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Fonctionnaires : Zoé Shepard, la « coconne » de l’UMP ?

Publié le 13 janvier 2011 par Letombe

Fonctionnaires : Zoé Shepard, la « coconne » de l’UMP ? 

Aurélie Boullet serait-elle masochiste ? On est en droit de se poser la question depuis que l’auteure d’« Absolument dé-bor-dée ! », devenue célèbre sous le pseudonyme de Zoé Shepard, a repris le travail à la région Aquitaine.

Après une brève suspension de quatre mois, celle qui avait dressé un portrait cruel de ses collègues surnommés « Coconne » et « Simplet » (entre autres amabilités) revient profiter de la soupe dans laquelle on l’avait prise à cracher.

Bénéficiant d’une indulgence qu’en pareilles circonstances aucun employeur privé ne lui aurait accordée, oubliant ses velléités maintes fois exprimées de démission, Aurélie Boullet replonge dans l’enfer exquis de la fonction publique territoriale. Son supplice sera quelque peu adouci par la perception de ses droits d’auteur -près de 300 000 euros soit, pour une fonctionnaire de son rang, l’équivalent de huit années de salaire- et la vente des droits d’adaptation cinématographique de son roman au groupe UGC.

On ne doute pas que le film à venir est voué à l’effervescence médiatique et au succès qui, trop souvent, récompensent la démagogie et la facilité. C’est justement ce retentissement populaire (populiste ? ) qui fait d’« Absolument dé-bor-dée ! » bien plus que l’« innocente plaisanterie » évoquée sur le site littéraire du Nouvel Observateur.

Suppressions massives de postes

Dans un contexte politique de défiance vis-à-vis de l’administration, la publication d’un pamphlet anti-fonctionnaires n’est pas un geste anodin. Bien au contraire, le livre d’Aurélie Boullet vient, de façon indirecte mais puissante, conforter la droite dans sa politique de démantèlement du secteur public.

Il n’est pas inutile de rappeler l’empilement des mesures par lesquelles les gouvernements UMP successifs s’en sont pris aux services publics et aux fonctionnaires. La réduction des effectifs de la fonction publique, entamée par les gouvernements de Jean-Pierre Raffarin et de Dominique de Villepin, s’est systématisée avec la révision générale des politiques publiques voulue par Nicolas Sarkozy.

Loin d’avoir permis une réduction de la dette publique (évaluée à 63,9% fin 2007, elle s’élève aujourd’hui à 81,5% du PIB), le principe du non-remplacement d’un départ à la retraite sur deux a surtout conduit à un dégraissage qui remet aujourd’hui en cause les missions-clés de notre République.

Au total, ce sont plus de 100 000 postes de fonctionnaires qui ont été supprimés par l’Etat depuis 2005.

Le travail de sape contre la fonction publique
Au-delà de cette politique d’appauvrissement des services publics, c’est à une attaque en rafale contre le statut des fonctionnaires que s’est consacré Nicolas Sarkozy depuis son élection : remise en cause du droit de grève avec la loi sur le service minimum, remise en cause de la sécurité de l’emploi avec la loi sur la « mobilité des fonctionnaires » (comprendre : licenciement sans indemnité), gel des salaires en 2011…

Ces jours-ci, le président du groupe UMP à l’Assemblée nationale, Christian Jacob, va jusqu’à proposer de remplacer « l’emploi à vie des fonctionnaires » par des « contrats d’objectifs » (comprendre : CDD) d’une durée maximale de dix ans !

Ainsi, par l’accumulation de réformes présentées à chaque fois comme pragmatiques et efficientes, donc difficilement contestables par ceux qu’elles ne visent pas directement, la droite accomplit un patient travail de sape du secteur public.

Et c’est précisément parce que ce travail s’effectue de manière graduelle et insidieuse que la défense des missions, des usagers et des agents du secteur public requiert la plus grande vigilance des forces de gauche. Or, le climat idéologique qui règne dans notre pays ne pousse pas à la vigilance ; au contraire, il favorise en tous points le travail de la droite.

Diminution du pouvoir d’achat

Le discours anti-fonctionnaires n’est pas nouveau en France, et le candidat Sarkozy lui-même le dénonçait en 2006 à Périgueux :

« Chercher à faire des fonctionnaires les boucs émissaires de la faillite des politiques dont ils ne sont en rien responsables est indigne. Chercher à faire passer les fonctionnaires pour des privilégiés est injuste. » (Voir la vidéo à 0’31)

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Pourtant, cette tentation a été largement exploitée par la « droite décomplexée », si bien qu’à force de martèlement, le discours a fini par gagner en légitimité. On tape d’autant plus volontiers sur les fonctionnaires que la nécessité supposée d’une rigueur budgétaire fait passer la défense de leurs droits pour un combat d’arrière-garde.

Or, tandis que les suicides chez France Télécom font mesurer l’importance du contenu et de la qualité des emplois, c’est à un nivellement par le bas des conditions de travail que semble appeler cette critique constante des « privilèges ».

Ceux-là sont-ils d’ailleurs bien là où on imagine les trouver ? C’est loin d’être évident lorsqu’on considère la forte diminution du pouvoir d’achat des fonctionnaires (entre 2003 et 2010, l’inflation a progressé deux fois plus vite que le point d’indice des fonctionnaires) ou encore les écarts de salaires entre les cadres du public et ceux du privé (en moyenne, ces derniers gagnent chaque mois presque 1 000 euros de plus que les premiers). Mais ces réalités intéressent peu les libéraux.

Un livre outrancier et condescendant

Voilà en quoi le propos d’Aurélie Boullet est nocif. Par son caractère outrancier, par son ton condescendant, il accélère la diffusion d’une idéologie anti-fonctionnariste qui, naturellement, dégénère en un discours de dénigrement du service public.

Le triomphe de la droite, c’est le triomphe d’une pensée amère et simplificatrice que le livre d’Aurélie Boullet contribue à propager en transformant une expérience personnelle, romancée et caricaturée, en un « paradoxe du fonctionnaire » à valeur de règle implicitement générale.

La critique constructive est toujours possible, et il serait stupide de vouloir en épargner la fonction publique. Une réflexion sérieuse sur les missions, l’organisation et le devenir de nos administrations est nécessaire. Cependant, le préalable à une telle réflexion est de travailler dans le sérieux, dans la mesure, loin des provocations et de la tentation de l’acharnement.

Le succès d’« Absolument dé-bor-dée ! » a enterré toute réflexion utile sur le service public. C’est à se demander si, en servant naïvement de courroie de transmission aux idées de la droite libérale -à la manière d’un Manuel Valls débordé par sa quête de notoriété- Aurélie Boullet ne serait pas devenue la « coconne » de l’UMP.

Par Michaël Moglia
Membre du conseil national du PS

Merci à : Section du Parti socialiste de l'île de ré


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