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Quand le candidat Sarkozy joue au bisounours devant les parlementaires UMP

Publié le 14 janvier 2011 par Letombe
Quand le candidat Sarkozy joue au bisounours devant les parlementaires UMP

Lors d'une cérémonie boudée par la quasi-totalité de l'opposition, Nicolas Sarkozy se livra à un exercice d'une indécence, ou d'une inconséquence politique rare mercredi 12 janvier. Devant une assistance facile, il a fait le grand chelem, un discours sans faute : promesses tenues, lois adoptées, courage évident, responsabilité assumée. Sarkozy voulait-il provoquer ou excéder une opposition absente avec cette autosatisfaction devenue inhabituelle ?
Sarkozy = bisounours
Mercredi, Nicolas Sarkozy a livré ses voeux aux parlementaires. Il cajola, loua, félicita en cascade. Mais surtout, il se cajola, se loua, se félicita. Il avait laissé de côté toutes les polémiques, oublié un instant les sujets clivants qu'il aimait tant agiter depuis 2006. Ces premiers mots furent de remerciement pour « l'unité exemplaire dont les parlementaires de la majorité comme de l'opposition ont fait preuve après l'enlèvement et l'assassinat barbare de nos malheureux deux jeunes compatriotes au Niger ». Et d'ajouter : « Nos démocraties doivent se défendre justement parce qu'elles sont des démocraties.» Un propos creux (les dictatures ne se défendent-elles pas tout autant ?), qui masquait mal le malaise grandissant dans cette affaire. Quelques heures plus tard après cette déclaration, les premiers résultats de l'enquête sur l'intervention française ont jeté le trouble. Le ministère de la défense a expliqué que si l'un des otages avait été tué d'une balle dans la tête, l'autre avait le corps brûlé et marqué d'impact de balles. Le procureur Jean-Claude Marin confirme que les affrontements entre forces françaises et ravisseurs ont provoqué la mort de 9 personnes, dont les 2 otages : « On peut penser que Vincent Delory a été tué au cours de l'assaut final parce qu'il était très brûlé ». Le spectre d'une bavure des forces spéciales, qui auraient tiré sur ordre de Nicolas Sarkozy, depuis leurs hélicoptères, sur les ravisseurs fuyards et leurs deux prisonniers, s'impose peu à peu dans les non-dits des commentateurs. Si cette hypothèse dramatique se confirmait, elle serait un coup terrible à la posture nouvelle de Nicolas Sarkozy : jusqu'à cet enlèvement, la tactique sarkozyenne était de crier officiellement, mais de négocier en coulisses. Pourquoi pas ? Comme par hasard, un revirement s'est opéré il y a quelques semaines, quand le chef de l'UMP est redevenu candidat à sa réélection.
Mais ce mercredi devant des parlementaires UMP à l'écoute, Sarkozy ne voulait pas s'appesantir sur ces dangereuses polémiques. Il voulait paraître calme, ouvert et « responsable ». « Au début de cette année 2011, je veux vous dire combien vous pouvez être fier du travail que vous avez accompli. » Le ton était appliqué. Il articulait chacun de ses mots, comme pour montrer combien il avait changé. Le Monarque avait choisi de s'adresser à son camp, une majorité minoritaire dans tous les scrutins et sondages depuis plus de trois ans.

« Nous avons tenu la feuille de route que nous nous étions fixés. L'an passé nous avions déterminé un programme ambitieux et à l'intérieur de celui ci, nous avions décidé de sauver notre régime de retraite par répartition. Grâce à vous, nous l'avons fait. C'est un acte de courage et de responsabilité. De courage, parce que personne ne peut s'enthousiasmer de travailler deux ans de plus sans contrepartie. De responsabilité parce que par votre vote, vous avez sauvé un système auquel les Français sont attachés. »

Sarkozy fait comme si les critiques contre son projet devenu loi portaient uniquement sur les options (injustes) retenues. Rappelons donc, à l'attention de quelques irréductibles qui ont du mal avec la réalité que la loi votée le 27 octobre dernier ne sauve pas le régime de retraite par répartition. Elle fournit un un court répit d'une poignée d'années à peine, vis-à-vis des agences de notation inquiètes de la dérive générale des comptes publiques. Inconscient ou inconstant, Sarkozy glissa ensuite du nous au vous, façon de tenter de solidariser l'assistance essentiellement UMP à son propre sort.

«A l'heure du bilan, les Français vous seront gré d'avoir pris vos responsabilités. (...) Ce que vous avez fait, c'est ma conviction, personne ne le remettra en cause, tout simplement parce que cela ne serait pas responsable. Et quand on est aux responsabilités du gouvernement de la France, on se doit d'être responsable. Ce n'est pas un choix. C'est un devoir. »

La responsabilité, quel joli terme ! Deux tiers des lois sont désormais votées selon la procédure d'urgence, qui limite les temps d'examen et de débat. Toutes les réformes majeures ont suivi cette procédure. L'urgence contre le débat, la boulimie réglementaire contre l'action véritable, voici le bilan « responsable » du Monarque élyséen. « La 13e législature restera comme la législature du courage » ... ou de l'agitation.
« Après une longue concertation de près d'un an et demi, avec le premier ministre, nous vous avons proposé d'engager la réforme des collectivités territoriales. » Sarkozy en avait le sourire aux lèvres, (« l'immobilisme est toujours commode », « tout changement génère du stress »), avant de conclure : « nous avons dialogué, nous avons discuté, c'est fait. » Pas un mot sur la censure par le conseil constitutionnel du découpage des nouvelles circonscriptions. Sarkozy déroula ensuite toutes les lois votées,  de la « modernisation » de l'agriculture inutile pour la souffrance agricole au Grenelle 2 administratif (dont les dispositions sur le photovoltaïque viennent d'être suspendues), de la responsabilité limité de l'entrepreneur individuel (« dont on parle peu ») à la loi « interdisant la dissimulation du visage dans l’espace public
En fait, 63 lois ont été adoptées en 2010. Quel succès ! Sarkozy y voit « le signe que le mouvement réformateur que nous voulons insuffler à la France. » Le matin même, lors du Conseil des ministres, le ministre Patrick Ollier, en charge des relations avec le Parlement, se félicita du « taux d'exécution » des lois (81%). Pourtant, la même semaine, des sénateurs s'inquiétaient publiquement qu'à peine 20% des 59 lois promulguées et leurs 670 mesures réglementaires prévues avaient pu être mises en oeuvre. Les 80% textes restants sont inutiles, dans l'attente de leur décret d'application ou des mesures réglementaires nécessaires.
Sarkozy s'est félicité de la loi sur le Grand Paris, dont le promoteur, Christian Blanc, fut débarqué du gouvernement en juillet dernier pour cause d'abus de cigares sur les comptes publics. Le projet est bloqué. Mais Sarkozy était si content de sa loi, si heureux de la présence quelques élus municipaux de Paris, qu'il fut lyrique : « Paris est plus plus qu'une ville, Paris est un joyau que le monde entier nous envie. Et il était proprement insensé que le développement de la métropole capitale soit entravé par des carcans administratifs, politiques, historiques ou idéologiques. » Sarkozy s'est définitivement chiraquisé. Sarkozy lisait ses notes, attentivement, comme il le fait à chacun de ses voeux prudents et « protecteurs » depuis ce début d'année.
Sur la dette, qu'il a contribué à creusé d'environ 2 à 300 millions en 4 exercices, Sarkozy exigea l'union nationale : « Nous devons inscrire dans la Constitution le principe de la maîtrise des finances publiques. Il est de notre responsabilité collective de ne pas rejeter sur les générations futures la charge de la dette. Je pense que sur ce sujet d'importance, dans un pays qui affiche depuis le milieu des années 70 un déficit, devrait faire l'objet d'un consensus. » Quel consensus ? Sur l'absence de réforme fiscale ?
« Nous devons nous sortir de la vie politique partisane. » souhaita-t-il à son auditoire. Le discours de Grenoble est bien loin.  Il est heureux. Il n'y a pas de contestation durable : « Il n'y a eu ni recul ni renoncement ni passage en force. Le gouvernement tient, le Parlement vote. A la minute où la loi est votée, il n'y a plus de débat.» 
Il est persuadé d'avoir raison: « ce que je veux retenir, c'est qu'aux deux tiers de la législature, nous avons tenu nos engagements malgré la crise et malgré l'ampleur considérable des difficultés que nous avons rencontrées. (...) Je pense que pour tous ceux qui doutent de la politique, c'est un fait nouveau de fixer un cap et de le maintenir quelque soient les circonstances.» Vous avez bien lu. Sarkozy l'a même lu. Ce n'était pas une improvisation. L'homme reste persuadé d'avoir appliqué son programme et tenu ses promesses. Il lui manque un abécédaire.
Pour le reste, le candidat rappela ses priorités électorales pour l'année à venir. Rien sur la précarité, on connait ses sujets : sécurité, justice, bioéthique, dépendance, fiscalité, et simplification des normes dans le domaine économique et concernant les collectivités territoriales. Sur la justice, Sarkozy annonce que les jurés populaires seront introduits dans les tribunaux correctionnels. Les parlementaires apprécieront. C'est une réforme à laquelle j'attache une très grande importance... Sur la fiscalité, Sarkozy, le ton toujours obséquieux, expliqua qu'il accueille « les conseils de prudence » « avec beaucoup d'intérêt.»
Des promesses tenues intégralement, un vent de réformes qui souffle sur la France, un président-candidat optimiste et déterminé, quelle était belle l'image de Sarkofrance qu'on tenta de nous livrer ce mercredi après-midi.
Amis encombrants
Comme un signe du sort, un coup du destin, l'actualité internationale rappelait toujours, le même jour, combien Sarkozy était loin de ses promesses, fussent-elles diplomatiques. En Tunisie, la répression a tué près de 70 personnes en un mois. On n'ose imaginer la réaction française si ces morts avaient été iraniens. Nicolas Sarkozy aurait parlé de barbarie insupportables contre la démocratie et le monde libre. Il nous aurait ressorti son argumentaire droit-de-lhommiste de la campagne de 2007. C'est tout son problème, une indignation hors normes mais à géométrie variable...
Jeudi, François Fillon, depuis Londres où il était en déplacement, a timidement dénoncé l'attitude des autorités tunisiennes : « On ne peut continuer dans cette utilisation disproportionnée de la violence ». Le président du Sénat, Gérard Larcher, a concédé que Ben Ali n'était « pas un démocrate ». Michèle Alliot-Marie, ministre des affaires étrangères, a demandé de la « retenue » et répété, quasiment mot pour mot, les éléments de langage de son patron. Le soir même, le président Ben Ali lâchait une batterie de nouvelles concessions, liberté de la presse et des médias, abandon de la présidence en 2014 et baisse des prix des produits de première nécessité. Quelques signes pour calmer le jeu, notamment vis-à-vis ses alliés français.
Autre témoignage de ce décalage entre le discours et la réalité, les conflits d'intérêt se sont rappelés au bon souvenir de Nicolas Sarkozy. Ils n'en finissent pas de pourrir cette mandature. Jeudi, le feuilleton Woerth a repris. La Cour de Justice de la République a décidé d'ordonner une enquête sur une une éventuelle prise illégale d'intérêts dans l'affaire de l'hippodrome de Compiègne. Rappelons qu'Eric Woerth, quelques jours avant de quitter le ministère du Budget pour celui du travail en avril dernier, avait signé la vente de 56 hectares de terrain forestier à Compiègne, pour l'excellent tarif de 2,5 millions d'euros, sans appel d'offre, à la Société des Courses de Compiègne . La semaine dernière, l'homme s'était retranché derrière un arbitrage de Matignon, aussitôt démenti... par les services du premier ministre.
Son successeur au ministère du travail n'est pas mieux loti. 116 plaintes ont déjà été déposées contre le Mediator, ce médicament des laboratoires Servier. Quand il était ministre de la santé, Xavier Bertrand avait deux conseillers techniques qui collaboraient également pour les laboratoires Servier, d'après le Canard Enchaîné, dans son édition du 12 janvier 2011. Bertrand, à nouveau en charge de la santé depuis le remaniement de novembre dernier, a répondu qu'à l'époque ces deux personnes ne travaillaient pas sur les médicaments, et qu'il n'avait pas connaissance de ces liens. Le respect d'un minimum de déontologie n'était-il nécessaire aux sommets de la République ?
Ami sarkozyste, où es-tu ?

Sarkofrance


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