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Française et maire d'une ville au Cameroun

Publié le 20 janvier 2008 par Menye Alain

MARIE HELENE NGOA
crédit photo: Raphaël Mvogo


Inter Press Service (Johannesburg)
INTERVIEW 6 Août 2007 Publié sur le web le 6 Août 2007
Originaire de la région de Nogent-sur-marne, dans le nord de la France, Marie-Hélène Ngoa, 66 ans, est élue maire d'Akono, dans le centre du Cameroun. Cette élection, survenue la semaine dernière, est un événement symbolique qui vient briser les tabous : la commune d'Akono, à une cinquantaine de kilomètres de Yaoundé, la capitale camerounaise, a toujours été la chasse gardée des hommes. Née Marie-Hélène Guislain, cette femme est titulaire d'un doctorat de 3ème cycle en mathématiques appliquées, obtenu en 1967 à l'Université de Lille, en France. Comme son mari, qui fut professeur de sociologie, elle a enseigné à l'Université de Yaoundé, et à l'Université catholique d'Afrique centrale, dans la même ville. Le correspondant d'IPS au Cameroun, Raphaël Mvogo, l'a rencontrée.
Qui êtes-vous, Marie-Hélène Ngoa?
Mon nom de jeune fille, c'est Marie-Hélène Guislain; donc, un nom bien français. Je suis originaire du nord de la France, où j'ai fait mes études secondaires et supérieures. C'est à l'Université de Lille que j'ai rencontré Henri Ngoa, un Camerounais, étudiant en sociologie. Très rapidement, nous avons décidé de nous marier et d'aller vivre au Cameroun, de fonder une famille et de donner le mieux de nous-mêmes dans l'enseignement supérieur.
Qu'est-ce qui vous a motivé à rester au Cameroun après le décès de votre mari il y a 32 ans?
Arrivés au Cameroun en 1968, nous avons vécu sept ans très heureux en ayant de nombreux enfants (cinq). Et le malheur a voulu qu'Henri disparaisse en 1975. Mais, j'étais déjà très bien installée au Cameroun, heureuse, bien entourée par ma famille et par mes collègues de la Faculté des sciences de l'Université de Yaoundé (la seule université du pays à l'époque). En plus, il faut le dire, pour élever les enfants, on est quand même mieux aidé au Cameroun, il y a du personnel. Donc, j'ai décidé de rester au Cameroun. De toute façon, moi je suis aussi une femme d'engagement et de fidélité : je m'étais engagée à venir travailler et donner le meilleur de moi-même au Cameroun.

De quand date votre engagement politique?
Il est venu beaucoup plus tard. Des années 70 aux années 90, j'étais préoccupée à éduquer mes enfants et à faire mon travail professionnel. Je me suis beaucoup donnée, j'ai formé plusieurs générations d'étudiants. Les premiers étudiants que j'ai formés dans les années 68-70 sont devenus mes collègues, qui ont à leur tour formé des étudiants qui sont devenus d'autres collègues. Je suis la toute première à avoir donné des cours de techniques de calcul et de programmation au Cameroun. C'est en réalité de l'informatique, même si ce n'était pas le nom à l'époque.
Et comment êtes-vous arrivée en politique?
En 1996, j'ai été appelée pour participer au Conseil municipal de la commune d'Akono et j'ai été élue comme deuxième adjointe à l'ancien maire. Je me suis toujours montrée soucieuse du développement d'Akono. Je participais volontairement à des comités de développement de groupements, à l'Association des élites d'Akono.
Etait-il facile pour vous d'éduquer vos enfants sans votre mari?
Cela a été effectivement difficile, puisqu'il fallait jouer le rôle du père et de la mère. Mais, j'étais aidée par mes beaux-frères avec lesquels je suis toujours restée en contact permanent.
Que comptez-vous apporter à cette commune en tant que maire?
Depuis 1996 que j'oeuvre régulièrement dans des projets éducatifs, sanitaires, bref sur tous les plans sociaux, j'ai une idée des actions qu'il faut mener. Les populations font et répètent d'année en année un certain nombre de doléances relatives à l'accès à l'eau potable, l'électrification villageoise, la construction des routes. Il y a un problème d'enclavement. Pendant la campagne, il y a certains villages où nous nous sommes rendus à pied, parce qu'il n'y a pas de routes pour y arriver. Nous sommes à 50 minutes à vol d'oiseau de Yaoundé, mais il y a certains villages où l'on compte une misère impossible, des gens complètement isolés. Ce sont là nos actions prioritaires. Et notre objectif, c'est de créer des activités génératrices de revenus et de très petites entreprises. Figurez-vous qu'à Akono, il n'y a pas de boulangerie, de menuiserie, de mécanicien-automobile, de briqueterie. Pourtant, j'avais fait faire des études sur l'argile que nous avons en quantité à Akono.
Votre élection comme maire a-t-elle été facile?
Ah non, elle n'a pas été facile du tout! Il y a des élites qui s'y opposaient avec férocité. Mais finalement, l'équipe que j'emmenais, constituée de jeunes, m'a élue par consensus.

L'élection n'a pas été facile parce qu'on vous considère comme une "étrangère"?

En effet. Pendant la campagne, le mot "Ntangan" (Blanche) m'a été balancé plusieurs fois. Mais, je dois dire une chose : les populations à la base ne voulaient plus que de moi depuis plusieurs années. Après les primaires au sein du parti, le RDPC (Rassemblement démocratique du peuple camerounais, au pouvoir), les élections du 22 juillet ont confirmé (le scrutin municipal était jumelé avec les législatives).

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