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Chez Airbus, le candidat Sarkozy de 2010 ressort ses formules de 2007.

Publié le 16 janvier 2011 par Juan
Chez Airbus, le candidat Sarkozy de 2010 ressort ses formules de 2007.Jeudi 14 janvier, Nicolas Sarkozy a déboulé chez Airbus à Blagnac, près de Toulouse pour ses voeux aux « forces économiques » du pays. Encore fois, la photo était belle, la mise en scène soignée: une visite de l'usine, filmée bien sûr ; un discours debout, encadré d'une trentaine de salariés d'Airbus, tous à sa taille, au pied d'un A380 tout neuf. Et, sans rire, un slogan placardé sur le site d'Elysée.fr : priorité à l'emploi et à la préservation de notre modèle social.
Sarkozy prend son nouveau rôle très au sérieux. Il est P-R-O-T-E-C-T-E-U-R. Aussi, a-t-il calmé le timbre de sa voix. Il s'autorise quelques sourires, mais jamais moqueurs. Il a bien appris ses fiches (« la question, c'est pas de se féliciter des 40 années de succès, c'est de savoir comment construire les 40 années de succès à venir », formule répétée 4 ou 5 fois sur place ). Ce meeting électoral, de trois heures durant à peine, coûta dix tonnes de CO2. Le Monarque utilisa son Airbus présidentiel flambant neuf pour cette simple liaison intérieure. A Blagnac, le lieu était bouclé par un dispositif de sécurité hors normes. Une centaine de contestataires de la CGT furent fermement refoulés par les CRS.
Le tropisme auto-centré de Sarkozy l'égare souvent. Ainsi, pour le Monarque, la crise qu'il A subi en 2008 fut la bataille de toutes les batailles, le déclenchement d'une mutation insensée et imprévue du monde moderne. Pauvre président de l'UMP, l'homme croit ainsi savoir que « la crise que nous avons vécu a accéléré les mutations de l'économie.» Pour preuve, Sarkozy mentionne le développement de la Chine, de l'Inde ou du Brésil, comme si cette évolution datait d'il y a 18 mois. Et pour s'en sortir, Sarkozy a la formule, la même qu'en 2007 : « il faut rompre absolument avec la dévalorisation du travail. »
Depuis quelques jours, Nicolas Sarkozy a redécouvert le travail. Il en glisse quelques allusions dans chacun de ses discours. Il en profite pour rappeler combien la défiscalisation des heures supplémentaires fut un succès et la preuve qu'il avait tenu ses promesses de réhabilitation du travail. C'est l'une des seules mesures-totem qu'il lui reste à défendre de sa funeste loi Tepa de l'été 2007. La défiscalisation des intérêts d'emprunt immobilier ont été supprimés dans la loi de finances 2011. Le bouclier fiscal subira bientôt le même sort. Ces heures sup' furent pourtant une catastrophe. Lundi dernier, François Fillon a défendu la mesure, qu'il est  « hors de question de remettre en cause », « un élément-clé de notre compétitivité. » Quelques jours auparavant, la Dares publiait son dernier état des heures supplémentaires dans les entreprises de plus de 10 salariés du secteur marchand : une jolie progression de 13,7% au 3ème trimestre dernier, quand le chômage progressait encore. Prudemment, cette direction du ministère du Travail rappelaient l'effet d'aubaine, pour les entreprises, qui désormais officialisent leurs heures supplémentaires pour mieux se les faire rembourser.
A Blagnac, Sarkozy se voulait lyrique : « nous ne sommes pas condamnés au déclin, mais les recettes qui marchent, les stratégies qui réussissent, on les connaît: réhabiliter le travail, améliorer notre compétitivité, réduire nos dépenses publiques et faire en sorte que chacun puisse s'y retrouver. » Quelle générosité ! La réforme des retraites ampute le pouvoir d'achat de quelques millions de Français, préserve la feuille d'impôt de quelques milliers plus fortunés. C'est la protection version Président des Riches !
A Blagnac, Sarkozy n'avait que le travail en tête, l'occasion d'un dérapage : « Il faut qu'on réhabilite le travail et qu'on comprenne mieux que, pour que nous nous en sortions, il faut absolument que nous travaillions mieux. » Sur le travail, Sarkozy reprit son costume de 2007. Il en sortit de son texte. « Détaxation des heures supplémentaires, fin des 35 heures ... », Sarkozy prit l'air contrit, comme un dentiste contraint d'arracher une dent, « là encore, ce n'est pas une question d'idéologie.» Entendez-le mesdames, messieurs ! Il n'y a pas d'autre alternative ! « Les 35 heures, c'est pas la peine qu'on s'oppose sur cette question... si un seul autre pays au monde avait fait ce choix, nous aurions pu le faire. » Quel grand seigneur ! Sarkozy avait le même argument, l'exemple étranger en l'occurrence l'Allemagne, pour défendre le bouclier fiscal de ses amis du Premier Cercle... « On ne peut pas travailler moins dans un monde qui avance à une vitesse stupéfiante.» Sarkozy ne crut pas utile d'appeler son nouvel ami Jacques Séguela qui considérait récemment que « le salaire moyen d’un Chinois est 10 % du smic et ils sont heureux.»
Sarkozy se félicita à nouveau de la progression du taux d'emploi des 55-59 ans, 4 points de mieux depuis 2007, « enfin dans la moyenne européenne ! ». Il faudrait oublier la progression quasi-parallèle du taux de chômage des mêmes seniors.
Sarkozy, qui se voulait pourtant « protecteur », n'eut aucune proposition contre le chômage et la précarisation de masse. Aux « souffrances » et « difficultés » nées de la crise, à la « profonde aspiration à davantage de justice », si ce n'est cette réhabilitation du travail : « qu'on laisse travailler ceux qui veulent travailler », « pas qu'on multiplie les allocations ». La protection a ses limites. Et les allocations fiscales, les niches de quelques-uns, ont toujours les faveurs du Président des Riches.
Sarkozy voulait montrer qu'il connaissait ses dossiers, comme la parité euro-dollar, trop élevée (l'eau, ça mouille, n'est-ce-pas ?). Il dénonce l'Irlande et ses impôts trop faibles (qui « ne peuvent durablement nous dire "Venez nous aider" et continuer à garder un impôt sur les bénéfices des sociétés moitié moindre »)... et il se plante. Le taux officiel de l'impôt sur les sociétés en Irlande se situent entre 12,5%, et 25%, avec une moyenne à 22,5%, soit le même niveau ... qu'en France. Sarkozy a aussi promis de réduire les déficits, qu'il a creusé de quelques 200 millions d'euros en 2009 et 2010, « quelle que soit la croissance » et, surtout, « sans augmenter les impôts. » Soucieux de protéger la fortune, le président des Riches put enfin évoquer sa fameuse réforme de la fiscalité du patrimoine : « Je suis de ceux qui pensent qu'il est plus logique de taxer les revenus du patrimoine que de taxer la détention du patrimoine. » C'est sans doute pour cette raison qu'il a quasiment supprimé ce qu'il restait de droits de succession en 2007.
A Blagnac, Sarkozy s'était ménagé une quinzaine de minutes d'intervention « spontanée » au milieu des ouvriers d'Airbus. A hauteur d'homme, le micro bien branché mais filmé de quelques rangs derrière, un immense garde du corps derrière lui.
A Paris, le lendemain, il s'adressait à la troisième chambre du pays, le Conseil Economique et Social. Ce machin qui ne sert à rien vient de se doter d'un nouveau président, à l'issue d'une élection sans surprise du candidat unique Jean-Paul Delevoye. Dans les rangs, une quarantaine de conseillers choisis par le Monarque lui-même. « Je suis convaincu qu'au travers du dialogue social, on peut avancer sur un certain nombre de sujets. » Sarkozy eut des propos convenus, à peine relayés. L'homme joue son nouveau rôle, quite à enfoncer « Dans ce monde en profonde mutation, la France ne tiendra son rang qu'en avançant résolument vers une intégration européenne plus poussée
Le plus grave était ailleurs. Sarkozy a raté l'occasion historique de soutenir le mouvement populaire tunisien. Il a préféré soutenir jusqu'au bout l'autocrate déchu, avant de refuser, à la dernière minute dans la soirée de vendredi, l'atterrissage (non demandé) à l'avion de l'ancien président Ben Ali.


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