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Quand le candidat Sarkozy carresse les vaches...

Publié le 19 janvier 2011 par Juan
Quand le candidat Sarkozy carresse les vaches...C'était sans doute le déplacement auquel il tenait le plus. Mardi 18 janvier, Nicolas Sarkozy délivrait ses voeux aux monde agricole. Depuis un an, il a multiplié les rencontres sur le terrain (encadré) et les tables rondes filmées. D'après les sondages de sa cellule élyséenne, sa cote de popularité chez les agriculteurs avait gravement chuté. Toute l'année donc, le candidat Sarkozy fit des « bilans », prit des « engagements », affirma des « convictions ». Pour l'essentiel, ses promesses, comme les précédentes, n'engagaient que celles et ceux qui y croient. Les résultats furent maigres. Les agriculteurs gagnèrent un régime spécial de retraite, quelques subsides, l'affichage de quelques contrats avec la distribution. Mardi, Sarkozy arriva en retard, fit un joli lapsus, et enfonça beaucoup de portes ouvertes à force d'éviter toutes polémiques.
Depuis un an, le candidat Sarkoz se démène.
Nicolas Sarkozy a redécouvert les agriculteurs en janvier 2010. Le scrutin régional s'annonce terrifiant pour son camp. Il le fut. Le débat sur l'identité nationale, lancé au mois de novembre précédent, n'a pas pris. Sarkozy comprend qu'il vaut mieux re-souder ses cibles fondamentales. En janvier 2010, il promet une loi de modernisation de l'agriculture. Cette dernière est votée en juillet. Officiellement, l'un des objectifs est de « garantir le revenu des agriculteurs et des pêcheurs » et de renforcer leur compétitivité. En réalité, les garanties sont minces : elle allège les contrôles environnementaux (en exonérant d'enquête publique et d'étude d'impact les regroupements ou modernisations d'élevage de porc « dès lors qu'ils ne s'accompagnent pas d'augmentation sensible de la capacité de ces élevages ou d'effet notable sur l'environnement »). Elle créé aussi un fonds national de gestion des risques liés aux aléas climatique, sanitaire, phytosanitaire et environnemental. Elle prévoit de reverser 35% du produit de la taxe sur les installations éoliennes  offshore au comité national des pêches maritimes et des élevages marins. En matière de revenus agricoles, la loi impose une contractualisation des relations entre les producteurs et leurs acheteurs dans les secteurs du lait et des fruits et légumes, d’une durée minimale de 5 ans pour le lait et de 3 ans pour les fruits et légumes. Le décret concerné a été publié le 31 décembre dernier.
En début d'année, Nicolas Sarkozy valorise également la suppression de la taxe professionnelle, remplacée par une contribution économique territoriale, les agriculteurs en sont pour l'essentiel exonérés. Sarkozy avance le chiffre de 400 millions d'euros d'économies.
En mars 2010, Sarkozy se rend au Salon de l'agriculture, quasiment en catimini. Pour éviter la contestation, il débarque aux aurores, pour une table ronde filmée mais cachée dans un recoin du Salon. S'il lâche que « l'environnement, ça commence à bien faire », ses promesses ne convainquent personne. Le Monarque annonce que l'Etat va augmenter l'enveloppe de prêts bonifiés pour les agriculteurs en difficulté de quelques 800 millions d'euros. Le coût réel pour les finances publiques n'est que de 50 millions d'euros.
En octobre, Sarkozy glisse un régime dérogatoire de retraite pour les agriculteurs. La mesure fut peu commentée. Alors que Nicolas Sarkozy et ses supporteurs clamaient haut et fort qu'ils avaient débarrasser la France de régimes spéciaux hors de prix (ce qui était par ailleurs faux), le futur candidat s'était empressé d'atténuer la portée de la réforme pour les agriculteurs.
En novembre 2010, la France prend la présidence des G20 et G8. Sarkozy promet de placer la régulation des marchés de matières premières au coeur de ses discussions. Répétons : il promet ... de discuter. A Bruxelles, la Commission européenne rassure un peu avec ses propositions de réforme de la Politique Agricole Commune (PAC), et notamment le maintien du soutien des prix. En déplacement dans le Bourbonnais, Sarkozy explique qu'il faut maintenir la PAC (10 milliards d'euros d'aide versées à la France !).
Janvier 2011, la campagne a commencé
Pour ses voeux, Nicolas a choisi l'Alsace, et sa ferme modèle, un exemple d'agriculture traditionnelle alsacienne. S'il avait visité une usine agro-industrielle à bétail élevé en batteries, le symbole aurait été moins porteur. Là-bas, il a pu se faire photographier respirant du foin en plein nez, carresser les fesses de quelques vaches, et visiter une exploitation flambant neuve. Comme d'habitude, le coin était isolé et bouclé. Il n'y aura pas de contestation. L'exercice doit rester celui d'un monologue encadré. On ne sait pas pourquoi il est finalement arrivé en retard de plus d'une heure, alors qu'il n'avait que ça au programme officiel de la visite. Après une visite au pas de course d'une exploitation agricole, il termina par un long monologue des voeux (53 minutes), dans une salle comblée par 1500 personnes triées sur le volet, à Truchtersheim (Bas-Rhin) : personnalités du coin et militants UMP, pour entrer, il fallait la carte. Le candidat « peaufine son image auprès des agriculteurs » résume le Figaro. « Détendu, à l'écoute, prenant le temps de s'intéresser à son entourage et goûter aux produits de la ferme, le président de la République a visité pendant trois quarts d'heure une ferme du Bas-Rhin située à Mittelhausen, à 23 km au nord-ouest de Strasbourg. » L'image était belle. Le discours se voulait sans aspérité ni polémique sur l'identité rurale.
Sarkozy promit encore un peu : « Je poursuivrai en 2011 une action structurelle pour revaloriser le revenu de nos agriculteurs et faire en sorte qu'ils puissent vivre de prix rémunérateurs. Cela implique de renforcer la compétitivité des filières agro-alimentaires par une meilleure organisation économique au plan national ». Ou encore : « Nous devons nous battre pour lutter contre la volatilité des coûts de l'alimentation animale qui est aujourd'hui dangereuse pour les éleveurs. » Même s'il a décoré de la Légion d'honneur Edouard Leclerc voici un an, ou Marc Ladreit de Lacharrière le 1er janvier dernier (propriétaire d'une des trois agences de notation ET administrateur du groupe Casino), Sarkozy pouvait donné de grandes et belles leçons  : « L'agriculture ne s'est pas débarrassée de ses anciens maîtres, il y a deux siècles, pour que la mondialisation lui en donne de nouveaux. La paysannerie française n'a pas brûlé mille ans de droits féodaux pour tomber sous le joug de diktats commerciaux
Il a aussi promis de défendre la  la Politique agricole commune (PAC), qui doit être renégociée en ... 2013, après le scrutin présidentiel. Il sort même des arguments complètement simplistes : « l'engagement de la France de près de 100 milliards d'euros pour soutenir les Etats européens en difficulté financière, nous avons largement contribué à la solidarité européenne. Nous n'avons donc pas à nous excuser de défendre la préférence communautaire et le budget de la politique agricole commune. » La France a participé aux plans de sauvetage financier de la Grèce puis de l'Irlande, via des prêts grassement payés, pour éviter une faillite de l'euro et protéger les banques françaises lourdement engagées sur ces pays. Dernière promesse, l'instauration d'un prix attractif « dans les prochaines semaines pour le rachat du gaz et de l'électricité produit par méthanisation pour assurer une meilleure valorisation des déchets des exploitations agricoles et des communes rurales.» L'annonce n'est pas nouvelle. Les agriculteurs attendent les décrets depuis des lustres.
En Alsace, Sarkozy se contredit aussi : « N'opposons pas en France l'écologie et l'agriculture » explique-t-il le jour même de la publication du décret autorisant la circulation des poids lourds de 40 à 44 tonnes. Il ajoute : « Les agriculteurs vivent de la nature et au milieu d'elle. Les présenter comme des ennemis de leur propre milieu de vie est inepte. Je veux réaffirmer clairement mon attachement à une agriculture durable, respectueuse de son environnement et qui ne met pas en danger la santé des paysans. » L'homme est gonflé. En mars 2010, il a demandé à son ministre de l'écologie médiatique, Jean-Louis Borloo, de repousser l'une des principales mesures du Grenelle de l'environnement, la réduction par deux de l'usage des pesticides d'ici dix ans. Le 1er janvier dernier, la filière bio découvrait que le gouvernement avait réduit par deux le crédit d'impôt bio, initialement de 4000 euros pour les agriculteurs qui se convertissent au bio.
Sarkozy fut parfois incompréhensible, comme lors de cette critique : « Ceux qui veulent opposer environnement et agriculteurs, ce sont ceux qui voudraient vous transformer en jardiniers, en cantonniers. Je n'ai rien contre, mais les agriculteurs sont des producteurs, pas les cantonniers du canton. Ils produisent, il ont du savoir faire. » Qui visait-il ? Lui-même, en mars 2010 ? Les opposants à l'agriculture intensive ? Il précise : « La préoccupation environnementale est tellement importante qu'elle ne doit pas être l'apanage de ceux qui font profession d'écologisme.» En près de 4 années de mandat, quasiment tous les engagements majeurs du Grenelle de l'Environnement ont été détricotés ou repoussées. La préoccupation environnementale est tellement important qu'elle ne doit pas être traitée par Nicolas Sarkozy. Même le prudentissime Nicolas Hulot envisage désormais de se porter candidat !
Mais le ponpon fut ce joli lapsus, relevé par Guy Birenbaum : « Moi je peux accepter les distorsions de concurrence avec la Chine et avec l'Inde, pas avec l'Allemagne... c'est totalement incompréhensible. Et je ne le dis pas simplement, cher Philippe Richert (président de la région Alsace) parce que je suis en Allemagne... » (rires et sifflets dans la salle) «... je suis en Alsace» Sarkozy lève la main pour faire taire l'assistance, le visage reste sérieux. « C'est là où vous voyez que j'ai raison de m'investir dans le chantier de la dépendance...». Confondre l'Alsace et l'Allemagne, quelle belle affaire pour le président « expérimenté » d'un « gouvernement de pros. » Ce sera le premier lapsus politique de 2011.
Ce jour-là, effectivement, Nicolas Sarkozy paraissait usé, répétif et fatigué. Comme son ancien mentor, Jacques Chirac.

Nicolas Sarkozy confond Alsace et Allemagne (en Alsace)
envoyé par guybirenbaum. - Regardez les dernières vidéos d'actu.


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