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L’implacable machine à laminer la pensée

Publié le 12 janvier 2011 par Chantalserriere

Les rouages de la machinerie sont invisibles, mais ils fonctionnent à la manière des engrenages des “Temps modernes”. Ils broient tout ce qui passe sous ses dents d’acier.

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Image empruntée ici

Pour comprendre son mécanisme, il faut savoir que la machine à écraser le grain de la pensée vive, utilise deux outils lénifiants dont l’efficacité est redoutable. Le premier est le flot continu de la parole, le second, l’emploi de la couleur sépia. Expliquons-nous.

Prenez une pensée vivante, l’affirmation d’un nécessaire travail sur l’image de la France perçue à l’étranger et du rôle absolu de prédateur que jouent les pays riches dans les pays les plus pauvres, par exemple. Attrapez cette pensée lors d’un débat télévisé. Une pensée un peu dissidente qui vient éclairer l’incompréhension générale devant les prises d’otages et autres exactions abominables. Ecoutez l’argumentation claire qui explique autrement une actualité effrayante et brouillée. Peu importe qui la profère. Voilà que tout s’éclaire et devient limpide. Vous pensez alors que l’animateur va arrêter un temps le cours du flot verbal qui inonde son plateau.

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Vous imaginez qu’il a senti le basculement de la pensée unique présentée jusqu’alors en boucle et qu’il va offrir, lui que son rôle déifie, une fraction de seconde, un infime morceau de ce temps qu’il orchestre,  une pause où résonneraient  en nous des mots chargés de sens. Que nenni! Retour à l’embrouillamini, lutte contre le terrorisme. Violence contre violence. Menaces du chef de l’Etat. Reprise du terme “barbare. Le déferlement des mots se poursuit. Pas de silence surtout! Surtout pas de silence! Ne pas réfléchir. Alimenter en carburant linguistique la machine à laminer la pensée vivante. C’est son rôle, à l’animateur, même s’il ne le sait pas vraiment. Alors il joue son rôle. Que pourrions-nous lui reprocher?

Prenez une autre pensée vivante, celle de Stéphane Hessel, par exemple et plongez-la dans la lumière sépia qui nimbe le joli visage d’Amélie Poulain.

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Observez comme la pensée se dissout, s’aplatit doucement dans l’aura passéiste qui lui est imposée. Redoutable, cette arme! Le beau Laurent Delahousse en use dans son 13 heures du week-end. Effet garanti! C’est que Monsieur Hessel est vieux! Et être vieux, dans notre société est une tare absolue, un discriminant total. Ce que l’expérience offre à l’examen d’un présent par nature trop proche de nous, devient handicap. Rien ne se compare. Et surtout pas le passé riche d’enseignements, à la virulence d’événements immédiats. Car rien n’existe, hors ce qui se consomme dans l’instant. Car rien n’est grave, hors le ricanement cynique. Monsieur Hessel est juif? Qu’importe! le voici taxé d’antisémite parce qu’il s’intéresse à la cause palestinienne! Monsieur Hessel a été déporté? Qu’importe! Hier, c’était hier! Monsieur Hessel encourage l’indignation? Qu’importe! Il a 92 ans! C’est dire! Et le reportage de nous bercer d’ironie sépia jusqu’à endormir nos neurones bien fatigués.

C’est dur la résistance! Combien de temps encore serons-nous hors d’atteinte de cette implacable machine à laminer la pensée?

Image de L’angoisse liée à l’inondation de Brisbane empruntée ici

Image d’Amélie empruntée ici


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