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La BCE s’alarme de l’inflation

Publié le 14 janvier 2011 par Lecriducontribuable
La politique monétaire de Ben Bernanke expliquée

Encore un titre économique racoleur. Ah c’est bien de moi ça, hein ? je ne jubile que dans les catastrophes. Je jouis de l’abrogation probable de tout ce qui est issu du programme du CNR si brillamment défendu voilà encore quelques heures par le calamiteux  Guaino, et ce faisant je tue le résistant et le déporté une seconde fois, moralement du moins. Je n’ai de délectation qu’à imaginer la sécu en cessation de paiement, l’argent bwagette coupé razibus et la retraite des vieux transformée en assurance suisse prudemment gérée au lieu de la grande générosité républicaine et démocratique qui honore notre pays et en fait un phare de la civilisation, poil au croupion. Air connu, ironie lourde et insensibilité aux idéaux soziaux. Je n’aurai de cesse que Jacques Myard en soit réduit à parier sur ses chers bourrins à Maisons-Laffitte pour assurer son train de vie de nabab électif qui pontifie des conneries économiques comme Achille Talon claironne de l’érudition. Je soulève le coeur du lecteur avec de pareils procédés réitérés.

Eh non. « La BCE s’alarme de l’inflation » n’est précisément pas un titre sorti de mon cerveau embrumé d’anarcho-chose militant pour le laisser-faire généralisé jusqu’au droit de flinguer sans sommation les romanichels sur sa propre propriété (inclusivement). C’était le titre ce matin duFinancial Times Deutschland. Sinon qu’il était écrit en boche, où ça donne EZB au lieu de BCE, un genre de truc où on croit lire « Épargne promise au Zyklon B » ou « Emprunt macht frei ».

Mais je divague. Or donc, je suis bien tranquille. Les  Guaino, les Myard et autres souveraino-délirants évadés de l’ancien siège du RPR et pieusement réunis ces jours derniers autour de la tombe de Gros-Séguin, heureusement crevé dans son hermine, ses rubans et ses médailles au vent, vont nous jouer leur petite antienne. Vous allez voir. Qu’il ne faut pas avoir peur de l’inflation, que ça ne peut que faire du bien, que grâce à ça notre bien commun qui est l’État (mais dont ils profitent plus et plus directement que nous, curieusement) va voir sa dette fondre, et patin et couffin. Toutes les conneries régulatrices et harmonistes habituelles, comme on leur a appris à l’ENA et à Polytechnique.

Naturellement il ne faudra pas les croire et c’est ce bon M. Trichet qui a raison, au moins par l’attitude : M. Trichet qui figurait à la une du même journal dont j’emprunte le titre, mains jointes en signe de supplication et de déploration tout à la fois.

Pourquoi donc faut-il s’alarmer de l’inflation ?

D’abord parce que la banque centrale dit qu’elle veut la maîtriser. Or les banques centrales n’arrivent jamais à faire ce qu’elles se proposent de faire, ce caractère prédictif inversé étant à peu près leur seule utilité en économie, utilité qui ne compense pourtant pas, et de loin, leur caractère nuisible.

Ensuite parce qu’on ne la voit pas, l’inflation. Depuis des années, des deux côtés de l’Atlantique, les statistiques sont truquées : on a peu à peu fait sortir des indices des prix le tabac, le carburant, beaucoup de produits alimentaires qui ne seraient pas de base, l’énergie n’y entre plus que pour une partie de ce qu’elle coûte, on corrige le coût du logement pour ne pas tenir compte des prix réels de l’immobilier, il y a des primes pour subventionner les achats de voitures, etc. Ces indices sont faits pour des gens qui se nourriraient d’un i-pod par trimestre et dont l’essentiel des autres besoins vitaux seraient couverts en leur branchant — je n’ose imaginer où — leur câble adsl. Même si Facebook revendique 600 millions d’utilisateurs et vaudrait plus cher que Boeing alors qu’ils ne produisent que du vent, on reste loin de ce modèle d’homme nouveau. Vous imaginez bien que quand de tels indices truqués sont eux-mêmes obligés d’avouer un frémissement de hausse des prix, c’est que les prix réels, pas ceux qu’on choisit de mesurer, sont à la hausse franche depuis plusieurs trimestres et qu’il est sans doute trop tard pour que la banque centrale réagisse efficacement. De fait, quelques universitaires facétieux se sont amusé à remarquer que, calculée comme dans les années 80, la progression des prix aux États-Unis serait autour de 9% depuis plusieurs mois. Officiellement elle vient de dépasser les 1,5% et accélère avec une timidité de violette.

De plus cette inflation est alimentée de plusieurs manières différentes, directement ou indirectement, par la hausse des matières premières, par la hausse des salaires chinois qui importe de l’inflation chez les clients de la Chine… mais toujours in fine par ce fait que la dette des pays ex-développés, déjà insupportable et aggravée par les plans de relance keynésiens qui ne marchent pas, est transformée en argent par les banques centrales qui rachètent cette dette ouvertement ou en sous-main. Les mêmes qui doivent lutter contre l’inflation et s’en alarment sont donc ceux qui la nourrissent, et qui ne peuvent politiquement pas s’arrêter de la faire une fois qu’ils ont commencé.

Mais ce n’est pas fini : qu’est-ce au juste que l’inflation, celle qui peut, parfois, quand on la maîtrise, être une bonne chose de manière transitoire ? C’est « la hausse des prix ET des salaires ». Hausse des prix on aura, on a déjà. Des salaires ? hum… pas besoin de vous faire un dessin, hein ? forcément, quand on a beaucoup de chômage — dont les statistiques elles-mêmes sont truquées de manière à ne pas dépasser durablement les 9,9% — on a peu de clients solvables, et il y a donc peu de chance qu’il y ait tant de travail que les salaires augmentent. Qu’est-ce donc qu’une inflation où il y a hausse des prix MAIS PAS des salaires (variante : ou hausse des salaires payés dans une monnaie dont la valeur s’effondre plus vite que les salaires ne croissent) ? en bon français ça s’appelle de l’appauvrissement, tout bêtement.

Cerise sur le gâteau : depuis quelques années les États (vous savez ceux qui mesurent l’inflation ou la font mesurer par des copains) ont émis des obligations indexées sur cette inflation. C’était une très bonne affaire tant qu’il y avait des gogos qui croyaient aux chiffres de l’inflation. Ou qui pouvaient acheter des trucs comme ça pour faire plaisir aux copains des copains qui eux-même émettaient ces bouts de papier. Mais si les indices des prix, même férocement truqués, arrivent à déraper ? quid de cette dette indexée sur une inflation qui ne serait plus maîtrisée ? Oh nos bons apôtres vous diront que c’est 5%, 10% parfois de la dette qui est libellée dans ces instruments amusants. Mettons 5%. Et parlons d’un épisode d’inflation très forte. Même pas d’hyperinflation à la zimbabwéenne, mais une inflation à 400% en rythme annuel comme Israël par exemple en a connu au début des années 80. La France est déjà endettée de 1500 milliards d’euros en gros. Doublez si vous ajoutez les retraites des fonctionnaires, rajoutez un coup si vous croyez, naïf que vous êtes, que l’État français et ses para-machins monopolistiques de voleurs sociaux paiera un jour entièrement les retraites du secteur privé. Les 5% indexés sur l’inflation qui ne serait plus maîtrisée prennent tout de suite un nouveau relief : 75 milliards, au moins, à 400% l’an, voilà de quoi l’on parlerait, en plus du reste qui serait déjà impossible à honorer, même si l’on parlait de n’en honorer que les intérêts. Et pour les États-Unis, qui eux sont plutôt autour de 10% de la dette indexée sur l’inflation si j’ai bonne mémoire, vous pouvez multiplier les chiffres par 10 : la dette américaine, c’est en gros 15000 milliards de dollars, et sur 10% on parlerait donc de 150 milliards de dollars à 400% l’an. Le tout dans un monde où l’appauvrissement de la population (souvenez-vous : hausse des prix MAIS PAS des salaires, ou alors en monnaie de singe dont le pouvoir d’achat s’effondrera sans fin sur lui-même) interdira de faire rentrer le moindre impôt conséquent : on ne tond pas un œuf, même quand on en a le crâne.

M. Trichet a donc raison de se tordre les mains en une muette supplication à la une du FT allemand. Je ne désespère pas de le voir se couvrir les cheveux de cendre, puis de le voir se les raser, enfin de le voir se lacérer la poitrine de douleur.

On recommandera juste à nos amis de fuir dans les mois qui viennent tout ce qui a une apparence de richesse et dont l’État peut imprimer autant qu’il veut, ou qu’il peut signer sans limite en vertu de notre belle sociale-démocratie à la con.

Nicolas pour I like your style

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