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Fonctionnaires ou social : le candidat Sarkozy laisse son gouvernement gérer sa campagne de séduction

Publié le 12 janvier 2011 par Juan
Fonctionnaires ou social : le candidat Sarkozy laisse son gouvernement gérer sa campagne de séductionNicolas Sarkozy est revenu à Paris, après un double périple aux Antilles puis aux Etats-Unis. On l'a vu souriant en Martinique et en Guadeloupe, complice avec Barack Obama, même s'il n'est rien ressorti de concret de ces deux voyages. Aussitôt rentré, le Monarque ne semble pas toujours pas concerné par l'actualité réelle, la répression en Tunisie, ou un agenda social pourtant toujours aussi présent. Il a laissé Michèle Alliot-Marie expliquer que la police française pouvait aider celle tunisienne à gérer les émeutes, et François Fillon gérer quelques libéraux grognons de l'UMP. Statut des fonctionnaires, 35 heures et heures supplémentaires, ou rupture conventionnelle des contrats de travail, les sujets sociaux s'accumulent, et, à chaque fois, le gouvernement applique les consignes du candidat Sarkozy : rassurer aujourd'hui pour faire oublier les inquiétudes d'hier.
Fonctionnaires, emploi à vie ou précarité ?
La proposition du président du groupe UMP à l'Assemblée Nationale, la semaine dernière, n'a pas ravi François Fillon ni François Baroin. Christian Jacob voulait remettre en cause l'emploi à vie des fonctionnaires pour permettre davantage de « souplesse ». Le libéral Copé, dont il est l'un des fidèles, est en embuscade. Mardi matin sur Europe 1, le ministre du budget, et de la fonction publique, lui a répondu qu'il préférait résoudre la précarité des agents contractuels (soit 870 000 salariés sur 5,2 millions de fonctionnaires) : « L'un des atouts de notre pays, c'est justement ses fonctionnaires qui garantissent l'impartialité de l'Etat et le statut des fonctionnaires ce n'est pas un tabou, c'est un totem ». Que la formule est belle ! Finie la rupture des tabous, place à la sauvegarde des totems ! En période préélectorale, cela se comprend... Baroin, grand prince, précisa même : « Dans la fonction publique, vous pouvez avoir des CDD pendant six ans. Il faut qu'on tourne le dos à cela. Lorsqu'on fait le choix de servir l'intérêt général, le service public, on a le droit aussi d'avoir des garanties pour un niveau de revenu moyen qui est à, je me permets de le rappeler, 2.300 euros maximum.»
Son secrétaire d'Etat George Tron a tenu sa première rencontre sur le sujet, ce même mardi 11 janvier. Dans un communiqué de presse, il précise qu'il veut « améliorer de façon pérenne les conditions d’emploi des contractuels en leur ouvrant plus largement l’accès au contrat à durée indéterminée » et « corriger les abus du passé.» Comme il est curieux, et opportun, d'avoir attendu 2011 veille de scrutin présidentiel pour se saisir du sujet ! Depuis 2007, le nombre de CDD dans la fonction publique a augmenté de 100.000 postes (766.000 en 2007, 870.000 en 2010) alors que le gouvernement se félicitait d'une réduction de 100.000 postes de fonctionnaires en 5 ans ! Rappelons aussi que ce n'est pas la première fois que le gouvernement fait de belles promesses : en janvier 2010, Nicolas Sarkozy avait dénoncé le recours abusif à ces contrats courts. En mars dernier, Eric Woerth, prédécesseur de Baroin, avait promis une loi sur le sujet avant la fin de l'année 2010...
Contre cette fichue précarité, la proposition principale du gouvernement frise l'indécence. Les 6 ans de CDD que Baroin dénonce sur les ondes comme un scandale sont justement le seuil minimal fixé pour postuler à une régularisation éventuelle !  « Le plan présenté vise à favoriser l’accès au CDI pour tous les agents disposant de plus de 6 ans d’ancienneté sur une période de 8 ans et prévoit de leur ouvrir des concours professionnalisés spécifiques pour être titularisés.» Après 6 ans de CDD quasi-consécutifs, les précaires de la fonction publique peuvent espérer être titularisés ! Et pour celles et ceux qui restent précaires, le gouvernement ne propose rien pour améliorer l'accès aux indemnités chômage en fin de contrat (qui ne sont pas automatiquement dus) et les primes de précarité, comme c'est le cas en droit privé.
Heures supplémentaires, contre l'embauche.
Lundi 10 janvier, François Fillon a également rappelé qu'il était « hors de question de remettre en cause » la défiscalisation des heures supplémentaires « qui sont un élément-clé de notre compétitivité. » Justement, le 7 janvier 2011,  la Dares a publié son enquête trimestrielle « Activité et conditions d’emploi de la main-d’œuvre » (Acemo) sur les heures supplémentaires dans les entreprises de 10 salariés ou plus des secteurs concurrentiels. Ces dernières ont progressé de 13,7% en volume au 3ème trimestre 2010 par rapport à un an auparavant, pour atteindre 10,2 heures en moyenne par salarié à temps complet.
Dans le détail,
- Quatre secteurs ont contribué positivement à cette hausse : la construction (+8%, à 17 heures par salarié à temps complet en moyenne par trimestre), l’hébergement et restauration (+20%, à 25 heures), les transports et l’entreposage (+11% à 20 heures), la fabrication d’autres produits industriels (+24%, à 10 heures). L'immobilier, en revanche, est en forte chute d'heures sup' (-34% en un an).
- Les entreprises aux 35 heures ont davantage augmenté leur volume d'heures supplémentaires que les autres (+20,3% contre +7,0%). C'est résultat qui montre que la polémique récente sur le « déverrouillage » des 35 heures n'a pas lieu d'être.
- Mais elles ont moins recours aux heures supplémentaires que les autres également : 6,4 heures contre 28 heures.
- En réintégrant les salariés à temps partiel, la progression des heures supplémentaires est nettement plus modeste : 8,6 heures en moyenne par salarié, contre 7,6 heures un an avant.
- Plus l'entreprise est petite, plus elle déclare des heures supplémentaires : 25 heures par salarié à temps complet pour les sociétés de moins de 20 employés ; 18 heures pour celles entre 20 et 49 salariés ; 13 heures pour celles entre 50 et 99 salariés ; 10 heures pour celles entre 100 et 249 employés ; 7 heures pour celles entre 250 et 499 employés ; 4 heures pour celles de 500 salariés ou plus.
Ces résultats sont à rapprocher des chiffres du chômage, publiés sur la même période, en hausse de 6% sur un an (à fin novembre). Mais plus intéressante est la reconnaissance officielle, par la Dares, des biais de l'étude. Depuis l'entrée en vigueur, le 1er octobre 2007, de la fameuse disposition « Tepa », qui les défiscalise partiellement, pour les entreprises comme les salariés, ce baromètre trimestriel de la Dares fait état d'une forte augmentation du volume d'heures supplémentaires. Régulièrement, le gouvernement Sarkozy ou les ténors de l'UMP s'en félicitent. Selon d'autres sondages, le volume d'heures supplémentaires n'a pas évolué. Ces dernières sont simplement davantage déclarées puisque l'Etat en rembourse partiellement le coût. La Dares note d'ailleurs : « L’entrée en vigueur à partir du 4e trimestre 2007 des mesures sur les heures supplémentaires de la loi en faveur du travail, de l’emploi et du pouvoir d’achat (Tepa) du 21 août 2007 a contribué à réduire ce biais de sous-déclaration à l’enquête: les allègements de cotisations sociales qui y sont liés amènent désormais les entreprises à recenser avec plus de précision les heures supplémentaires
Rupture conventionnelle, la nouvelle pré-retraite
Le gouvernement est aussi resté discret sur le succès des ruptures conventionnelles de contrats de travail. Après tout, on aurait pu se féliciter, à l'été 2008, quand la rupture conventionnelle du contrat de travail fut négociée par les partenaires sociaux, avec quelques (modestes) gardes-fous, puis actée dans la loi. Depuis août 2008, près de 500.000 contrats de travail ont ainsi été rompus « à l'amiable » selon la Dares. En fait, en période de crise et de chômage de masse, la rupture conventionnelle fait carrément débat. 
Les petites entreprises y recourent massivement : 76 % de ces ruptures au premier semestre 2010 ont été le fait d'établissements de moins de 50 salariés. C'est aussi dans les PME que la représentation syndicale est la plus fragile. Surprise ?
Plus grave, les grandes entreprises s'en servent pour se délester de leurs seniors. L'incitation est d'autant plus forte que le gouvernement a progressivement dégradé les mécanismes de soutien aux pré-retraites, comme il s'en félicite régulièrement. Et rappelons qu'un actif, même senior, au chômage, est toujours considéré ... comme un actif. Ainsi, note la Dares, «Dans les établissements de 50 salariés et plus, les salariés d’au moins 58 ans apparaissent néanmoins sur-représentés dans les ruptures conventionnelles. Au 1er semestre 2010, ils représentent 10,3 % des sorties par rupture conventionnelle dans les établissements de 50 à 249 salariés et 17,4 % dans les établissements de 250 salariés et plus. »
Autre constat, le nombre de refus de ruptures à l'amiable reste modeste. Il faut avouer que le dispositif est triplement bénéfique : pour les entreprises, il est moins coûteux qu'un licenciement économique, puisque les sommes dues au titre de l'indemnisation sont exonérées de cotisations sociales.  Le risque de recours aux prud'hommes est assez faible puisque la rupture est contresignée par le salarié. Enfin, pour le gouvernement, ces ruptures évitent des plans sociaux massifs désastreux en termes d'image.
En rentrant de l'étranger, le candidat Sarkozy n'avait pas grand chose à dire sur tous ces sujets, sans doute trop bassement matériels, certainement trop difficiles à assumer. Il reçut les familles des deux otages français tués samedi dernier.


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