L’action diplomatique française, unanimement reconnue pour son volontarisme et son engagement en faveur de la paix civile en Tunisie, a porté ses fruits. Le Président Ben Ali, dans une allocution télévisée très attendue, a confirmé le statut démocratique de son pays et rassuré la communauté internationale. Tout va bien.
Le Président Ben Ali, dans son extrême mansuétude - que des milliers de pétales de roses garnissent sa couche – a décidé, à l’unanimité avec lui-même, d’accorder aux Tunisiens des libertés publiques, à commencer par celle de s’exprimer librement. Ceux qui qualifiaient la Tunisie de dictature peuvent donc faire amende honorable et adresser leurs suppliques au Grand Démocrate, qui ne prend pas une décision sans concertation des deux lobes de son cerveau.
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C’est donc dans les habits de Voltaire, champion d’un absolutisme éclairé qui sied si bien aux populations intellectuellement pas très évoluées, que le Président Ben Ali s’est présenté devant les siens, soudainement frappé d’une révélation sur le triste sort qui leur était réservé. En effet, il a découvert, à son grand désarroi, avoir été « trompé sur la situation réelle du pays » et ce since 1987. Ce n’est qu’en allumant son poste de télévision, pour la première fois depuis vingt-quatre ans, qu’il a constaté le drame affreux qui se jouait sous ses fenêtres, là, juste en bas.
Gageons que les nuisibles conseillers qui ont dupé le sage Président Ben Ali seront sévèrement punis et pendus par les couilles.
Pour être absolument certain de faire l’analyse la plus exacte de la « situation réelle du pays » qu’il vient de découvrir fortuitement, le Président Ben Ali a promis à des Tunisiens rassurés de rester au pouvoir jusqu’en 2014. En réponse à cette annonce, une clameur joviale est montée des quatre coins du pays : « Merciiiiii, merciiiiiiiiii, Ben Aliiiiiiii ».
Accessoirement, le Président Ben Ali a procédé à une multiplication des pains, de lait et de sucre. Les cours de ces denrées devraient donc mécaniquement diminuer au bénéfice des Tunisiens les plus modestes, dont on entend déjà les louanges. Demain matin, ils pourront fêter la démocratie dans la joie et la bonne humeur en se gavant de pain perdu.
- En signe de gratitude envers la diplomatie française, les Tunisiens brandissent une baguette.">
En signe de gratitude envers la diplomatie française, les Tunisiens brandissent une baguette.
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Le Président Ben Ali a par ailleurs ordonné à la police de ne plus tirer sur les manifestants, injonction derrière laquelle on sent la patte discrète de la diplomatie française. A défaut de l’aide logistique initialement souhaitée par Michelle Alliot-Marie, Ministre des affaires étrangères et Présidente de la cellule touristique de l’Amicale des Compagnies Républicaines de Sécurité, les méthodes de maintien de l’ordre à la française semblent faire des émules. Si les fusils sont gentiment rangés sur leurs râteliers, on entend déjà le léger bruissement des tonfas que les policiers tunisiens cachent habilement dans leur dos.
A n’en pas douter, une victoire éclatante de la France, qui a su rester ferme dans son intention de ne pas faire grand-chose et de préserver les relations commerciales entre nos deux pays, le commerce étant notoirement connu pour être un puissant catalyseur de la liberté des peuples.
Seule ombre au tableau, si la bénédiction présidentielle a été immédiatement suivie de scènes de liesse dans les rues de Tunis, ces mouvements de foule ont causé quelques blessures accidentelles par balle. Une mauvaise nouvelle qui démontre, si besoin était, à quel point le peuple peut avoir un comportement puéril.