Un nouveau pays est donc en train de naître en Afrique : le sud-Soudan, que nous désignerons par Juba, du nom de sa capitale.
L'affaire était rien moins qu'évidente. Et s'il semble désormais acquis que le référendum se déroulera, cela ne signifie pas pour autant que l'affaire est terminée. Quelques considérations paraissent utiles.
1/ Sur les conditions, il n'est pas besoin de rappeler la différence entre le sud et le nord du pays. Au sud,une région fertile et florissante (elle est située à la même latitude que la Centrafrique), peuplée de noirs, chrétiens et animistes. Au nord, une région plus désertique, peuplée d'arabes, musulmans. Et le nord dominait le sud depuis toujours, (les traites négrières des arabes passaient notamment par là) ce qui avait été renforcé par les divers colonisateurs. Autant dire que ce n'est pas le pouvoir "islamiste" d'Omar el Béchir (OEB) qui a inventé la domination du sud.
2/ La rébellion durait donc depuis des décennies. De ce point de vue, Juba fait penser à l'Érythrée, qui a suivi à peu près le même chemin, mais selon d'autres lignes de fractures : il est d'ailleurs symptomatique que ces divisions africaines aient toutes lieu dans cette région des hauts-Nils.
3/ Il s'agit toutefois d'une manifestation de la Realpolitik. Juba deviendra indépendant non par son référendum (qui ne sera que la forme juridique qui validera l'indépendance), mais à cause d'un processus diplomatique où les États-Unis ont joué un rôle marquant. Sans eux, sans leur engagement déterminé, les choses ne se seraient pas passer ainsi.
4/ On peut alors s'interroger sur les raisons qui ont pousser le leader soudanais, OEB, à laisser faire ? D'autant qu'il était mis au ban de la communauté internationale, à la fois pour ses connivence avec le terrorisme islamiste et pour sa répression du Darfour ? Deux sujets qui font beaucoup moins la une des médis depuis dix-huit mois, l'avez-vous remarqué ? Il y aurait une sorte d'échange : "je laisse faire pour le sud-Soudan, vous allégez la pression sur le reste" : ainsi doit on interpréter le retrait de son nom de la liste des terroristes. On parle également d'un allègement de la dette et l'assouplissement des sanctions économiques. Surtout qu'OEB a d'autres cartes en main, on y reviendra.
5/ Mais alors, quel intérêt des Américains ? le pétrole, tout simplement. Le Soudan est le 3ème producteur de pétrole africain, mais 80 % des réserves se trouvent au sud... Avoir un Etat "indépendant" et surtout à leur main favorisera une diversification pétrolière fort bienvenue.
6/ Il y aura donc un nouvel Etat.... mais tout ne sera pas résolu d'un coup. En effet, les frontières restent à déterminer, notamment autour de la poche d'Abyei. De même, l'homogénéité du sud n'est pas aussi évidente, et plusieurs sécessions ou troubles pourraient rapidement intervenir, quitte à être instrumentalisés par les nordistes. Ce à quoi les sudistes pourraient répondre en appuyant le JEM du Darfour, puisque cette question là n'est pas réglée, et l'opposition entre pasteurs et paysans demeure sensible dans toute la région, notamment sur la question du partage de l'eau. Le sud manque de tout, et notamment d'infrastructures et d'administration : autant dire que les risques de corruption sont grands.
7 / Alors, il y aura la manne pétrolière : mais elle devra sortir par les oléoducs du nord, qui constituent l'atout principal d'OEB : les négociations ne font que commencer, et rien ne dit qu'elles se dérouleront sans heurts.
8/ La dernière question pendante concerne le Nil. En effet, l'alliance objective entre l'Égypte et le Soudan risque d'être affectée par l'apparition d'un nouvel acteur, qui aura des droits sur la régulation du fleuve : on sait que la question est sensible pour les États de la région, ainsi que je l'ai déjà fait remarquer ( "Khartoum pourrait tout à fait estimer qu'elle "peut" exploiter l'eau pour résoudre les besoins de sa population. Au risque de troubles avec le voisin du nord. Surtout si le sud-Soudan fait sécession, et que le nord doit retrouver un projet national.....").
Ainsi, même si la fin de la guerre civile est envisageable, cela ne signifie pas que les difficultés géopolitiques dans la région cesseront d'un coup. On n'a pas fini de parler du sud-Soudan.
Réf : rapport AN sur le Darfour. Billet de Good morning africa.
O. Kempf