Les nationalismes et patriotismes de tous poils, qu’ils soient de droite ou à fortiori de gauche, (et quand bien même on les dissimulerait sous les atours plus présentables du souverainisme) m’insupportent au plus haut point. Je ne comprends même pas qu’on puisse encore l’être, en une époque qui réclame et nécessite tant la disparition des frontières physiques, les frontières virtuelles ayant été quant à elles depuis bien longtemps abolies, plus facilement que pour les humains, par les mouvements de capitaux. C’est là dire toute l’étendue (et le désastre) de l’échelle de valeurs et de priorités de notre modèle sociétal, à l’échelon international.
Aussi, quand j’ai vu ce vieux diplodocus arriéré et d’un autre temps, dépassé par les événements qu’est Jean-Pierre Chevènement, tenter d’effectuer son come-back par une fenêtre aussi dérisoire et cousue de fil blanc, je ne peux que m’interroger. Voire m’indigner, même si c’est à la mode, n’en déplaise à Mme Lévy et autres Askolovitch…
Comment peut-on être aussi aveuglé par sa seule logique et sa petite personne au point de risquer de nouveau d ‘entraîner la gauche au désastre, comme en 2002, entraînant le FN au second tour ? L’histoire n’a-t-elle donc servi à rien ?
Et puis, agiter le drapeau de l’Europe qui dépossèderait la France de ses prérogatives, oui, pourquoi pas, mais bon, le Front National le fait aussi avec le succès que l’on connaît, contrairement au MRC dont une grande partie des militants viennent rejoindre le Front de gauche… Au point que Chevènement Président ne l’est que d’un MRC représentant en gros 200 adhérents sur toute la France, ce qui rend ses prétentions risibles.
Il me semblerait donc plus raisonnable de tenter d’infléchir cette Europe là dans une autre direction que celle justement honnie par Chevènement, mais pas forcément pour de bonnes raisons.
Au front de gauche, nous sommes nous-mêmes contre cette Europe technocratique, ultra-libérale et axée sur la seule dimension capitalistique de nos vies alors que la plupart de ceux qui ont voté non en 2005 n’étaient pas forcément contre l’Idée d’Europe, et n’étaient pas forcément des sous-citoyens imbéciles et non éclairés, mais des gens qui comme moi et d’autres, réclamaient à corps et à cris une Europe dont les projets ne seraient pas seulement axés sur la libre circulation des biens et des services, sur le dogme sacro-saint inscrit dans le marbre de la constitution Européenne du marché et de la concurence libres et non faussés…
Tout un programme idéologique qui a conduit, accentué en cela par l’orthodoxie ultra-libérale de Sarkozy et consorts (MEDEF, UMP, grands patrons de l’industrie et oligarchie française), au démantèlement quasi irréversible des services publics d’intérêt général (SNCF, poste, télécommunications, audiovisuel public, information, eau, électricité, etc…) qui de par leur nature devraient échapper à cette logique économique. Et pourtant, ne voit-on pas dans des domaines comme l’éducation, la formation, les secteurs sanitaires, social, médical et médico-social, psychiatriques, l’industrie pharmaceutique (comme l’histoire récente l’a démontré..), associatifs, etc… des logiques de rentabilité à outrance et de gestion purement technocratique axée sur la seule dimension financière qui n’ont rien à y faire ?
Trouve-t-on normal que des démarches de rationalisation économique qui se préparent avec tant d’évidence à la fameuse concurence libre et non faussée mais qui se dissimulent si habilement sous le masque du pragmatisme (aidées en cela par une période de crise fortuite mais bienvenue, tant elle est aidante pour les ultra-libéraux), parviennent à faire de ces actions participant de l’intérêt collectif et du bien public (concept clairement éludé par les instances européennes) une relation purement marchande ? Moi pas. Cette marchandisation du vivant m’insupporte, et je ne suis aps le suel à la déplorer : elle crée en effet de la souffrance compte-tenu des rythmes infernaux qu’elle génére et heurte la déontologie et la morale de nombreux salariés de ces secteurs, et ce n’est donc pas une réistance seulement idéologique. Ainsi, faire du fric avec du handicap m’apparaît répugnant.
La frustration qui a découlé du kidnapping des voix populaires qui avaient pourtant dit NON lors du référendum de 2005 pour de bonnes raisons telles que celles que je viens de citer , faisant penser aux électeurs qu’ils ont été floués puisque l’on n’a pas tenu compte de leur vote, risque fortement d’avoir joué dans l’augmentation des votes protestataires et extrêmes, et d’avoir donné envie aux européens de voter autrement… pour le meilleur comme pour le pire.
Le PS ferait bien de se ressouvenir de 2005, et de son positionnement Européen (les dernières élections n’ont-elles pas vu son hégémonie à gauche s’effriter ?), et de faire son autocritique à ce niveau, s’étant révélé dans ce moment là totalement coupé de sa base comme les résultats du référendum d’alors l’ont assez prouvé… et à ma grande satisfaction encore plus fortement dans mon département et ma région.
Ce n’est pas de l’Europe, dont nous ne voulions pas, mais de cette Europe là, dénuée de toute dimension sociale et de réflexion sociétale. La suite de l’histoire l’a assez bien démontré. Mais contrairement à Chevènement, je n’en profite pas pour dire qu’il faut jeter le bébé avec l’eau du bain. L’idée d’Europe est une bonne idée. Le problème, c’est que les technocrates en ont fait une machine à fric qui lamine tout sur son passage bien plus efficacement que tout mouvement dictatorial… Mais ceci dit, n’en est-ce pas un, larvé, ce mouvement idéologique là, qui supprime les droits des plus démunis et la puissance démocratique des plus modestes, représentés par une pseudo démocratie confisquée par des élites bien pensantes mais bien peu agissantes dans l’intérêt des classes laborieuses ?
Alors, partis de gauche, vous voilà prévenus.
Quant à Mr Chevènement, on s’en fout, finalement : l’existe plus. Et bien peu prendraient le risque de voter pour lui en 2012… Et c’est tant mieux.