Ça y est, sans surprise Marine Le Pen a été élue à une large majorité à la tête du Front National. Le fade Bruno Gollnisch n’a comme prévu pas fait le poids. Cette consécration inquiète évidemment les partis de gouvernement, notamment la droite, qui se demande même si l’impopulaire Sarkozy passera le cap du 1er tour des présidentielles 2012.
Pourquoi l’ascension de l’extrême droite depuis 30 ans, et de Marine Le Pen plus récemment, semble-t-elle inexorable ? Pourquoi les partis de gouvernement semblent-ils encore maintenant incapables de la contrer ?
Penchons nous sur le fonds de commerce du FN, désormais recentré sur la dénonciation de la mondialisation. La grande rupture instaurée (pour l’instant avec succès) par Marine Le Pen a été d’en finir avec le fonds de commerce raciste et antisémite, pour s’inscrire dans le rejet d’une certaine modernité (la mondialisation, l’intégration européenne), accusée de déstructurer la société, ses valeurs, de fragiliser les salariés, de laisser le champ libre à l’Islam, et, in fine, de rompre avec l’Histoire de 20 siècles d’une France glorieuse et souveraine. Dans son fondement, cette posture n’est pas très éloignée de celle de l’extrême gauche, même si cette dernière se fonde sur un humanisme largement étranger aux valeurs du Front National.
Revenons à l’UMP et au PS, pour proposer cette hypothèse : leur malaise face au Front National résiderait dans le fait qu’ils n’ont pas explicitement assumé leur conversion à la société mondialisée. Ils ont accepté, il y a des années, que la France s’inscrive résolument dans la mondialisation, et ont, par leurs décisions, favorisé cette évolution : suppression des barrières commerciales, dérégulation financière, construction d’une Europe libérale et concurrentielle, etc.
D’une société hiérarchisée, égalitaire, protectrice, avec un Etat indépendant, on est passé à une société ouverte, multiculturelle, concurrentielle, plus inégalitaire et moins autonome… ce choix peut se défendre, mais bizarrement ni le PS ni l’UMP ne l’ont vraiment fait. Au PS, on continue à se poser comme les protecteurs face à la mondialisation brutale ; à l’UMP, on se crispe sur la question nationale et on met sans cesse en avant la toute-puissance du Président. Postures décalées avec la réalité, et d’autant plus absurdes qu’elles occultent complètement le rôle joué le PS et l’UMP depuis des décennies dans l’organisation du processus de mondialisation.
Résultat, aucun des deux partis n’est convaincant face au FN. Même si l’électeur moyen ne comprend pas tous les rouages complexes de la mondialisation, il sent bien ce décalage entre les discours et la réalité des actes depuis 30 ans. Il a le sentiment que les positions du PS et de l’UMP sont plus souvent dictées par la posture idéologique que par une analyse rationnelle de la situation. Il constate que droite et gauche sont mal à l’aise sur certains sujets importants (l’Islam, l’intégration des immigrés, la construction européenne et l’Euro…), qui sont évidemment au cœur de la question de la mondialisation. Par contraste, le discours du FN leur semble plus clair, de bon sens et, d’une certaine manière, plus honnête.
Quelles voies possibles pour l’UMP et le PS, dans la perspective de 2012 ?
Recentrage républicain de l’UMP ou durcissement du discours comme prélude à un rapprochement avec l’extrême droite ? Ecartèlement du PS entre son aile gauche et droite, ou évolution vers une nouvelle doctrine par exemple inspirée par les Verts ?