Diagnostiquer tôt un cancer permet en général de mieux le soigner, avec des traitements moins lourds et davantage de chances de guérison. Avec 53.000 nouveaux cas chaque année en France, le cancer du sein est le plus fréquent des cancers chez la femme. C'est pourquoi il est recommandé, à partir de cinquante ans, de faire une mammographie (radiographie du sein) tous les deux ans.
Même réalisé dans les meilleures conditions et avec le matériel le plus sophistiqué, cet examen ne donne pas des résultats infaillibles : il génère 10 % de faux positifs (cancers diagnostiqués à tort) et 20 % de faux négatifs (cancers non détectés). D'où le recours à d'autres modalités d'imagerie médicale pour affiner le diagnostic, en cas de doute ou de résultat positif. Les constructeurs de matériel travaillent actuellement sur deux nouveaux types d'examen, la tomosynthèse et l'angiomammographie pour en valider les performances et en déterminer les indications. Ces deux techniques ne sont pas concurrentes mais complémentaires. La première pourrait s'appliquer au dépistage, avec images anatomiques. La seconde, destinée à affiner le diagnostic, fournit quant à elle des images fonctionnelles.
Des mammographies en coupe
La tomosynthèse permet d'obtenir une mammographie en 3D. La machine capture rapidement une série d'images à faible dose d'irradiation sous différents angles autour du sein. A partir de ces images, il est alors possible de générer une série d'images de coupe, à la manière d'un scanner. Actuellement, le pionnier de cette technique est la société américaine Hologic, qui la commercialise déjà. L'allemand Siemens, pour sa part, est en phase d'évaluation dans plusieurs hôpitaux ou centres de lutte contre le cancer. Quant à l'américain GE Healthcare, il achève le développement de sa technologie dans son centre de recherche français de Buc (Yvelines). Avantage de la tomosynthèse : elle ne nécessite pas de s'équiper d'un appareil spécifique. Elle est proposée en option sur les mammographes numériques.
Lorsqu'on fait une mammographie, on comprime le sein, explique Aurélie Riquet, responsable radiologie chez Siemens Healthcare. Une petite tumeur peut donc se trouver masquée par l'épaisseur des tissus, en particulier si le sein est dense ou volumineux. L'intérêt de voir le sein couche par couche, grâce à la tomosynthèse, c'est qu'on peut détecter une tumeur passée inaperçue avec la simple mammographie.
Faut-il pour autant généraliser le recours à la tomosynthèse pour le dépistage, en complément de la mammographie ? La réponse n'est pas si simple, car cet examen augmente l'exposition des patients aux rayons X. « Actuellement, quand les femmes ont des seins denses, ou bien si une anomalie est suspectée, on fait une échographie en complément, explique Patrice Taourel, chef du département d'imagerie médicale de l'hôpital Lapeyronie, à Montpellier, qui réalise des tomosynthèses avec un appareil de Hologic. Une étude clinique de grande envergure en cours en Grande-Bretagne et en Suède devrait permettre de mesurer précisément l'apport de la tomosynthèse, et de voir si elle pourrait remplacer l'échographie », explique-t-il.
Une alternative à l'IRM
Chez Siemens, une autre piste est aussi envisagée : remplacer purement et simplement la mammographie par une tomosynthèse, et reconstituer des images de mammographie en 2D à partir des clichés ainsi obtenus. « Mais cela supposerait une révision du type d'images que les médecins sont habitués à interpréter », remarque Aurélie Riquet.
L'angiomammographie, autre technologie d'imagerie en développement, est quant à elle, a priori exclue d'emblée du dépistage généralisé. « Le dépistage de masse suppose une méthode simple, peu coûteuse et dont le risque est inférieur au bénéfice, explique Clarisse Dromain, chef de service adjoint du service de radiodiagnostic de l'Institut Gustave-Roussy à Villejuif, qui travaille sur l'angiomammographie avec un appareil de GE Healthcare. Or, dès lors qu'on injecte un produit de contraste, on introduit de la complexité et il y a un risque », reconnaît-elle. L'angiomammographie est en effet un examen radiologique qui fait appel à un produit de contraste, injecté dans le sein pour opacifier les vaisseaux sanguins. Sachant qu'une tumeur cancéreuse entraîne l'apparition de nouveaux vaisseaux sanguins dans son pourtour, on fait deux clichés, l'un sans produit de contraste, l'autre après son injection. Par soustraction, on peut identifier les contours de la tumeur. A priori l'angiomammographie, se présente plutôt comme une alternative à l'IRM (imagerie par résonance magnétique). C'est en effet à cette dernière modalité qu'on recourt actuellement pour lever le doute sur une lésion équivoque malgré l'échographie et la mammographie. Elle est en outre utilisée pour réaliser le bilan d'extension des tumeurs (présence de nodules satellites, atteinte des ganglions, etc.). L'IRM présente le gros avantage de ne pas être irradiante, mais c'est un équipement coûteux (1,5 million d'euros) comparé au mammographe (300.000 euros), qui suffit pour une angiomammographie. En outre, dans beaucoup d'hôpitaux, l'IRM est très sollicitée avec des temps d'attente élevés qui laissent les patientes dans l'angoisse.
Une étude internationale sur 300 patientes, à laquelle participe actuellement Clarisse Dromain, devrait donc déterminer si l'angiomammographie pourra, dans certaines indications remplacer l'IRM. « Nous avons déjà examiné plus de la moitié des 60 patientes que nous devions recruter », explique-t-elle. Les premiers éléments sont encourageants avec, pour les bilans d'extension, une sensibilité équivalente à celle de l'IRM et une spécificité meilleure. « Mais il ne s'agit que de résultats préliminaires », précise-t-elle prudemment.
Catherine DUCRUET