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Intégration des musulmans en France : la radicalisation des esprits

Publié le 12 janvier 2011 par Delits

Intégration des musulmans en France : la radicalisation des espritsIl est indiscutable qu’il vaut mieux ces temps-ci être musulman en France que chrétien dans un pays musulman. Pour autant, le raidissement des Français sur la place de l’islam en France est assez spectaculaire. Certains avaient déjà été interloqués par le sondage de décembre dernier, démontrant que les propos de Marine Le Pen sur le parallèle entre l’Occupation et l’occupation des rues par les musulmans en prière étaient approuvés par une majorité de sympathisants UMP. En réalité, la lame de fond porteuse de méfiance à l’égard de l’islam, n’est pas circonscrite à la droite et touche l’ensemble des électorats. Sur cette question, la fracture entre les élites au discours tolérant et s’offusquant de toute dérive stigmatisante, et le « pays réel » est plus vive que jamais. Est-ce le signe que la France, à l’instar d’autres pays européens, est elle-aussi touchée par la fièvre islamophobe ?

L’intégration des musulmans : le constat d’un échec

Selon l’Ifop, les Français estiment dans leur majorité :

-  que l’islam constitue d’abord une menace pour l’identité de notre pays (42%), plutôt qu’un facteur d’enrichissement (22%) ;

- que les personnes d’origine musulmane sont mal intégrées dans la société (68%), jugement largement répandu par l’électorat de gauche (57%), traditionnellement le plus ouvert à la diversité ;

-  que cet échec de l’intégration est dû d’abord au refus des musulmans de s’intégrer (61%), très loin devant le manque d’ouverture des Français (18%) : les Français n’accordent ainsi que peu de circonstances atténuantes aux musulmans.

Ces résultats stigmatisant une composante de la communauté nationale mettent à mal l’idéal du « vivre ensemble », fondement de toute nation.

Fantasme ou ressenti fondé

Ces résultats sont-ils corrélés à une dégradation de la capacité d’intégration des musulmans au sein de la République ? Les motifs de l’arrivée des musulmans en France, davantage attirés par le niveau de vie que par les mentalités occidentales, ne les poussent pas à y adopter les modes de vie et à s’imprégner de la culture occidentale. Pourtant, en contrepoint des résultats du sondage, l’intégration des musulmans aurait plutôt tendance à s’améliorer. Un nombre croissant d’entre eux fait des études supérieures et obtient des postes à responsabilités. Le nombre de mariages mixtes, considérés comme le critère d’intégration réussie le plus fiable, tendent à confirmer que toute une frange de la population arabe – principale communauté musulmane vivant en France – s’intègre très bien. En effet, 35% d’entre eux s’unissent désormais à des Français « de souche ». Pourtant, ces progressions sont largement occultées par l’image de communautés musulmanes complètement repliées sur elle-même, parquées dans des banlieues ghettoïsées. Ce ressenti d’une dégradation ne prend donc pas en compte toute la réalité.

Des différences culturelles trop extériorisées

Que reprochent les Français à l’islam en France ? Ils lui adressent deux reproches principaux. Sur le plan des valeurs, cette religion leur semble ne pas pouvoir se fondre dans le creuset laïc et républicain. L’opinion l’assimile beaucoup plus largement qu’en 2001 au rejet des valeurs occidentales, tandis que les autres qualificatifs restent péjoratifs (fanatisme, soumission, etc.). La menace d’Al Qaeda sur la France, plus actuelle que jamais n’apportera pas beaucoup de pondération dans les jugements.

Le second reproche est celui d’un manque de discrétion. Une majorité (55%) estime que l’influence et la visibilité de l’islam sont trop grandes. Les Français sont davantage opposés que favorables à l’édification de nouvelles mosquées. Lors de la polémique provoquée par le phénomène des prières dans la rue, la cause avancée était le manque de lieux de culte pour les musulmans. Mais comment le gouvernement pourrait-il se décider à  y remédier alors même que seuls 11% des électeurs UMP sont favorables à la construction de nouvelles moquées ?

De même, l’anathème est jeté sur le port du voile. Si un consensus a toujours prévalu dans l’opinion autour de son interdiction dans les écoles publiques, les Français se déclaraient jusqu’à présent majoritairement indifférents  au port du voile dans la rue. L’opinion a basculé en faveur d’une opposition claire (59%) à cette pratique, un tiers seulement y demeurant indifférent.

Le défi de la montée de l’islamophobie en Europe

On pourrait facilement céder à la tentation d’analyser ce durcissement sous le prisme de la vague islamophobe sous laquelle l’Europe semble s’engloutir. Un peu partout sur le vieux continent, des Pays-Bas jusqu’en Autriche, en passant par le Danemark, les partis d’extrême droite prolifèrent en brandissant des étendards antimusulmans. Le mythe de l’avènement d’une « Eurabia » tend à envahir les esprits ; il s’agirait d’une Europe dépassée démographiquement par le développement de ses minorités musulmanes, dopées par la puissance de leur natalité et par l’immigration, avec la complicité des élites européennes. De là à y voir une théorie du complot… Pour se protéger des vagues d’immigration, l’Europe aura toujours plus tendance à se transformer en forteresse, comme l’illustre le projet de mur entre la Grèce et la Turquie.

L’ouverture aux musulmans intégrés

Si les Français ne montrent de plus en plus fermes quant à l’intégration, ils se montrent parallèlement de plus en plus ouverts aux musulmans intégrés. Ainsi, dans les années 80-90, une majorité  de Français se montrait hostile à l’élection d’un maire d’origine musulmane, tandis qu’ils sont désormais minoritaires à y être opposés. Au contraire, cela constitue une belle preuve d’intégration ! De même, les Français sont nettement plus ouverts à l’hypothèse d’un mariage entre un de leurs enfants et une personne d’origine arabe : 27% seulement s’y montrerait hostile. Rappelons qu’ils étaient encore 53% à y être défavorables en 1984…

Ce sont évidemment les inquiétudes de nature sociale qui focalisent avant toute chose les préoccupations immédiates des Français. Ces résultats révèlent néanmoins l’existence d’une vraie interrogation de leur part sur un sujet moins pressant mais tout aussi profond : celui de leur identité.


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