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Bruno Julliard : "L'école traverse une crise sans précédent"

Publié le 24 janvier 2011 par Aurelinfo

Sur quels points le PS appellait-il les Français à descendre dans la rue samedi ?
Bruno Julliard : Deux échecs de Nicolas Sarkozy et du gouvernement sont la raison du soutien sans réserve du PS à la mobilisation des professionnels de l'éducation. D'abord l'échec de leur politique éducative, qui de manière dogmatique s'est traduite par le non-remplacement d'un fonctionnaire sur deux qui part à la retraite. Depuis que Nicolas Sarkozy est président, il y a eu près de 70.000 suppressions de postes et il y en aura encore 16.000 à la rentrée prochaine. Ces suppressions aveugles de moyens engendrent une dégradation des conditions de travail des enseignants et des élèves. Ensuite, l'échec de la méthode. De la même manière que Sarkozy et le gouvernement ont piétiné le dialogue social pendant la réforme des retraites, leurs choix politiques en matière d'éducation se font au mépris de la concertation et du respect des partenaires sociaux.
Pour cette raison, les syndicats ont boycotté les voeux présidentiels mardi. Est-ce la bonne méthode ?
Je respecte l'indépendance des syndicats, mais je constate qu'ils jugent la situation assez grave pour ne pas aller aux voeux du président. C'est la démonstration de l'impasse dans laquelle s'est enfermé le gouvernement. La droite depuis 2002, et particulièrement depuis 2007, a amplifié la crise de l'école. Pas une réforme ne va dans le bon sens, de la suppression de la formation professionnelle des enseignants à la suppression du nombre de postes en passant par la suppression de la carte scolaire, la semaine des quatre jours imposée à l'école primaire... La crise que traverse l'école est sans précédent. Les jeunes ont perdu la foi dans la capacité de leur école à être un ascenseur social, les familles s'en éloignent, parce qu'elle ne répond plus à la promesse républicaine de l'égalité des chances et les personnels de l'éducation ont le sentiment que les réformes qui leur sont proposées sont des régressions.
Comment le PS compte-t-il sortir l'école de cette "impasse" ?
Je ne suis pas favorable à ce que nous nous engagions dans un grand débat d'un an et demi sur l'avenir de l'école, qui aboutirait à des conclusions que nous connaissons déjà et à une grande loi d'orientation de plus. Ce n'est pas dans les textes que nous construirons l'égalité, mais sur le terrain. L'école a besoin de changements structurels et en profondeur pour réussir le défi de la réussite du plus grand nombre. Il faut faire davantage confiance aux enseignants, mettre les moyens là où ils sont nécessaires et définir un certain nombre d'objectifs, comme cibler les moyens sur l'école primaire et la petite enfance, déclarer une mobilisation immédiate, majeure et générale de lutte contre l'échec lourd et transformer radicalement le collège. Il faut que les questions éducatives soient au coeur du débat électoral de 2012 pour que les Français se voient proposer un projet clair. Le PS doit en faire un élément de campagne présidentielle.
Votre projet éducatif est ambitieux, mais comment comptez-vous le financer ?
Tout n'est pas une question de moyens, puisqu'à investissement comparable dans notre système éducatif nous n'avons pas de meilleurs résultats que la moyenne des pays de l'OCDE. Nous sommes même un peu en dessous. Ceci dit, nous avons défini des priorités budgétaires : la maternelle et l'école primaire, la formation professionnelle des enseignants et les établissements situés en ZEP. Pour ces priorités, nous avons identifié des sources d'économies, comme la fin de l'exonération fiscale pour toutes les entreprises privées de soutien scolaire. Cela coûte extrêmement cher à l'État en plus d'être une voie détournée de privatisation de l'école publique. Nous souhaitons aussi une meilleure répartition des moyens de l'État alloués à l'éducation nationale grâce à une réforme de la dotation qui prenne en compte la situation scolaire et sociale des établissements. Il faut individualiser la dotation en fonction d'un certain nombre de critères, et notamment celui de la mixité sociale.
Comment être crédible en matière d'éducation, alors que la gauche n'a jusqu'ici pas plus trouvé la formule magique que la droite ?
Il faut que les politiques éducatives soient exonérées du diktat du temps médiatique. Ce sont des défis lourds et des réformes conséquentes, qui nécessitent du temps. On ne peut pas construire des politiques éducatives où tous les ans un ministre souhaite donner son nom à une réforme qui succède à la précédente qui n'a même pas été évaluée ou modifiée. Notre projet éducatif est un projet à dix ans, à deux mandatures, pour qu'on puisse donner à la réforme la chance de l'expérimentation, de l'évaluation et de l'amélioration.
Vos objectifs sont déjà bien ciblés, alors que le candidat du PS pour 2012 n'est même pas désigné. Comment être sûr que ce ne sera pas un projet pour rien ?
Je suis optimiste, car l'éducation est assumée par tous les candidats ou futurs candidats à la primaire, de Manuel Valls à Ségolène Royal en passant par François Hollande, comme étant l'une des priorités essentielles du projet. Pour des raisons culturelles, sociales, mais aussi dans l'émergence d'un nouveau modèle de société, si on ne donne pas la priorité absolue à l'éducation, nous n'arriverons pas à nous relever d'une crise qui a atteint les fondements mêmes de notre République.

Source : Le Point


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