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Destitution du président

Publié le 16 janvier 2011 par Malesherbes

La révision constitutionnelle du 23 février 2007 a prévu l'instauration d'une procédure de destitution du président de la République. Aucune loi organique précisant les modalités de cette procédure n'ayant été votée, nous nous trouvons devant un vide juridique qui jusqu'ici n'a guère inquiété la majorité actuelle. Remarquons en passant que la possibilité donnée au président de s'exprimer en personne devant le Parlement, accordée par la révision du 23 juillet 2008, a elle été rapidement traduite dans les faits.

Le 28 octobre 2009, MM. François Patriat, Robert Badinter et les membres du groupe socialiste ont déposé devant le Sénat une proposition de loi organique portant application de l'article 68 de la Constitution. Le 22 décembre 2009, la Commission des lois du Sénat a rendu son rapport sur la proposition de loi organique du groupe socialiste. Finalement, le 22 décembre 2010 le projet de loi relatif à cette loi organique, portant le numéro 3071, a été présenté en Conseil des ministres. Je considère la comparaison de la proposition de loi socialiste et du projet de loi gouvernemental comme tout à fait édifiante.

L'article 2 de la proposition stipule : " Si la proposition de résolution satisfait aux conditions de recevabilité, elle est inscrite de droit à l'ordre du jour [...] ". Ceci devient, dans le projet de loi : " La commission de la première assemblée saisie s'assure que la proposition n'est pas dénuée de tout caractère sérieux. A défaut, la proposition ne peut être mise en discussion. " Ceci suppose donc que soixante députés ou sénateurs sont susceptibles d'apporter leur signature à une proposition qui ne serait pas sérieuse. Je vois dans cette précaution comme un outrage à leur intelligence et à leur sens du devoir. Je souhaite également que cette loi précise très exactement ce qui est sérieux et ce qui ne l'est pas, pour éviter de s'en remettre à la sagesse de la commission des lois constitutionnelles pour distinguer l'un de l'autre. Il me souvient d'avoir entendu, sans qu'il soit alors question de destitution, certain président qualifier une situation d'abracadabrantesque, prête à faire " pschitt ". Je crains que d'aucuns ne soient tentés en pareil cas de juger la situation peu sérieuse.

Dans son article 3, la proposition indique : " ". Le projet indique par cette dernière phrase que le président du bureau de la Haute cour est le président de la Haute cour mais il omet de préciser, comme le faisait la proposition, qui préside la Haute cour, en l'occurrence, le président de l'Assemblée nationale. Serait-ce parce que celle-ci est moins structurellement à droite que ce bon vieux Sénat ? Autre marque de défiance vis-à-vis de l'Assemblée nationale : dans la proposition, le bureau est constitué de la réunion Le président de l'Assemblée nationale préside la Haute Cour. En cas de saisine de la Haute Cour, le bureau de celle-ci se réunit aussitôt. Il est composé des membres des bureaux de l'Assemblée nationale et du Sénat. Son président est celui de la Haute Cour. " tandis que le projet, en son article 4, stipule : " Le bureau de la Haute Cour est formé de la réunion, en nombre égal, de membres du bureau de l'Assemblée nationale et de celui du Sénat. Il est présidé par le Président de la Haute Cour des membres des bureaux des deux assemblées alors que dans le projet, il s'agit de membres, en nombre égal, afin de toute évidence que l'Assemblée nationale ne pèse pas plus lourd que le Sénat. Même précaution, en cas de saisine, pour la commission constituée des vice-présidents : dans l'article 4 de la proposition, on peut lire : " il est institué une commission, composée des vice-présidents des deux assemblées du Parlement " et dans l'article 5 du projet : " Une commission constituée, en nombre égal, de vice-présidents de l'Assemblée nationale et du Sénat ".

Autre délicatesse du projet de loi : la possibilité pour le président de se faire représenter devant la Haute cour. Etrange, de la part d'un homme qui a fait modifier la Constitution pour pouvoir s'exprimer en personne devant le Parlement. Le projet substitue également, pour désigner la personne accompagnant éventuellement le Président, le nom de représentant à celui de conseil, à la " connotation excessivement judiciaire ". Espérons que tant d'attentions seront récompensées, une décoration serait fort bien venue.

A propos, plutôt que de s'en remettre au jugement d'une commission, ne serait-il pas préférable de donner au président le pouvoir de décider lui-même si une proposition de résolution mérite d'être examinée ?


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