Ce scandale du “Médiator” n’en finit de pas de défrayer la chronique, à savoir ce médicament pour diabétiques en surpoids, commercialisé par le laboratoire Servier depuis 1975, et interdit depuis novembre 2009. Et qui se trouve ainsi au coeur d'une affaire, avec jour après jour, son lot de révélations. Et avec en toile de fonds, comme dans l'affaire H1 N1, les connivences, les rapports ambigus et complexes entretenus entre grands laboratoires, experts, autorités sanitaires, et milieux politiques.
Une première étude de la CNAM réalisée en novembre 2009, portant sur plus de 43 000 diabétiques ayant pris du Médiator, faisait ainsi apparaître que ce médicament multipliait par trois les risques de troubles cardio-vasculaires chez les patients concernés. Le Mediator - benfluorex -, est interdit depuis des années, à l’étranger, aux Etats-Unis, en Espagne, en Italie. Ce médicament est d’ailleurs proche dans sa composition d’un autre médicament commercialisé par le laboratoire Servier, à savoir un coupe-faim, l’Isoméride, retiré de la vente en France, en 1997. Il s’agit donc d’une affaire sanitaire s’étendant sur le long terme, en l’occurrence - une trentaine d’années -, ce qui complique l'état des lieux. Concernant les statistiques, on nous a parlé de 200, puis 500 morts d’après une estimation de la CNAM, certains experts évoquant maintenant le nombre de 1000 victimes et 3 500 hospitalisations, imputables à la prescription de ce dit médicament et à ses effets secondaires, chez certains patients fragiles. Et on apprend maintenant, qu’il n’y aurait pas qu’un seul, mais des dizaines de « Médiator » potentiels. C’est-à-dire des médicaments sous surveillance, potentiellement dangereux, mais continuant à être prescrits. Aujourd’hui en France, 76 médicaments feraient ainsi l’objet d’un suivi national. Certains seraient suspects, étant accusés d’avoir des effets secondaires parfois très graves, pour certains types de patients. Dix d’entre eux affirment certains spécialistes devraient d’ailleurs être immédiatement retirés du marché, par mesure de sûreté sanitaire.
Et il s’agit bien là, d’une vaste et complexe problématique, auquelle on touche. Nous sommes effectivement dans une société, où il y a une forte appétence de soins. Un nombre incroyable de médicaments nouveaux sortent chaque année et sont commercialisés sur ce marché, d’ailleurs fortement concurrentiel, marqué par l’émergence de géants pharmaceutiques étrangers. Mais la question est complexe en l’occurrence, car relevant aussi et surtout d’un ordre sanitaire et sociétal. Et nos fleurons hexagonaux - Servier, Sanofi Aventis -, défendent leur positionnement, d’où les liens très étroits entre politiques et secteur pharmaceutique hexagonal. L’industrie pharmaceutique se constitue en puissant lobby, particulièrement puissant et influent, par les enjeux, le poids de certains laboratoires, comme Servier et Sanofi Aventis - employant à eux deux, près de 60 000 collaborateurs en France et à travers le monde. Ce secteur défend âprement ses intérêts, y allant de son influence, même concernant parfois la législation. Et l'angle d’analyse pourrait ainsi être porté sur une question comme la maîtrise des dépenses d’assurances-maladies, des coûts concernant les médicaments, l'alignement du remboursement sur les génériques, les laboratoires jouant souvent un rôle pervers en la matière. Avec une industrie pharmaceutique consacrant un budget marketing considérable au démarchage auprès des médecins, encadrés et relancés par toute une noria de commerciaux derrière. Les médicaments nouveaux sont de plus en plus chers et les médecins généralistes, mais aussi les spécialistes prescrivent souvent à tors et à travers.
Après d'autres affaires identiques, on croyait tout de même, que les structures chargées de donner leur feu vert à la vente d’un médicament, nous prévenaient de tout nouveau drame. Mais les connivences, les lâchetés, les conflits d’intérêts peuvent être, humainement parlant, plus forts que tout. Et dans ce triste feuilleton, comme dans l'affaire H1 NI, le lobby pharmaceutique démontre encore une fois son poids, sa puissance, sa capacité d'influence. Cela prouve par ailleurs, en la matière, que les questions inhérentes doivent relever d’une autorité suprême, à l'expertise indépendante, dotée de réelles prérogatives et de capacités de sanctions éventuelles. Car derrière tout cela, sont concernés tout le système de santé français, notre système d'assurances-maladies, avec derrière les lobbies qui dictent leurs lois, au détriment de l'intérêt général…
J. D.