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Jouissons! Dans la volupté des coeurs # Chronique 10

Publié le 20 janvier 2008 par Katrin

« Vous, qui baissez les yeux aux paroles chatouilleuses, précieuses et prudes, loin d’ici ! ». Vous voilà averti si vous vous aventurez dans les pages de ce petit livre « L’art de jouir » du méconnu philosophe libertin Julien Offroy de La Mettrie, que rééditent les éditions Arlea.
Auteur du siècle des Lumières, La Mettrie (1709-1751) eut peu de succès de son vivant. Voltaire, son grand rival, le considérait comme « dissolu, imprudent, bouffon, flatteur…» Frédéric II, auprès duquel La Mettrie exerçait sa profession de médecin et grâce auquel il intégra l’Académie Royale des sciences, écrivit à son sujet qu’il était  « joyeux, un bon diable, un bon docteur, mais un très mauvais auteur. En n'ayant pas lu ses livres, on peut s'estimer très content. ». Pourtant, aujourd’hui, Michel Onfray, dans la préface du livre, le réhabilite en estimant qu’un philosophe ne doit pas oublier qu’il est un homme : il est très honorable que « l’après-midi (il) lutine une femme facile, le soir, noce, puis écrive «L’Homme-machine » ou « L’Art de jouir », enfin qu’il aille à l’opéra ou regarde les étoiles, un verre de champagne à la main. »

Mais il faut bien le dire : « L'Art de jouir » décevra les lecteurs fervents de pornographie ou d’obscénité. Ce livre est un chant philosophique sur l’amour et les extases de la voluptés, où La Mettrie défend ses thèses matérialistes. Il célèbre avant tout le plaisir et le sexe mêlés à l’amour et ses sentiments les plus nobles. « Plaisir, Maître souverain des hommes & des dieux devant qui tout disparaît, jusqu'à la raison même, tu sais combien mon cœur t'adore, & tous les sacrifices qu'il t'a faits. »

Il décrit deux enfants de sexe différent, élevés ensemble et qui font la découverte émerveillée de leur corps, pour servir au « bonheur du genre humain ». Jouir est un art et mérite du temps, beaucoup de temps, et une écoute attentive des corps. Il faut savoir résister pour goûter à une nuit d’amour et de bonheur. L’homme doit faire l’éloge des charmes de sa belle. Telle Ismène, la femme doit se sentir « enflammée par mille discours tendres et par mille baisers de feu ». Puis « il faut n’arriver au comble des faveurs que par d’imperceptibles degrés; il faut que mille jouissances préliminaires vous conduisent à la dernière jouissance ». La Mettrie prodigue ses leçons par petites touches érotiques successives, pour qu’enfin « ces heureux amants vont s’enivrer d’amour, comme s’ils en voulaient prendre pour le reste de leur vie » et que « la volupté les recherche jusqu’aux extrémités d’eux-mêmes ».

En nous instruisant de tout ce qui peut éveiller les sens, il fait la distinction entre la débauche, « un excès de plaisir mal goûté », et la volupté, « l’esprit et comme la quintessence du plaisir, l’art d’en user sagement, de le ménager par raison, et de le goûter par sentiment. » « La douleur est un siècle, et le plaisir un moment; ménageons nous pour en jouir ! » « Ne perdons point le temps en regrets frivoles (…) Jouissons du peu de moments qui nous restent ; buvons, chantons, aimons qui nous aime » ! « L’art de jouir » se développe donc plus comme le traité philosophique d’un La Mettrie plus épicurien que libertin, « au corps sain, l’esprit libre et sans préjugés ». Son discours, toujours d’une actualité brûlante, nous invite à « jouir » au plus près de la vie.

L’Art de Jouir – Julien Offroy de la Mettrie – Editions Arlea, 2007

Article paru dans le Magazine des Livres, en kiosque en Juillet 2007.


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