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La Réalisation Que Je Cherchais (Suite)

Publié le 16 janvier 2011 par Marie496
A mon retour au Maroc, après "mes années chinoises", je pus retrouver une amie, qui,enseignante de maternelle, mal à l’aise dans les pratiques alors prônées, passionnée de Yoga et de Taï Qi Chuan, art de méditation en mouvement et admirable beauté du geste , avait depuis plus de 25ans fait déjà un long cheminement, unissant pédagogie et recherche intérieure : Elle me fit découvrir Sri Araubindo, Satprem, Krishnamurti.
Cet homme qui vous renvoie à votre gouverne personnelle, à votre travail intérieur,cet accoucheur socratique de soi , pour qui « la vérité est un pays sans chemin », est étudié en IUFM, institut de formation des enseignants à Paris , par Barbier ;
Je plongeais également dans la mystique rhénane, et Maître Eckhrard;
J’ai d’ailleurs toujours pensé que les rencontres fortes et déterminantes que je faisais n’étaient jamais fortuites : elles arrivaient au moment nécessaire pour moi, me guidant à continuer, à aller encore un peu plus loin, sans véritablement avoir à changer d’attitude : ce n’était que l’approfondissement de cette attitude que j’avais
certainement héritée de mes parents :
Mon père était véritablement un homme libre, ouvert et très tolérant, respectant le choix de ses enfants tout en les accompagnant de sa confiance et de sa sollicitude, et du côté de ma mère, on était fier d’une arrière grand mère morte sur les barricades de la Commune !
J’avais déjà eu l’aval de mes parents, malgré ou à cause de la foi chrétienne qui était la leur, d’ épouser un musulman ; Leur seule contrainte était que j’ai un métier pour pallier à toute éventualité de divorce.
J’avais, non pas tenu à me convertir, mais à connaître la foi de l’environnement qui désormais allait être le mien , sans fermeture d’esprit et avec le plus grand désir de rencontre de l’autre.
Ma rencontre, bien des années plus tard, avec les maîtres fondateurs du Tao, le Bouddhisme m’entraîna vers la découverte également du Soufisme, tant présent en Chine .
J’ai découvert à Pékin les admirables cassettes réalisées par Arnaud Desjardins sur les soufis afghans, ses livres, j’assistais à une conférence du maître taoïste Chipper.
Toutes ces rencontres m’ont imprégnée car tous disaient la non dualité sous la diversité : En Chine l’art concourt à la découverte de son « soi », tout est « kung fu »,c'est-à-dire travail sur soi, recherche de cette unité enfouie , que ce soit par la calligraphie, la poésie, la pratique musicale du Gu Qin, ou la peinture, les quatre activités, concourant en fait à la même finalité, du Lettré dans la Chine antique
;
Et en examinant les rayonnages du Centre culturel français de Pékin, j’avisais, par un pur hasard, l’oeuvre entière de Corbin que je lus et relus avidement, comme sous un électrochoc ; Je passais alors directement à tous les écrits traduits en français d’Ibn Arabi , que j’achetais lors de mes séjours en France , puis à Guénon ; J’avais déjà relu tout Bachelard, Mircéa Eliade et Gilbert Durant, avec une autre approche que celle
que j’avais eu durant mon parcours universitaire ;
C’est , riche de toutes ces lectures, que je suis arrivée à ne pas croire qu’enseigner soit une attitude , une simple pratique qui puisse être si différente de la personne quel’on est, ou de celle que l’on devient : la « connaissance » théorique, livresque, la maîtrise des programmes est certes nécessaire, mais aussi une conception de la vie, l’avancée sur un cheminement intérieur ;Un enseignant « mûr » n’est peut-être pas le
meilleur s’il est tombé dans une routine mécanique, mais il peut donner un nectar s’il sait que « la non connaissance est la connaissance, la connaissance , la non connaissance, « comme le dit le livre du Tao de Lao Ze.
C’est , certes, par l’entrecroisement des lectures, par la comparaison des points de vue, par l’étude des strates d’une pensée que l’analyse littéraire peut être enrichie quand on est jeune et que l’on n’a pas encore en soi cette « densité « qui nous met, plus tard, avec le sel et l’amertume de la vie, en contact profond et direct avec l’auteur :
Car, avec l’âge (et l’acquis implicite , avec , comme le dit si bien Montaigne, le miel qui est devenu mien du pollen collecté) j’aime aborder un livre, libre de tout angledécidé par autrui ; Et quand je relis un livre, je ne le relis jamais de la même façon ; je découvre des profondeurs non sondées au préalable, comme si certains voiles qui m’aveuglaient étaient alors tombés.
Après avoir côtoyé de nombreuses annéesChateaubriand pour une thèse d’état non soutenue à cause de  naissance de ma dernière fille et après pour avoir constaté que le bout de papier n’était pas aussi
important que tout ce dont je m’étais enrichie à ce contact, que ce qui importait c’est « ma »transformation personnelle, à laquelle, écrivain, il avait, avec d’autres rencontres d’écrivains, participé ;
Puis j’ai découvert les magnifiques poèmes de Wang Wei, dont deux vers du splendide « Le Plein Du Vide « suffisent à instaurer un silence en moi, le prolongement d’un approfondissement ; .Par la lecture, on découvre l’humaine condition ,l’insondable:
A Pékin, j’ai lu simultanément, par le plus grand des hasards, le plus beau livre , à mon avis, de Tahar Benjelloun « l’aveuglante absence de lumière « et le livre d' un des écrivains chinois de la « littérature des cicatrices » (comme est évoquée par ceterme si beau, plus beau que celui des « années de plomb »qu'on emploie désormais au Maroc pour parler du règne d'Hassan II) .Tous  deux évoquent la situation identique de deux prisonniers , à des espaces interstellaires pourtant, puisque l’un en Chine et l’autre au Maroc, qui survivent en faisant travailler leur mémoire jusqu’à pouvoir faire rejaillir , enfouis au plus profond de leur mémoire, un mot, un vers, des poèmes pour l’un ou des sourates de Coran pour l’autre.
Ces hommes, dont on lit les livres qu’ils ont parfois écrits il y a plus de 3 siècles, sont toujours vivants, vous parlent directement et vont modifier votre être au monde :
Je crois que c’est cela la littérature : cette conversation personnelle, à voix basse,entre ce « phare » comme le dit Baudelaire et vous-même, qui sonde, et vous aide à sonder « vos mystères et vos sphinx » selon la belle expression de Mauriac : En tant que littéraire, c’est cela que j’ai voulu transmettre à mes étudiants de  la faculté : cet apprentissage d’un travail sur soi,grâce à cet ami intérieur qu’est l’auteur, et non le fait de satisfaire à un programme
.(à suivre)

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