Magazine France

International : le candidat Sarkozy en difficulté

Publié le 13 janvier 2011 par Juan
International : le candidat Sarkozy en difficultéIl pensait trouver son salut sur le terrain diplomatique. La présidence française des G20 et G8 devait être l'occasion de redorer son blason, s'afficher expérimenté et volontaire, en défendant de belles et grandes causes comme la régulation des marchés de matières premières, la gouvernance mondiale ou le futur système monétaire international. Or voici que cet agenda officiel, déjà quelque peu déconnecté des enjeux nationaux, a été bousculé par trois évènements gravissimes successifs : crise ivoirienne, émeutes tunisiennes, prise d'otages. Et Sarkozy put illustrer toutes les limites de son expérience...
Hésitation en Côte d'Ivoire
Mercredi soir, le président ivoirien sortant Laurent Gbagbo était interrogé par Michel Denisot sur CANAL+.« Ce qu'il faut à l'Afrique, c'est le respect des lois et des institutions » jugeant la situation actuelle « intenable » et « invivable.» Son opposant et seul président reconnu par la communauté internationale Alassane Ouattara l'accuse d'embaucher des mercenaires pour assoir son pouvoir, évoquant « plus de 250 victimes ». D'après l'ONU, quelques 25 000 ivoiriens auraient fui le territoire.
Sur la Côte d'ivoire, Sarkozy marche sur des oeufs. Son hostilité avec le président sortant est connue. Ses déclarations pro-Ouattara suivaient la ligne générale. Mais il s'est refusé à toute intervention militaire. La prudence l'a finalement emporté. Cela n'a pas toujours été le cas. Dès le résultat truqué de l'élection connu, Sarkozy avait perdu les nerfs, en réagissant dans les premiers. Il menaça même Laurent Gbagbo de sanctions européennes et d'avoir affaire au tribunal pénal international. Puis, rétropédalage complet. Le 4 janvier dernier, Sarkozy semblait calmé, expliquant que la France n'interviendrait pas.
Quatre semaines plus tard, l'impasse reste totale et la violence progresse. Abobo, le fief de Ouattara est « à feu et à sang ».
Deux poids, deux mesures avec la Tunisie
En Tunisie, la contestation ne faiblit pas. En France, la réaction reste timide. Officiellement, la Sarkofrance juge sa position « équilibrée ». Toujours soucieux de ne pas déstabiliser l'allié Ben Ali, le gouvernement Sarkozy attend. Le président tunisien vient de limoger son ministre de l'intérieur, Rafik Haj Kacem, celui-là même qui avait proclamé le score ubuesque de Ben Ali à sa réélection en octobre 2009 (89% des suffrages !). Une réélection chaleureusement applaudie par ... Nicolas Sarkozy. Il faut se souvenir de la visite de Nicolas Sarkozy en Tunisie en avril 2008. A l'époque il avait remercié son hôte pour ses progrès en matière de droits de l'homme, allant même jusqu'à affirmer: « Tout n'est pas parfait en Tunisie mais en France non plus
Mardi, la ministre des Affaires étrangères a offert le « savoir faire » français en matière de maîtrise des manifestations. Mercredi, son porte-parole a complété :  « L'évolution de la situation en Tunisie et à Tunis même appelle plus que jamais à privilégier la voix de l'apaisement et du dialogue. » C'est un peu court, voire franchement indécent. Le même jour, François Baroin a complété : « Déplorer les violences, appeler à l'apaisement, faire part de ses préoccupations, c'est une position équilibrée que défend aujourd'hui la France au regard de la situation tunisienne. Je rappelle que la Tunisie est un ancien protectorat français. Compte tenu de nos liens d'amitié et compte tenu de notre histoire commune, aller plus loin serait faire preuve d'une ingérence qui n'est pas du tout la ligne de la diplomatie française en la matière.»
Or on sait bien que (1) le soutien politique de la France, pour de bonnes ou de mauvaises raisons, est toujours bien réel, et (2) Nicolas Sarkozy répète à qui veut l'entendre combien il croit en la force d'entraînement et de persuasion de sa diplomatie. C'était d'ailleurs tout l'enjeu qu'il s'est fixé dans sa présidence du G20.  Et quand le dictateur Ahmadinejad réprime dans le sang la contestation populaire en Iran après des élections truquées, la diplomatie française, jusqu'à Nicolas Sarkozy lui-même, s'exprime haut et fort pour condamner. Mais pour la Tunisie de l'ami Ben Ali, silence et prudence. Deux poids, deux mesures.
Mercredi, on apprenait qu'un professeur franco-tunisien avait été tué en Tunisie lors d'une émeute. Toujours pas de réaction du côté du candidat Sarkozy.
Flou sur les otages au Mali
Trois jours après la mort des 2 otages français au Mali, Nicolas Sarkozy a justifié l'intervention française en conseil des ministres, mercredi 12 janvier: il « a expliqué le sens de l'intervention française et nous nous félicitons (...) de l'unité nationale autour d'une décision qui s'imposait et qui a réaffirmé aussi la volonté de la France de se battre sans faille et sans faiblesse contre toutes les formes de terrorisme », a rapporté le porte-parole François Baroin.
Le consensus national est effectivement encore relativement solide. Mardi, Cécile Duflot (Europe Ecologie) s'est toutefois déclarée mal à l'aise devant le prétendu changement de stratégie opéra par Sarkozy sur les prises d'otages. Rares sont les critiques. Il faut chercher la contradiction ailleurs. Les gouvernements nigérien et français se sont contredits publiquement. François Fillon avait expliqué que (1) les forces spéciales françaises étaient intervenues seules, et (2) qu'elles avaient remis trois prisonniers aux autorités nigériennes. On nous a même précisé que six policiers français étaient actuellement au Niger pour participer aux interrogatoires des ravisseurs. Mardi, un porte-parole du ministère nigérien de l'intérieur expliqua qu'il n'en était rien. Le Niger, selon lui, ne détient aucun ravisseur capturé.
Autre incertitude, les circonstances de la mort des otages apparaissent d'autant plus floues que différents officiels français se sont précipités dans les médias pour livrer force de détails. François Fillon expliqua que les otages avaient « été éliminés froidement.» Alain Juppé précisa que l'un d'entre eux était « mort d'une balle dans la tête ». De sources nigériennes, on croyait savoir que les deux corps étaient calcinés. Ont-ils été victimes d'un tir d'hélicoptère français ? Par ailleurs, deux ou trois gendarmes nigériens auraient été tués dans les véhicules des ravisseurs. Indice après indice, révélation après révélation, le doute s'installe : et s'il s'était agit d'une bavure française ?
 Que faut-il comprendre de cette séquence internationale imprévue ? Contre des « ennemis », Sarkozy hurle vite quitte à se coucher ensuite. Face à des alliés, il se couche tout de suite, et ne réagit que timidement. Sur une opération militaire fatale, il livre moult détails alors que l'enquête n'a pas débuté et que la version officielle est contredite dès les premiers jours.
Sarkozy, expérimenté ?
Sans blague ?


Retour à La Une de Logo Paperblog