Franchement, je n'aime pas le théâtre.
J'ai des souvenirs fantastiques de deux spectacles dans la cour d'honneur du Palais des Papes, Platonov monté par Eric Lacascade et Peer Gynt par Patrick Pineau.
A Avignon.
Mais le théâtre, ça non, ça m'ennuie.
A Avignon, dans la cour des Papes, il y a tout le tintouin, la sirène, la couverture chaude, l'entracte à 1h du matin, les feux d'artifice sur scène.
C'est pas du théâtre.
J'aime pas le théâtre.
Ou peut-être que c'est la faute de cette fille que je croisai à une représentation de La bataille du Tagliamento.
La conne a dit "Tu vas voir le Tagli ?"
Temps d'arrêt, puis je saisis.
La conne m'avait piqué mon petit-copain au lycée en plus.
La conne avait un accent snob.
Elle a dit "Taaaaaaaaaah-Gli".
Au fond, c'était une conne, rien de plus.
"Le noyau ne va-t-il pas bientôt apparaître ? (il met l’oignon en pièces) Rien à faire ! Jusqu’au point le plus profondTout n’est que couches – seulement de plus en plus petites"
Mais les pièces de Chéreau que j'ai vues, c'était bien plus que du théâtre.
Phèdre, et avant cela Le temps et la chambre (Son triomphe, une pièce de l'auteur allemand Botho Strausssur « Des gens qui ont l'air de colis en souffrance, non réclamés »).
Forcément, après, on n'aime plus le théâtre. On n'aime que Chéreau.
Sauf que monsieur veut plus.
« Il y a beaucoup de choses que j’aurais aimé faire et que je ne ferai jamais : être musicien, être chorégraphe, savoir écrire des romans. Et donc, aujourd’hui, faute de mieux, je peux juste dire que j’utilise la musique des autres, les chorégraphies des autres, les romans que je n’écrirai jamais… "
Il a donc cessé de faire du théâtre pour devenir auteur. Ceci a fait de lui un réalisateur de films. De films de merde, si l'idée est que j'ai le droit de donner un avis éhonté ici.
Il y a trop de chaire dans les films de Chéreau.
Il y a trop de désincarnation, dans le théâtre, quand ce n'est pas fait par Chéreau : " Le rapport au texte devient concret", viscéralement lié à la pratique du plateau, traduisant la recherche du sens des mots dans l'espace : " Le lien entre ces mots et l'espace est le corps des acteurs."
On a beau aimer son steak saignant, au cinéma, il ne se contrôle plus, il nous fout la tête dans le rôti sanguinolent pas encore cuit.Si une tête doit être coupée : il la coupe.
Heureusement, au théâtre, il doit ranger ses couteaux.
Et atteint un équilibre parfait, du maintien (le texte, les conventions de la scène) et une impulsivité, une rage dingues.
«Quand il met en scène, on a vraiment l'impression de faire partie d'une rébellion, confirme Pascal Greggory. Laquelle? On ne sait pas.»Il fait du spectacle VIVANT, pas du veggie.
Eh, pourquoi les gens toussent, s'étouffent, se raclent la gorge... dans une salle de spectacle ?Et pas seulement lors des matinées spéciales cinquième âge au Théâtre des Champs-Elysées.Parce que c'est souvent MORTELLEMENT ennuyeux.On se forcerait presque à succomber à une pneumonie.Mais ça n'arrangera rien, parce que la mort ressemblera à cette expérience.On se dit "Ok, le purgatoire ça va être comme ça. Hein? Bien."Après avoir toussé pour décéder, on se racle la gorge pour en prendre son parti.(C'est mon expérience)Pas avec lui, normalement."Je suis sensible à quelques alexandrins, comme tout le monde. Je ne suis pas sensible à cette fausse musique, effrayante, que j'entends chaque fois que j'entends une tragédie. C'est-à-dire cette musique à laquelle on est habitué dès le lycée, qui est "tatata, tatata, tata ta, tatata". Et ça recommence 1 600 fois."Et puis, trop de cinéma a tué le théâtre qu'il y avait en lui...
Une mise en scène "trop cinématographique" ?
Ah je sais pas.Peut-être que je n'aime pas au théâtre qu'on me montre des gens qui se masturbent l'un l'autre.