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Sous Sarkozy… Sarkozy

Publié le 24 janvier 2011 par Francoisjost

Cela fait maintenant deux ans juste que j’ai ouvert ce blog et je m’aperçois, en ce jour anniversaire, que je n’y ai pas écrit depuis trois semaines. Malgré cela, des lecteurs le visitent régulièrement, depuis 112 pays à ce jour. On ne sait jamais pourquoi un internaute arrive sur un site, mais j’ai la conviction que le fait que j’essaye de poser des problèmes plus que de commenter de façon épidermique l’actualité ou de livrer des “exclus” donne une certaine pérennité aux textes que j’écris. C’est en tout cas comme cela que je vois cet exercice - car c’en est un - et c’est la raison pour laquelle je reste silencieux quand je n’ai rien à dire sur l’actualité de la télévision.

Si l’avenir de ce média est à coup sûr dans sa capacité à créer des événements, la troisième conférence de presse de Nicolas Sarkozy imposait que je quitte mes activités laborieuses quotidiennes pour me planter devant mon téléviseur. Sagement, je suis resté plus d’une heure quarante dans mon canapé, moi qui ne tient pas en place. Pour en tirer quoi? Cette question se pose souvent à moi quand je me mets à écrire un “post”. Car la règle que je me suis donné ici est de parler de communication télévisuelle et de ne pas (trop) déborder sur d’autres sujets. Or, dans le cas présent, il n’est pas facile de se promener sur la ligne de crête qui sépare, théoriquement au moins, la communication de la politique. Ayant achevé hier l’écriture de la préface à l’édition de poche du Téléprésident (ouvrage écrit avec Denis Muzet et édité par l’Aube), je me suis remis dans le bain du “pouvoir médiatique” et l’envie est donc forte de commenter cette dernière prestation de Sarkozy.

La première chose qu’il faut rappeler, c’est la différence considérable entre la prestation réelle et la prestation retransmise en direct. Même si d’ordinaire on juge la première sans prendre garde à la seconde, il faut y insister. Le sens même de l’intervention est très largement dépendant de sa mise en image. Le président est apparu en l’occurrence derrière l’épaisseur de plusieurs bandeaux indiquant à la fois l’événement, les phrases à retenir et les informations qui tombent. En sorte que le corps du président était largement occulté par la mise en page. Pourtant certains gestes ou comportements auraient été instructifs, comme celui, par exemple, de mettre et remettre son alliance pour cacher sa nervosité pendant les réponses aux journalistes.

Il y a eu dans cette conférence deux types de discours: le premier n’est qu’une simple lecture, durant laquelle le président, pour ne pas sortir des mots écrits par ses conseillers, ne regarde qu’exceptionnellement son public. Sachant que Sarkozy sort de sa réserve dès qu’il improvise, cet acte devait être une garantie de sérieux et d’officialité. Malgré cela, on a senti un très fort désir chez le président de se livrer à ce que les linguistes appellent la “fonction métalinguistique”. Sans cesse, il a souligné, comme un professeur, les implicites ou la pertinence de ses propos dans le contexte d’énonciation du G20. Pendant tout cet exercice, les gestes ont été retenus, à l’image de son sobre costume-cravate.

Après l’écrit, dont il n’y finalement pas grand chose à dire, l’oral. Et là on a retrouvé la vraie rhétorique sarkozienne, les fondements de son argumentation et de ce que les rhétoriciens appellent l’ethos, c’est-à-dire cette façon particulière de se présenter au public. Pour emporter l’adhésion de son public, il est une méthode assez courante qui consiste à mettre en avant une loi générale invérifiable : Sarkozy en use comme beaucoup d’orateurs: “tout le monde sait” que la solution existe au Moyen-Orient, dit-il. Cette pratique met celui qui pense autrement dans une situation d’isolement. L’originalité de Sarkozy, qui, à ce qu’on dit, correspond mieux à sa façon profonde de penser, est d’isoler directement son contradicteur sans passer par ce “topos”. “Qui viendrait me dire que la Chine ne doit pas parler de monnaie?”, “est-ce qu’il y aurait une personne dans la salle pour penser cela?”, etc. Cette manière de faire met l’énonciateur en difficulté en l’écartant de la norme. En cela, ce procédé est la continuité de son antienne de naguère “est-ce que vous trouvez normal que…?”.

Pour parfaire cette stratégie d’isolement, Sarkozy dispose d’une autre méthode: qualifier son énonciateur avant de lui répondre ou, tout au moins, commenter son statut. “Vous commencez bien l’année avec cette question!”, “voici une question optimiste”, etc. Plutôt que de discuter d’abord sur le fond, il situe pour commencer son interlocuteur sur un échiquier des points de vue, ce qui est d’autant plus facile que la conférence de presse ne débouche jamais sur un dialogue et qu’il laisse la presse coite.

Comme on le voit, cette conférence de presse est, du point de vue de la communication, du changement dans la continuité. L’apparence est plus sévère, mais le Sarkozy que nous avons identifié dans le Téléprésident est encore bien là.

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