L’OACI confirme le redressement du transport aérien mondial.
Il convient –c’est difficile- de prendre du recul, de s’extraire de repčres locaux ou régionaux. Le transport aérien est résolument, totalement international et il convient d’en apprécier les bosses et les creux en oubliant ce qui se passe chez nous. Sans quoi l’analyse des événements serait dangereusement réductrice.
Ce bref rappel ŕ l’ordre s’impose au moment oů sont diffusées les statistiques de trafic de l’OACI pour 2010. Elles nous confirment que la crise est bel et bien terminée en męme temps qu’elles incitent ŕ l’optimisme. L’essentiel : l’année derničre, deux milliards et demi de voyageurs ont pris l’avion, 6,3% de plus qu’en 2009. Le trafic international, exprimé en passagers/kilomčtres, a augmenté de 8,8%, cela notamment grâce ŕ l’apport des grandes économies émergentes du BRIC, Brésil, Russie, Inde et Chine, quatuor qui, entre autres mérites, a généré une part croissante du trafic de loisirs.
Les plus fortes progressions sont néanmoins liées ŕ la trčs bonne tenue, du Moyen-Orient (+ 21%) et de la région Asie-Pacifique (+ 12,9%). Les marchés qualifiés de matures, essentiellement l’Amérique du Nord et l’Europe, progressent respectivement de 6,2 et 6,7%, un rythme de rattrapage dont on devine d’ores et déjŕ qu’il ne se prolongera pas. Et cela bien que le Vieux Continent bénéficie de l’effet bénéfique low-cost, c’est-ŕ-dire de l’ascension de compagnies ŕ l’origine de nouvelles tranches de clientčle. Une poussée, notent les économistes de l’OACI, soutenue par l’élargissement de l’Union européenne.
On note que l’éruption du volcan islandais n’a pas vraiment eu d’impact notable sur les statistiques de l’année. Certes, plus de 100.000 vols ont été annulés mais, en pratique, les 9 millions de passagers concernés ont tout simplement reporté leur voyage. Peut-ętre en a-t-il été de męme pour les Ťnaufragésť de la neige, dont on ignore dans quelle mesure l’OACI a pu en tenir compte, sachant que les chiffres de décembre résultent d’extrapolations, le détail n’étant pas encore disponible.
Autre maničre de confirmer la reprise, les compagnies ont ŕ nouveau accru leur capacité offerte, en moyenne de 3,7 % ŕ l’échelle mondiale, mais avec de forte disparités régionales. Ainsi, le Moyen-Orient affiche une progression de 13% (qui tient, en partie tout au moins, ŕ l’effet Emirates) alors que l’Europe a augmenté ses sičges/kilomčtres de 2% seulement. Le coefficient d’occupation a augmenté de 3,6 points, ce qui suffit ŕ faire toute la différence entre crise et reprise.
Autre bonne surprise, le trafic fret a fait un bond en avant de 18,9%, un bilan qualifié de spectaculaire, la plus forte progression en trois décennies, avec une pointe ŕ + 34,1% au Moyen-Orient.
Les prévisions pour 2011 sont nettement plus sages. L’OACI estime que le trafic aérien mondial progressera de 4,7%, une croissance similaire (4,9%) étant attendue en 2012. On devrait ainsi retrouver les moyennes ŕ 10 ou 20 ans sur lesquels s’accordent experts et analystes. De quoi satisfaire ŕ peu prčs tout le monde.
C’est par ailleurs le moment d’évoquer la mémoire d’Alfred Kahn, qui vient de disparaître ŕ l’âge de 93 ans. Théoricien puis artisan de la déréglementation du transport aérien américain, avec l’appui des sénateurs démocrates Edward Kennedy et Howard Cannon, il a provoqué en 1978 une refonte du paysage aérien, tout d’abord difficile, qui a inspiré le monde entier au fil des années suivantes. Rarement un personnage aura eu une telle influence sur le devenir d’un secteur économique qui, ŕ cette époque, n’avait pas encore démontré toute son importance.
Trois décennies plus tard, en dehors d’un cercle restreint d’initiés, Alfred Kahn est oublié. Mais, aujourd’hui, l’industrie des transports aériens sait qu’elle lui doit indubitablement une part respectable de ses deux milliards et demi de passagers annuels.
Pierre Sparaco - AeroMorning