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"Pitromatie" à immoler

Publié le 19 janvier 2011 par Decrauze



Croire servir une noble cause en excusant les raideurs autocratiques de régimes en place est un calcul à courte vue. Le sirocco tunisien vient de balayer quelques certitudes encroûtées.Un coup à gauche, le vitupérateur Mélenchon s’érige grand défenseur de la clique castriste, égrenant les circonstances atténuantes comme l’aurait fait un Marchais pour son Brejnev. Quel touchant esprit de corpus idéologique ! Si seulement le peuple cubain pouvait s’inspirer du souffle populaire tunisien pour faire se tordre davantage le rictus de l’effronté de gauche…Un coup à droite, l’Alliot-Marie se fait grande prêtresse de l’Ordre, y compris auprès d’un État policier, ne parvenant plus à identifier les codes de sa fonction actuelle distinctes de ceux d’un ministre de l’Intérieur. Nous voilà dotés d’une espèce de ministre de l’Extérieur, totalement étrangère à ses dossiers… Des déclarations finalement pas plus incongrues que celles d’un Bernard Kouchner en 2008, lui-même confortablement enkysté dans la tradition diplomatique française.L’aveuglement volontaire s’expliquerait par la frousse de l’islamisme. Rappelons-nous, en effet, la dérive iranienne après la chute du Shah, évoquons l’ascension du Front islamique du Salut en Algérie… la démocratie, oui, mais uniquement lorsque cela colle à nos modèles et sert nos intérêts.Entre la naïveté suicidaire et le cynisme coupable, ne pourrait-on viser une attitude cohérente, ne serait-ce que par le verbe d’une diplomatie qui soit autre chose qu’une bien triste pitromatie, sans pour autant s’interdire tout rapport avec des régimes honnis. Fréquente ton ennemi pour mieux le neutraliser le moment venu.L’aspiration tunisienne ne peut se contenter de la fuite d’un Ben Ali. Une purge des pratiques coercitives et de la corruption gangrénante s’imposera. Autour, quel peuple se contentera des oboles étatiques, quel autre affirmera l’épaisseur de ses objectifs ? La liste des dirigeants monopolisant le pouvoir politique est longue dans la région, depuis le raide Kadhafi jusqu’à l’essoufflé Moubarak en passant par l’entouré Bouteflika. Passionnante destinée qui s’ouvre pour la Tunisie, bouleversante pour ceux qui la vivent dans leur chair, la voix porteuse d’une onde fondatrice. L’occasion pour nous, peuple de France, d’un peu d’humilité pour gérer notre carapace de libertés conquises par nos aïeux : nous ne bougeons plus que pour de prosaïques causes. Hystérie des soldes d’un côté, révoltés du sol de l’autre : le cœur cultive sa noblesse lorsqu’il est encore en état de conquête. Parvenus d’un système qui tourne sur lui-même, sans plus de réel dessein mobilisateur, nous feignons l’indignation quand d’autres se dressent en torches alarmistes.

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