jusqu’au fond de nous-mêmes, que, pendant que vous irez courir l’aventure, il faut que quelqu’un reste garder la vieille maison". Le souhait de Blum semble se réaliser lorsque l'on voit les dirigeants actuels du PCF retourner dans la "vieille maison réformiste" en  s'alignant sur les positions de la social-démocratie. Mais la maison est tellement vieille, tellement usée dans son oeuvre de défense du système qu'elle risque de s'écrouler avec lui. Quelle ironie d'entendre aujourd'hui  des responsables du PCF  accuser des militants communistes  d'aller à l'aventure parce qu'ils ne partagent pas l'orientation du Front de Gauche menée par des politiciens socialistes comme Mélenchon. Mais ce qui se passe aujourd'hui a des causes bien plus profondes enracinées dans l'histoire de notre pays inséparable de celle du communisme français et international. Loin de mourir le communisme  n'est autre que le mouvement interne au capitalisme qui  tend à l'abolir pour s'y substituer. En effet le capitalisme a fait surgir de si puissants moyens de production et d'échanges en l'espace de quelques décennies qu'il a créé les conditions révolutionnaires d'une transition vers une autre société : le communisme.

Alors que le PCF était encore une puissante force politique en France,
François Mitterrand annonçait à son entourage que son but était de
l'affaiblir significativement. Mitterrand avait compris la contradiction
interne du PCF, il avait bien saisi le drame qui se jouait en son sein  : à
la fois  grand parti populaire  de masse qui avait fait preuve  d'une très
grande  créativité politique pendant la résistance et à la Libération d'une
part et contradictoirement un parti qui était demeuré  fidèle aux dogmes du
modèle soviétique. En pleine guerre froide, le PCF vivait en interne une
contradiction explosive : avoir les capacités d'inventer une voie nouvelle
au socialisme et en même temps soutenir un régime qui bafouait le socialisme
au quotidien et l'amenait à sa perte comme les années 90 l'ont prouvé.
La créativité politique du PCF issue de sa très riche expérience de la
résistance, du CNR, et de son influence très ancrée dans le tissu des
communes françaises, du mouvement associatif et syndical l'ont conduit à
proposer une élaboration populaire d'un programme politique très avancé pour
son époque et qui fut porté par de très larges couches de la population. La
maturation au sein du peuple et sur une décennie du Programme commun de
gouvernement ouvrait dans le pays une perspective inédite de transformation.
Or paradoxalement, c'est le Parti socialiste qui tira "les marrons du feu"
avec une décrue de l'influence du PCF dès que celui-ci apparut dans le
peuple comme toujours porteur des dogmes soviétiques au moment où il aurait
fallu au contraire que les communistes lancent à la fois une offensive
politique de clarification sur le rôle de la social-démocratie qui ne fut
qu'ébauchée et dans le même mouvement une rupture totale, claire et nette
avec les bureaucraties  de l'Est qui n'a jamais vraiment eu
lieu. C'est d'ailleurs pour cette raison que le PCF fut incapable de saisir
la signification originale de mai 68 comme l'une des premières
manifestations nationales du désir  collectif d'affirmer l'individu exploité
comme responsable de sa propre émancipation, co-auteur de l'auto-gestion
révolutionnaire, porteur de sens politique dans le combat anti-capitaliste.
Au contraire alors que l'élaboration du contenu du programme commun dans les
quartiers, les entreprises avait été une oeuvre extra-ordinaire en terme
d'initiative politique, la démarche n'a pas été portée jusqu'au bout d'une
appropriation par le peuple d'une critique des rapports entre partis, d'une
critique de fond de l'Etat, du rôle des organisations politiques et à leur
égard de l'autonomie du mouvement populaire. Les bonnes vieilles habitudes
d'un monde verrouillé enserré dans le dualisme capitalisme/soviétisme ont
repris le dessus malgré quelques tentatives avortées au sein même du PCF de
trouver une voie originale au socialisme proprement nationale et en même
temps internationaliste.
Le poids de la direction du PCUS a sans doute joué un rôle incontestable
dans les rapports de force de l'époque tant dans les relations d'Etat à Etat
que de parti à parti qui n'ont pas permis au PCF de rendre populaire un
travail politique d'analyse critique de la situation réelle du monde et des
possibilités pour la France de construire le socialisme. Les années
Mitterrand ont par la suite été celles d'une pédagogie du renoncement et du
découragement du mouvement populaire qui se renforçait d'autant plus que
l'URSS et les régimes de l'Est s'écroulaient. Les forces capitalistes en ont
bien entendu profiter pour étendre leur domination politique et idéologique,
pour tenter de convaincre les gens qu'il n'était pas possible de construire
une autre société que capitaliste, que le communisme avait été une grande
illusion. Ainsi la parenthèse du communisme se refermait. Il n'y aurait eu
désormais d'horizon que dans les limites du capitalisme, comme si l'histoire
en était arrivée à sa fin. Mais hélas pour les idéologues de tout poil qui
prêchent ce genre de sornettes, la réalité les rattrape vite. La réalité du
capitalisme c'est qu'il n'est pas une société figée mais en perpétuel
mouvement, et que ce mouvement, celui du capital dans  sa concentration,
provoque des crises qui sont inhérentes à la nature même de l'accumulation
capitaliste, des crises par lesquelles des destructions matérielles et
humaines sont  le sacrifice du vivant pour les Dieux terrestres de l'argent.
C'est la part de l'activité humaine qui s'aliène dans le travail salarié et
donc dans la négation de l'activité libre de l'être humain.
Car contrairement aux idéologues du capitalisme et aux marxistes du
dimanche,  le communisme n'est pas une idéologie, il est le mouvement
interne qui au sein du capitalisme tend à l'abolir. Comme la lutte de
classe, le communisme n'est pas une vue de l'esprit, il est en quelque sorte
l'auto-création du développement capitaliste ce qui explique d'ailleurs que
le capitalisme n'est pas un long fleuve tranquille mais une organisation de
la société qui en avançant dans le temps crée toujours plus de crises qui
elles-mêmes sont plus puissantes que les précédentes et concernent
désormais l'ensemble de la planète. La classe dominante peut toujours rêver
de le nier, le communisme jaillit de  partout, partout où le capitalisme est
incapable de répondre à l'irrépressible besoin des forces productives de se
développer sans l'entrave de la domination de l'argent, partout où
l'inéluctable désir humain se manifeste comme désir de chaque individu à
être maître de sa vie,  à devenir co-auteur de la société, immense
aspiration contemporaine de passer de la démocratie formelle à la démocratie
réelle.
Ce que nous vivons depuis quelques années  du fait de l'accumulation
planétaire du capital et de sa concentration, est une période historique
inédite où le capitalisme après une expansion planétaire prodigieuse dévoile
à l'humanité ses propres limites en tant  qu'organisation sociale incapable
d'accomplir les promesses de Liberté, d'égalité, de fraternité que la
bourgeoisie avait proclamée pendant le révolution française. Le capitalisme
est de plus en plus vécu notamment en France pour ce qu'il est en son
essence,  une organisation antagonique aux  droits du travail, à l'emploi, à
la santé, à l'éducation, aux services publics, à la démocratie, à la
coopération et la solidarité entre les hommes.
Le capitalisme subordonne l'état à ses exigences, il en a fait son appareil
de domination et de coercition indispensable pour tenter d'empêcher la
révolution en cours : une révolution technologique irrépressible qui appelle
une révolution politique au sein de laquelle la démocratie devient la
condition du développement de l'humanité. Le mouvement interne qui secoue le
capitalisme, le séisme qui l'habite en permanence depuis ses débuts est en
train d'atteindre son apogée.  Les forces politiques qui se réclament du
communisme et qui n'ont pas pris la mesure de cette réalité seront emportées
avec toutes les autres forces politiques par les bouleversements
considérables que cette transition de société exige. Le PCF est depuis
plusieurs années sur cette voie même si en sont sein demeurent des hommes et
des femmes de progrès qui prennent peu à peu conscience des impasses dans
lesquelles se fourvoie la direction nationale du parti et un grand nombre de
dirigeants départementaux.
L'enjeu est donc de construire avec tous ceux qui ont conscience des
bouleversements à venir  une organisation politique qui prenne en compte la
réalité, qui l'appréhende et l'étudie  pour en diffuser et partager  les
visions les plus éclairantes dans le peuple afin que le mouvement populaire
puisse acquérir les outils théorico-pratiques de son rôle transformateur.
C'est ainsi que le nouveau parti révolutionnaire pourra devenir un
instrument utile au mouvement en faveur de l'auto-organisation populaire  et
démocratique nécessaire à édifier la société humaine du XXIème siècle.


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