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Euthanasie : halte au faux consensus ! (3) les expériences étrangères

Publié le 23 janvier 2011 par Sylvainrakotoarison

Depuis plusieurs années, des militants associatifs font pression sur la classe politique pour légiférer sur l’euthanasie. Au besoin avec un sondage dont on fausse sciemment les conclusions. Un débat au Sénat va avoir lieu et va susciter une nouvelle fois des passions bien peu constructives. Troisième partie.


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Dans la première partie, j’ai défini différents termes, j’ai présenté le texte qui sera discuté au Sénat le 25 janvier 2011 et dans une deuxième partie, j’ai réfuté la signification du sondage de novembre 2011 sur le sujet. Voici maintenant quelques explications sur la législation de nos voisins.
À l’étranger

La mission parlementaire chargée d’évaluer la loi Leonetti a beaucoup enquêté dans son rapport publié le 28 novembre 2008 sur les expériences à l’étranger.

Trois pays ont été étudiés parce qu’ils présentaient des législations particulièrement audacieuses en la matière.

Aux Pays-Bas, près de six euthanasies par jour ont été pratiquées en 2006 (soit près de 2% des décès). La loi du 12 avril 2001 « relative à l’interruption de la vie sur demande et l’aide au suicide » a été applicable à partir du 1er avril 2002. Elle n’a fait qu’introduire une excuse exonératoire de responsabilité pénale au profit du médecin qui respecte une procédure contraignante. Du coup, 20% d’euthanasies restent encore clandestines, ce qui contredit le but de transparence que voulait la loi.

L’application de cette loi se montre floue sur certains critères (l’évaluation de la souffrance du patient est très arbitraire), et l’absence de sanction en cas de méconnaissance de la loi est généralisée.

Le consensus néerlandais est rompu depuis plusieurs années. En effet, de nombreux médecins allemands évoquent l’installation de personnes âgées néerlandaises sur territoire allemand (notamment en Rhénanie du Nord Westphalie) « qui craignent que leur entourage ne profite de leur vulnérabilité pour abréger leur vie ». Cette rupture de confiance montre qu’il y a crainte de dérapage.

En Belgique, une euthanasie par jour a été pratiquée en 2006. La loi du 28 mai 2002 (entrée en vigueur le 23 septembre 2002) dépénalise l’euthanasie active. Le caractère insupportable de la souffrance est très subjectif : « Neuf cas d’euthanasie pour affection neuro-psychiatrique ont été déclarés dont quatre de dépression majeure. », ce qui constitue un dangereux précédent car une dépression n’est a priori jamais incurable.

Mais comme aux Pays-Bas, aucune sanction n’est intervenue en cas de négligence ou de dérapage : « L’absence totale de saisine judiciaire amène à s’interroger sur la réalité du contrôle a posteriori effectué : soit on est en présence d’un professionnalisme exceptionnel sur un sujet aussi délicat où le questionnement s’impose d’évidence, soit on est conduit à avoir des doutes sur la réalité de ce contrôle. ».

C’est surtout la précipitation qui semble poser problème : « La procédure applicable en Belgique est déroutante par sa rapidité. ». Ainsi, une trentaine de minutes suffisent pour la procédure. C’est ce qu’il s’est passé pour le suicide assisté de l’écrivain Hugo Claus qui était en phase initiale de la maladie de Alzheimer et donc dans une situation de pleine conscience et pas encore irréversible selon la médecine. D’autres cas déroutants ont été signalés, comme la mort d’une vieille dame de quatre-vingt-huit ans dans une maison de retraite qui ne répondait pourtant pas aux critères de gravité ni d’incurabilité.

Enfin, même si ce sont des cas très exceptionnels, il faut aussi savoir que la Belgique accepte les prélèvements d’organe sur des personnes décédées par euthanasie. On peut imaginer les abus que cela pourrait occasionner ultérieurement.

En Suisse, l’euthanasie active directe est toujours considérée comme un homicide. En revanche, l’article 115 du code pénal suisse autorise le suicide assisté à condition qu’il ne soit pas incité « par un mobile égoïste ». Dans ce cadre juridique : « Le discernement est donc essentiel dans la qualification de suicide, ce qui exclut l’aide au suicide à des personnes souffrant de certains troubles psychologiques. ».

Concrètement, cette disposition a entraîné la création d’associations spécialisées dans l’assistance au suicide (que je ne souhaite pas citer pour ne pas en faire la publicité). L’une a "assisté" soixante-six suicides en 2007, et une autre, spécialisée à l’assistance d’étrangers, a "assisté" près de neuf cents suicides de 1998 à 2008. Au total, cela correspond, pour 2003, à environ 20% des suicides et 0,4% des décès en Suisse.

Dans les faits, c’est un marché juteux, même si les associations rappellent leur but non lucratif. Le prix d’une prise en charge est de l’ordre de sept mille euros. Le fondateur de l’une des associations a profité de son activité, quitte à aider le suicide par une euthanasie active (interdite) totalement hors critère (pour le suicide assisté), comme cette sœur et son frère atteints de schizophrénie euthanasiés parce que leur père était mort et leur mère internée, idem pour un couple de quinquagénaires souffrant d’épilepsie et de diabète.

En Suisse aussi, la précipitation est de mise : moins de quatre heures sont suffisantes (en 2006) entre la consultation du médecin de l’association (quand il est là) et la mort du patient. Ces associations ont une réelle volonté de prosélytisme pour rendre les suicides assistés partout en Europe en faisant du lobbying. Elles proposent même des façons de se suicider totalement délirantes, où le "patient" agonise pendant plus de dix minutes à la vue de tous (car cela se fait souvent dans des lieux publics, comme des parkings).

Face aux abus et à la dégradation de l’image de la Suisse par ce tourisme de la mort, le gouvernement helvétique entend mieux encadrer la loi en interdisant éventuellement l’une de ces organisations qui a abusé ou en restreignant leurs activités.

Enfin, dès 1999, par sa recommandation 1418, l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe avait vivement encouragé ses membre « à respecter et à protéger la dignité des malades incurables et des mourants (…) en maintenant l’interdiction absolue de mettre intentionnellement fin à la vie des malades incurables et des mourants. ».

Les rares cas où des pays ont introduit des législations audacieuses favorisant l’aide à mourir montrent que des dérapages existent. Qu’adviendra-t-il si c’est un État lui-même qui voudra en abuser ? La question n’est pas dénuée de sens : elle s’était posée il n’y a pas si longtemps en Allemagne…

Dans une quatrième partie, justement, j’énumérerai les principaux arguments avancés pour défendre le droit à l’assistance à mourir, et je les rejetterai.

Aussi sur le blog.
Sylvain Rakotoarison (21 janvier 2011)
http://www.rakotoarison.eu
Pour aller plus loin :

Texte exact qui sera débattu le 25 janvier 2011 au Sénat.
Alain Minc et le coût des soins des très vieux.

Lettre ouverte à Chantal Sébire.

Allocation de fin de vie.

Loi Leonetti du 22 avril 2005.

Rapport du 28 novembre 2008 sur la mission d’évaluation de la loi Leonetti.

Ordre du jour du Sénat du 25 janvier 2011.

Le texte des trois propositions de loi en discussion.

Sondage IFOP du 2 novembre 2010.

(Illustration : Salvador Dali, "Peinture de mural pour Helena Rubinstein").
 


 


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