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L'ancien, ça va bien cinq minutes

Publié le 22 janvier 2011 par Doespirito @Doespirito

Cafegrandmere S'il y a bien un truc qui m'énerve, c'est cette manie des spécialistes du marketing de vouloir nous emballer l'industriel dans de l'ancien. Le mobilier est d'époque, le parquet est traditionnel, le fromage moulé à la louche, le potage tendrement mouliné, le jambon tranché à la main, le saumon fumé au bois de hêtre... J'ai connu l'ancien, le bon temps du café Grand-mère (la mienne en avait connus plusieurs, des anciens, à ce qu'on m'a dit...), et je ne vois pas ce qu'il avait de plus que les autres périodes pour mériter qu'on nous en fasse tout un plat. Même cuit au feu de bois. 
Ce matin, je lisais le texte écrit sur le papier de la pochette de ma Campaillette® quotidienne. J'en suis resté au café au lait et à la tartine de pain beurrée, vous savez tout désormais. Ce texte, écrit à la plume d'oie, nous apprend la chose suivante : «Qui est Antoine Augustin ? Antoine Augustin Parmentier, pharmacien militaire et agronome né en 1737 à Montdidier dans la Somme, est surtout connu pour ses travaux sur la pomme de terre. Cependant, il a également beaucoup travaillé sur l'amélioration de la qualité du pain. Il réforma la meunerie et la boulangerie sur lesquels il rédigea plusieurs ouvrages dont le "Parfait boulanger” en 1778.»
Image 1 Le malheureux Parmentier réduit par les Grands Moulins de Paris à sa contribution à la baguette... Ce bon Parmentier, cette sorte de génie qui a développé en France la culture de la pomme de terre et à qui on doit donc les frites, les pommes salardaises, les chips et la purée Vico. Ce savant égrillard qui n'hésita pas à ensemencer en patates la plaine des Sablons, à Neuilly, faisant garder le jour le champ par des soldats, pour susciter la convoitise, mais laissant les curieux en dérober la nuit, afin qu'ils en cultivent chez eux, avec soin, comme un légume de prix. Un bienfaiteur de l'humanité qui démontra les mécanismes à l'œuvre dans l'ergot du seigle et la carie du froment, fléaux des cultures de l'époque. Un pharmacien de haut vol qui introduisit la vaccination contre la variole dans l'armée. Un héros qui favorisa le développement des eaux minérales, au point que Badoit et Evian devraient se cotiser pour lui édifier une statue, au lieu de nous bassiner avec les vertus de leur flotte sur le transit. Et même un gars marrant qui, un jour, juste pour rigoler entre scientifiques, et pour démontrer les applications de la fécule de pomme de terre, inventa le biscuit de Savoie...
Bref un génial touche-à-tout, un «simple particulier qui, de ses propres efforts, parvient à écarter la disette d'une grande nation», comme le dit l'un de ses biographes. Lequel ajoute «Il ne prit que l'essentiel du vrai savoir ; il avait surtout le talent de l'approprier aux objets du plus haut intérêt ; il le discernait merveilleusement et en faisait des applications aussi neuves que fécondes ».
Campaillette On pourrait tartiner des milliers de pochettes de Campaillette® avec toutes ses découvertes, comme autant de "Le saviez-tu?” à lire au petit déj. Et ces cuistres font dans le médiocre, le petit bras, l'avarice de vivats, le juste ce qu'il faut pour tirer la couverture à eux, avec leurs grosses mains pleines de doigts. Ils m'ont trop cherché. Demain, je boycotte la Campaillette® pour une journée. Ça me coûte suffisamment pour vous donner une idée de l'immensité du sacrifice que je m'inflige.
Sel Ces pas grand chose ne sont pas les seuls. D'autres industriels de l'agro-alimentaire nous roulent dans la farine avec leur marketing de «L'ancien-temps-que-c'était-bien-mieux-avec-une-cheminée-et-des-poutres-apparentes». Tels les concepteurs de la boîte de sel La baleine® : «La mer confie ses secrets au sel La Baleine pour vous révéler le vrai goût des choses.» Ça ne manque pas de sel, en effet. C'est tout juste s'ils n'essaient pas de nous faire avaler que les grains de sel ont été triés sur le volet, à la main, avec une loupe et un pied à coulisse, à la lueur des torches... Je serais curieux de voir les contrats de travail des saisonniers des Salins du midi, tiens... Et la bière Leffe nous fait le coup aussi. On croirait qu'elle a été brassée par un trappiste genre Chaussée aux Moines®. Ou un émule du Révérend Père Gaucher d'Alphonse Daudet. Vous savez, le gars qui avait mis au point l'élixir de l'abbaye Saint-Michel de Frigolet. Le succès du breuvage était tel que les tonsurés couvraient de leurs chants les cuites tonitruantes qu'il prenait dans son laboratoire. Pendant que le révérend braillait, en renversant ses cornues:
«Dans Paris y a un père blanc, tarabin, taraban...»
... les moines psalmodiaient un peu plus fort le Dies Irae.
Image 3 Au moins, avec Daudet, on rigolait juste pour rigoler. Ce qui m'agace, dans ces panégyriques pseudo-historiques, c'est qu'il n'y a rien de drôle, de généreux, là-dedans. Ce n'est pas pour me distraire ou m'éduquer devant mon café au lait : c'est pour m'en vendre plus, des Campaillette®. «Finis ton bol et cours en racheter une autre, au lieu de rêvasser». J'adorerais, au contraire, qu'il y ait plein histoires sur les sachets de pain, les paquets de corn-flakes, de café ou de farine. Mais des histoires pour le fun®, l'éducation®, l'ouverture d'esprit®, la distraction®... A lire le matin, la tête dans le cul®, pour commencer à s'oxygéner le cerveau®. Ou le soir quand on se décide à faire une tarte aux pommes ou une pizza à la mano®. Histoire d'apprendre un truc en lisant le dos du paquet. Et de ne pas finir sa journée encore plus idiot que quand elle a commencé.


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