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Sarko s'en va-t-en guerre !

Publié le 11 janvier 2008 par Jean-Philippe Immarigeon

Lorsqu'on lit les livres d'histoire, on se demande toujours comment nos chefs de l'Etat, rois ou consuls, ont parfois pu faire passer sans faire se dresser les barricades des lois constitutionnelles qui modifiaient le régime politique dans un sens clairement autoritaire voire autocratique. Et on se dit que nos aïeuls étaient vraiment des gourdes, mais qu'à nous, vigilants et enseignés par l'histoire, on ne la fera pas.

Voici donc un extrait de la proposition de loi constitutionnelle érigeant, pour la première fois dans l'histoire de France en dehors des périodes autocratiques (rois, empire et Vichy), le chef de l'Etat en chef de guerre.

- Dans l'article 35 de la Constitution (Le Parlement déclare la guerre), le mot « guerre » est remplacé par l'expression « conflit armé international ». « Guerre » on sait ce que sait : c'est un fait objectif, c'est quand nos soldats tirent sur d'autres soldats, quelque soit le contexte. Quid d'un conflit international armé ?

Justement :

- Il est rajouté au même article 35 un second alinéa : « Toute intervention des forces armées de la France à l'extérieur du territoire de la République fait l'objet d'une déclaration devant le Parlement au plus tard huit jours après son déclenchement. Cette déclaration est suivie d'un débat sans vote. Tous les trois mois, le gouvernement informe le Parlement de la situation de ses forces armées à l'extérieur du territoire. »

Plusieurs remarques :

- Tout d'abord, à l'heure de la diffusion instantanée de l'information, il est prévu huit jours puis trois mois avant que le Parlement ne soit informé. En l'An II, la Convention était mise quotidiennement au courant des opérations aux frontières aussi rapidement que le tout nouveau télégraphe le permettait. Entre 1914 et 1918, l'Assemblée siégeait tous les jours (souvent en séance non publique) pour discuter des opérations sur les fronts. Un jour le tout nouveau ministre Lyautey a refusé de répondre aux députés en séance sécrète : il n'est resté ministre que deux semaines. Mais en 2008, et alors que nos soldats mourraient ou tueraient en notre nom, ce serait impossible à faire. C'est que le sarkozysme appelle « renforcer les droits du Parlement ».

- Surtout, on a bien compris que la notion de « conflit armé international » ne concernant que les situations exceptionnelles, toutes les opérations militaires extérieures sortiront désormais du ressort du Parlement. On dira qu'actuellement ce dernier ne débat jamais des Opex : c'est exact, mais rien ne l'en empêche, et rien ne l'empêche de les arrêter à tout moment. Nous avons toujours une Constitution parlementaire, même si Sarko fait comme si elle n’existait plus. Demain le Parlement ne pourra plus rien dire, constitutionnellement, sauf à renverser le gouvernement. Mais d'ici-là, la France n'aura-t-elle pas définitivement abandonné sa vieille tradition de démocratie parlementaire pour adopter un régime à l'américaine, où effectivement, on le voit pour l'Irak, le Congrès ne peut constitutionnellement rien pour contrer la volonté du prince ?

Voilà comment on fait un coup d'Etat constitutionnel. C'était dans le programme du candidat Sarkozy (voir mon analyse dans Sarko l'Américain), c'est fait en plein jour, sans se cacher, et personne ne bronche.

Nos descendants pourront dire de nous, comme nous le faisons de nos aïeuls : « Mais c'est pas Dieu possible d'avoir été aussi cons ! »

Eh oui...


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