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Santé : la mascarade des voeux du candidat Sarkozy

Publié le 21 janvier 2011 par Letombe
Santé : la mascarade des voeux du candidat Sarkozy

Les journées se suivent et se ressemblent. Le candidat Sarkozy continue ses voeux, cette fois-ci pour les professionnels de santé. Comme à chaque fois, il fait bien attention à ne pas voir la réalité du pays. En matière de santé, tout juste accepte-t-il, contraint par un actualité détestable, à évoquer l'affaire du Mediator de son ami et ancien client Jacques Servier. La précarité d'un nombre croissant de ménages a des impacts désastreux sur la santé. De nombreuses études récentes l'ont encore rappelé. Espérance de vie, accès aux soins, vieillissement de la population, les enjeux sont majeurs, mais Sarkozy joue encore et toujours son petit rôle de candidat.
Cette mascarade des voeux a assez duré.
Mediator, quand même
Dans la salle, des applaudissement nourris accueillirent la montée du candidat sur l'habituelle estrade. Sa mâchoire fut prise de tics, il remercia l'assistance, y compris ses ministres, fidèles au poste. A Chatillon-sur-Indre, l'auditoire avait été parqué dans un grand hangar. Jeudi 20 janvier, Nicolas Sarkozy parlait aux professionnels de la santé. Difficile pour lui, cette fois-ci, d'évacuer l'un des vrais sujets d'actualité, comme il l'a jusqu'ici parfaitement réussi lors de ses voeux à d'autres « corps » de métier. L'affaire du Mediator, entre autres, s'imposait. « Je comprends l'incompréhension des familles de victimes. »
Le candidat fit donc trois annonces, déjà dévoilées par son ministre du Travail et de la santé Xavier Bertrand en début de semaine : « une démarche de refondation en profondeur » de notre politique du médicament, et notamment de la pharmacovigilance ; une clarification de « l'indépendance, la transparence et l'impartialité » des prises de décision concernant les médicaments, et un effort particulier sur « la formation continue des médecins pour qu'ils soient au courant dans le maquis de la profusion d'innombrables informations médicales ». Evidemment, le candidat ne mentionna pas l'un des volets troublants de l'affaire Servier : Jacques Servier fut longtemps client de l'avocat Sarkozy, de la fin des 1990 à l'aube des années 2000, une proximité suffisante que devenu président il le décore personnellement d'une Légion d'honneur en 2009.
Ne lui parlez surtout pas de conflits d'intérêt.  Il n'y a qu'Eric Woerth, l'ancien fidèle viré, évacué et lâché, pour incarner ce problème-là.
Autosatisfait, évidemment
Pour le reste, le Monarque a défendu, sans surprise, son bilan : l'augmentation du tarif des généralistes qui, paraît-il, soutient la médecine de proximité (mais pas les patients) ; la réforme LMD des infirmiers (passage en catégorie A contre allongement des carrières ... quel échange !), ou la future réforme des modes de rémunération des médecins (« confiance », « responsabilité » et « incitation ») : « s'il y a des régions où il n'y a pas assez de médecins, ne peut on pas considérer que l'activité médicale est en quelque sorte du service public ? » Quelle découverte !
A Chatillon-sur-Indre, le candidat, découvrant les inégalités, se voulut presque lyrique : « l'égalité, ce n'est pas l'égalitarisme. L'unité, ce n'est pas l'uniformité. » Ou encore : « si vous donnez la même chose à chacun,  c'est injuste. » Personne, dans la presse, ne releva. S'il voulait être lyrique, Sarkozy aurait pu être précis. Comme toujours, l'homme occulte les sujets qui le dérangent. La pénibilité, évoquée lors de la réforme des retraites, n'est pas traitée. Or l'impact du travail sur la santé, et l'espérance de vie, est connu et prouvé. Tout au long de l'année 2010, le monarque s'est essayé à occulter qu'un ouvrier vit toujours 7 ans de moins qu'un cadre.
Protecteur de la Nation
Le candidat voulait surtout assurer son rôle de « Protecteur de la Nation », un exercice plus facile en matière de santé que face aux enseignants, la veille, qui subissent 16 000 suppressions de postes chaque année depuis 2007. « En France, je veux le rappeler, parce que c'est mon devoir, on ne perd pas sa couverture maladie quand on perd son emploi. En France, on a l'habitude de pointer toujours ce qui va mal, mais quand on perd son emploi, et c'est bien le moins, on ne perd pas son assurance maladie. » Le devoir du candidat Sarkozy se résume donc à rappeler les acquis sociaux qu'il voulait sabrer ?
Faudrait-il lui rappeler qu'en France, quelque 5 millions de Français n'ont pas de mutuelle, alors que les déremboursements se sont multipliés depuis quelques années ? Qu'un emploi est seul à même d'espérer disposer une mutuelle ? Que la Sécurité sociale ne rembourse que quelques paires d'euros une paire de lunettes, un handicap qui concerne plus de la moitié des Français, alors que le candidat Sarkozy de 2007 nous promettait de porter la prise en charge publique à 50% ? Entre 20 et 30 % des Français déclarent renoncer à des soins pour des raisons financières en dépit du système de protection sociale, rappelait voici quelques semaines l'Observatoire des Inégalités. Et l'explosion des consultations - toujours gratuites - aux urgences n'est-elle pas le signe d'une dégradation générale de la prise en charge des soins ? « l’accroissement des inégalités accélère le transfert sur l’hôpital d’une partie des soins qui auraient pu être pris en charge par des médecins en ville, nettement moins coûteux pour l’assurance maladie. » (*)
Jeudi, Sarkozy voulait aussi nous faire peur, pour mieux se rehausser. « Avez vous vu ce qui se passe chez nombre de nos partenaires ? » Qu'a-t-il fait pour améliorer la situation des Français, préserver le modèle social ? Rien. La crise l'a empêché d'agir.  « Nous avons choisi d'investir dans votre santé et dans notre système de santé. Et nous avons choisi de refuser de couper dans les dépenses de santé. » déclare-t-il, avant de rappeler que la progression de ses dépenses fut du double du taux de croissance du PIB en 2010.  « Je ne laisserai dire à personne que la France rationne les dépenses de santé. »
Quelle belle approximation ! Tentons de lui rappeler quelques évidences : la France vieillit, il doit être d'accord, c'est un argument ressassé à longueur de réforme des retraites. Une France plus vieille coûte plus cher en soins. Même le candidat Sarkozy de 2007 l'affirmait haut et fort. C'est aussi une évidence. Le coût de la prise en charge de la dépendance, par exemple, explose. Comparer l'évolution des dépenses d'assurance maladie à la croissance économique est donc inopérant.
La réalité est celle des déremboursements saupoudrés chaque année aux détriments du plus grand nombre, et surtout des plus fragiles sans mutuelle. Dès le 1er janvier 2008, Sarkozy a créé de nouvelles franchises médicales  pour économiser quelques 650 millions d'euros par an sur le dos des malades. S’ajoutèrent environ deux cent déremboursements de médicaments supplémentaires en 2009, puis une augmentation de 5% du tarif des mutuelles cette même année. Pour 2011, il faut ajouter la mise en place d'une participation financière des malades en affection de longue durée, le déremboursement des médicaments à vignette bleue et orange (un milliard d'euros économisé par an), et une nouvelle augmentation du tarif des mutuelles de 3 à 5%.
La rigueur, pour qui ?
Quelques instants plus tard, le même homme critiquait la dérive des dépenses de santé, « l'accumulation des dettes et des déficits », « le n'importe quoi ». Il fit l'éloge de la rigueur, comme voici 8 jours devant les parlementaires, synonyme de « maîtrise de son destin ».
A Chatillon-sur-Indre, Sarkozy n'évita pas son laïus sur le devoir, la responsabilité, les décisions qu'il faut prendre, les « J'suis comme tout le monde, j'préfère dire oui ». Ou encore : « Mais y s'trouve que quand une décision arrive dans mon bureau, tous ceux qui pouvaient dire oui avant l'ont fait avant. Et si ça arrive dans mon bureau, c'est bien souvent parce qu'il faut dire non. » Ou mieux : « à un moment donné, il faut faire confiance aux Français
Quel homme de courage ! En août 2007, il fit voter le paquet fiscal, quel courage ! En décembre 2009, il claqua 35 milliards d'euros de grand emprunt, au plus fort de la crise, alors que la France engageait déjà quelque 200 milliards d'euros d'emprunt annuel. Et pourquoi ? Pour distribuer ensuite de multiples enveloppes pré-électorales à chaque intervention publique...
Sarkozy parla évidemment de sa grande réforme, un projet dont la méthode ressemble à s'y méprendre à celle des retraites. Le sujet le préoccupe tant qu'il n'avait ... aucune idée à proposer : « Il faudra des moyens supplémentaires. Est-ce que ce sera l'assurance ? Est-ce que ce sera plus de travail ? Est-ce que ce sera des prélèvements ? (...) Le débat éclairera la décision des uns et des autres, mais la décision il faudra la prendre.»
Quand Sarkozy aura-t-il le courage d'annoncer ce qu'il veut faire ?

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