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En direct de Tunis mercredi 19 janvier par Ridha Kéfi

Par Haykel

Troisième correspondance en direct de Tunis de Ridha Kéfi (*) (directeur du portail d’informations Kapitalis).
Ben Ali.jpgLe complot déjoué de Ben Ali
Cinquième jour après Ben Ali: la situation est encore confuse et tendue. Le Premier ministre a du mal à faire accepter la composition du gouvernement d’union nationale, qui compte de nombreux éléments issus de l’ancien régime. Des groupes d’activistes, islamistes et autres, continuent de manifester, exigeant la dissolution de l’ancien parti au pouvoir, le Rassemblement constitutionnel démocratique (RCD).
Atmosphère lourde et cœur léger
Le pouvoir, incarné aujourd’hui par un président par intérim très contesté et un premier ministre en sursis, va devoir faire de nouvelles concessions à une rue qui n’est pas prête à se laisser voler sa révolution.
Malgré cette atmosphère lourde, les Tunisiens ont le cœur  léger. La vie reprend son couali_siriati.jpgrs, mais difficilement, et avec cet air hagard des lendemains de révolution.
Après avoir goûté à l’ivresse de la liberté retrouvée, il va falloir reconstruire tout ce que la dictature a détruit: des institutions républicaines en lambeaux, une scène politique éclatée, une économie minée par la corruption et la concussion.
Il va falloir surmonter les suspicions, les rancunes et les ressentiments pour rétablir le dialogue et restaurer la confiance entre le peuple et ses dirigeants.
Il va falloir aussi relancer la machine économique, car un pays comme la Tunisie, qui vit des fruits de son labeur et de ses échanges avec l’extérieur, risque de se ressentir durement de l’inactivité à laquelle est condamnée sa population depuis bientôt une semaine.
Le pyromane pompier
Les Tunisiens, réputés pour leur pacifisme et leur esprit consensuel, et qui ont horreur de la violence, découvrent l’ampleur du complot ourdi par l’ex-président avant sa fuite à l’étranger. Avant de signer un décret attribuant les fonctions de président par intérim au Premier ministre et de quitter Tunis, Ben Ali a laissé derrière lui une horde de miliciens armés, chargés de faire régner la terreur dans le pays.
Selon le scénario que Ben Ali a élaboré avec ses proches collaborateurs, notamment le chef de la sécurité présidentielle, le général Ali Sériati, le chaos qui serait ainsi instauré devait accélérer son retour dans l’habit du sauveur.
Ce scénario classique du pyromane pompier a été mis à exécution dès vendredi soir. Des bandes organisées attaquaient les hypermarchés, les banques et les entreprises nationales et étrangères. Des tireurs, à bord de voitures banalisées, tiraient sur les civils dans les principales villes du pays. Des snipers, postés au-dessus des toits, terrorisaient les citoyens. Plusieurs tireurs d’élite étrangers, munis de passeports allemands, suédois et suisses, étaient déployés à Tunis et ses quartiers périphériques. Ils seraient probablement des Israéliens commandités par le clan de Leïla Trabelsi, l’épouse du chef d’Etat déchu. Bref, tout était prévu pour mettre le pays à feu et à sang.
La révolution du peuple et de l’armée
166398_193966043947391_154240634586599_794238_6833223_n.jpgCe scénario diabolique, qui en dit long sur le tempérament sanguinaire de Ben Ali, l’ex-président longtemps choyé et protégé par les puissances occidentales et à leur tête la France de Nicolas Sarkozy… Ce scénario a heureusement été mis en échec grâce à la conjugaison des efforts de l’armée nationale et des forces de l’ordre, fortement soutenues par la population.
L’armée, qui a joué un grand rôle dans la révolution en contraignant Ben Ali à quitter le pays, s’est gardée, dès le premier jour de son déploiement dans le pays, le 12 janvier, de commettre la moindre violence à l’encontre des civils. Des scènes de fraternisation entre soldats et manifestants étaient même immortalisées par les photographes et les cameramen.
Le général Rachid Ammar, le jeune chef d’Etat major, a pris ses responsabilités. En acceptant de déployer l’armée dans les rues, tout en mettant ses conditions – pas de tirs sur les civils –, il a joué gros face à un dictateur aux abois. Sa fermeté a finalement porté ses fruits, puisqu’elle a permis aux manifestants de maintenir la pression 1_1036167_1_34.jpgsur le régime et à l’armée d’apparaître, en cette mémorable journée du 14 janvier, qui a vu le dictateur prendre le chemin de l’exil, comme l’unique et l’ultime recours.
Autre grain de sable qui a fait dérailler la machine du complot: la constitution, à l’initiative de l’armée, des comités de quartiers pour garder les endroits où l’armée ne peut pas assurer cette tâche, comme les cités résidentielles, les zones industrielles, etc.
Ces comités, constitués de citoyens de tous âges et de toutes conditions, ne se sont pas contentés de garder leurs résidences et de préserver ainsi leurs biens de la dégradation et du pillage. Ils ont aussi contribué à l’arrestation de nombreux miliciens armés qu’ils ont livrés à l’armée et aux forces de l’ordre.
Ridha Kéfi de Tunis

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(*)Ridha Kéfi a collaboré avec plusieurs journaux et magazines. Il s’est fait un nom en Tunisie et sur le continent africain. Ces dernières années, il a travaillé comme responsable du service cultuel du quotidien Le Temps (Tunis), comme rédacteur en chef délégué à Jeune Afrique entre 1994 et 2006 avant de créer le magazine hebdomadaire L’expression. Actuellement, il est l’un des trois rédacteurs en chef de NewAfrican, un bimestriel basé à Paris et à Londres.

Photo 1: L'ex-Président Ben Ali

Photo 2: Ali Sériati

Photo 3: Rachid Ammar

Photo 4: Scène de fraternisation entre un soldat et une citoyenne

En rapport avec cette note: En direct de Tunis lundi 17 janvier par Ridha Kéfi En direct de Tunis mardi 18 janvier par Ridha Kéfi

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