Magazine Journal intime

Virginia et moi...

Par Yann Frat / Un Infirmier Dans La Ville

Vous me l'avez demandée alors la voici, Virginia et moi : le duel !

1- Virginia qui c'est d'abord?

Pour tous les béotiens qui viennent sur ce blog, Virginia Henderson c'est elle:

http://img4.xooimage.com/files/7/c/b/virginia_henderson-44e0ce.jpg

(cute isn't it? clic pour voir sa bio)

(Note : Elle est morte juste avant mon entrée en ifsi, est-ce un signe? ;)) )

Et c'est elle qui a "formulé" la théorie des soins infirmiers sous forme de la prise en charge de 14 besoins fondamentaux que voici :

  • Le besoin de respirer : nécessité pour chaque individu, de disposer d’une oxygénation cellulaire satisfaisante.
  • Le besoin de boire et de manger : nécessité pour chaque individu, d’entretenir son métabolisme afin de produire de l’énergie, de construire, maintenir et réparer les tissus.
  • Le besoin d'éliminer : nécessité pour chaque individu, d’éliminer les déchets qui résultent du fonctionnement de l’organisme.
  • Le besoin de se mouvoir et de maintenir une bonne position : nécessité pour chaque individu, d’entretenir l’intégrité et l’efficacité des systèmes biophysiologiques, de permettre la réalisation des activités sociales et de construire et maintenir l’équilibre mental.
  • Le besoin de dormir et de se reposer : nécessité pour chaque individu, de prévenir et réparer la fatigue, diminuer les tensions, conserver et promouvoir l’énergie.
  • Le besoin de se vêtir et de se dévêtir : nécessité pour chaque individu, de se protéger et d’exprimer son identité physique, mentale et sociale.
  • Le besoin de maintenir la température du corps dans les limites de la normal : nécessité pour chaque individu, d’assurer le rendement optimal des fonctions métaboliques, de maintenir les systèmes biophysiologiques et de maintenir une sensation de chaleur corporelle satisfaisante.
  • Le besoin d'être propre et de protéger ses téguments : nécessité pour chaque individu, de maintenir l’intégrité de la peau, des muqueuses et des phanères, d’éliminer les germes et les souillures, et d’avoir une sensation de propreté corporelle, élément de bien être.
  • Le besoin d'éviter les dangers : nécessité pour chaque individu, de se protéger contre toute agression externe, réelle ou imaginaire et de promouvoir l’intégrité physique, l’équilibre mental et l’identité sociale.
  • Le besoin de communiquer : nécessité pour chaque individu, de transmettre et de percevoir des messages cognitifs ou affectifs, conscients ou inconscients et d’établir des relations avec autrui par la transmission et la perception d’attitudes, de croyances et d’intentions.
  • Le besoin de pratiquer sa religion et d'agir selon ses croyances : nécessité pour chaque individu, d’être reconnu comme sujet humain, de faire des liens entre événements passés, présents, à venir et se réapproprier sa vie, de croire en la continuité de l’homme, de chercher un sens à sa vie et s’ouvrir à la transcendance.
  • Le besoin de s'occuper et de se réaliser : nécessité pour chaque individu, d’exercer ses rôles, d’assumer ses responsabilités, et de s’actualiser par le développement de son potentiel.
  • Le besoin de se récréer : nécessité pour chaque individu, de se détendre, de se divertir et de promouvoir l’animation du corps et de l’esprit.
  • Le besoin d'apprendre : nécessité pour chaque individu, d’évoluer, de s’adapter, d’interagir en vue de la restauration, du maintien et de la promotion de sa santé.

2- Pourquoi Virginia c'est important?

Cette bonne Virginia avec sa théorie a réussi à faire sortir les ides de la pensée médicale. En clair, nous ne devons pas penser en terme de "pathologie / traitement" comme les médecins mais en terme de "dépendance / aide globale" du patient ce qui n'a rien à voir.
Accessoirement cette pensée est tellement révolutionnaire qu'encore aujourd'hui 60% des ides ne l'ont pas comprise et se prennent pour des "petits médecins", sur-valorisant les soins techniques (avec des machines et des perfusions) et dévalorisant les soins de "nursing" (manger, boire, caca) qui sont pourtant le propre et l'essence de notre métier (mais c'est tellement moins chic de faire un lavement qu'une dyalise tu comprends honey?) (et vlan dans les dents) (y'en a une ou deux qui n'ont rien vu venir ;)) ).
Tellement révolutionnaire aussi qu'à ce jour aucun médecin (et aucun ministre de la santé d'ailleurs) ne l'a comprise...
(et re "vlan dans les dents" ;)) ).

Note : Pour la blague sachez que je suis allé il y a quelques mois à un débat sur la "5° branche sécu" (bon je vous en parlerai plus tard, patience). Le député (et ancien médecin) prend la parole et nous assenne, hyper fier de lui "il ne faut plus penser en pathologie mais en dépendance"... Et là (alléluia!!) une ancienne surveillante prend la parole (oui il y en des surveillantes bien, enfin j'en ai rencontrée une quoi...) et lui balance "super idée !! Mais nous les infirmiers ça fait 50 ans qu'on fonctionne comme ça...". vous auriez vu la tronche de député enfin bref...

Bref donc Virginia c'est important : un infirmier se doit d'appréhender son patient de façon globale et non simplement sous l'angle de la pathologie et du traitement et c'est là la force de son métier. Pour cela les 14 besoins sont une bonne liste de "check up" pour vérifier qu'on n'a rien oublié. Il est à la base d'ailleurs de la "démarche se soin infirmière" vaste usine à gaz dont aucune surveillante n'a bien compris à quoi ca sert alors que c'est simplement la façon infirmière d'aborder un patient. Vala.

En clair et grâce à Virginia, une infirmière en cardio, même si la fibrillation auriculaire va mieux, devrait toujours s'inquiéter de savoir ce qu'a mangé son patient et si il a chié. Elle ne devrait donc pas laisser sortir un patient avec un abdomen gonflé comme une baudruche même si elle ne voit plus rien à l'ecg (re re vlan dans les dents).  C'est donc juste essentiel comme mode de pensée.

3- Virginia pourquoi ça craint pourtant?

A l'usage ses 14 besoins auraient quand même largement besoin d'être revus...

1- D'abord ils se contredisent :
Par exemple "se mouvoir" est différent de "maintenir la t°" et de " s'habiller", comment je note alors que mon patient n'arrive pas à s'habiller parce qu'il a un bras dans le plâtre moi??  Je le mets dans quelle case????

Idem pour "se mouvoir" et "proteger ses téguments" : un mec en fauteuil ne peut pas faire sa toilette normalement, je le formule comment?  Dans "se mouvoir" ou dans "proteger ses téguments"... Etc...

Et puis il y a les besoins de fin qui ne servent à rien si ce n'est à se faire prendre le choux aux étudiants... Vas-y faire la différence entre "se recréer" "agir selon ses croyances et ses valeurs" "s'occuper" et "apprendre"... Le mec est en fauteuil et doit occuper ses journées quoi, voila pourquoi chipoter autant????

2- Il en manque un ENORME

Ben oui: le cul.
Je suis désolé mais Virginia a vécu dans les années 20 dans un milieu ultra catho et sa pensée en est le reflet. Sauf qu'aujourd'hui le besoin d'avoir des relations sexuelles et/ou de se reproduire est un vrai "besoin".

Et ne croyez pas que je suis un obsédé du cul... Dans les services de neuro quand des jeunes de 20 ans se découvrent paraplégiques et impuissants c'est un vrai problème et aucune infirmière digne de ce nom ne devrait pas passer à coté (hem... pour aborder le problème clairement et voir avec eux les solutions possibles, vous avez vraiment l'esprit mal tourné je trouve!! ;)) ). 
Idem dans les services de PMA (procréation médicalement assisté) le besoin de se reproduire et tout ce que cela engendre de fondamental chez la personne soignée (et son projet de vie) est essentiel.

Donc pour moi c'est le vrai 15° besoin, je ne comprends pas que "agir selon ses croyances" (en clair aller à la messe) y soit mais pas "se reproduire"... Même si en fait, si, je sais très bien pourquoi...

Note: J'ai evidemment soulevé ce problème pendant mes études avec mes encadrantes. La réponse est alors sortie, lapidaire : "ben si vous pouvez l'aborder dans le besoin "se récréer" ... " (pouic pouic pouic... Lire un livre et faire des gosses c'est au même plan donc...).

3- C'est daté et ça sent l'eau bénite

En clair cette pensée reste révolutionnaire et l'acte de naissance de la pensée infirmière mais il est plus que temps de refondre un peu ces besoins et d'en faire quelque chose de plus pratique,avec une vision plus moderne de la personne et de son projet de vie... Ou baiser est au moins aussi important que d'aller à la messe (j'dis ça, j'dis rien)... Plus que temps de prendre aussi des modèles moins marqués par notre passé de sœur de la perpétuelle indulgence du couvent des oiseaux, merci. C'est pas qu'on est déjà en 2011 mais ça y ressemble quand même... Peut être qu'une vision du patient des années 50 est un peu datée non? (mon dieu il a osé!!!!)

4- Que faire Hienrich?

Bon ben il faudrait peut-être alors que les têtes pensantes de notre profession (qui a dit oxymore? ;)) ) se réunissent et secouent les 14 besoins pour, tout en gardant l'esprit d'indépendance face à la pensée médicale, réactualiser ces besoins et nous en fasse un outil pratique et utile (sauf que là: "hiérarchie" + "pratique et utile" = ???)

5-Comment je fais moi?

Pour ma part personnelle à moi, de façon tout à fait personnelle, ma pratique de prise en charge de la personne dépendante s'axe en fait surtout autour des conséquence de "l'alitement"... (malade/ alitement ça me semble coller, je sais je suis un visionnaire...)

En effet alitement =

- Encombrement bronchique (surveiller +++)
- Risque d'altération cutanée (donc toilette, positionnement, retournement, change... Ceci en lien direct évident avec l'alimentation et l'hydratation, la première action contre les escarre est la compensation protéines!!!)
- Altération du transit (en lien avec hydratation et alimentation, 3 jours sans selle = alerte rouge et attention aux faux amis).
- Risque de phlébite

Donc en plus des soins propres à la pathologie vous gardez ces 4 items en tête, déjà vous serez un soignant à peu prés valable qui rendra au moins ses patients en état de marche ( j'dis ça j'dis rien...).

Il vous restera ensuite, une fois que les soins de la pathologie (rôle sur prescription) et les soins de dépendances (rôle propre)  seront faits, à lever le nez de votre patient et à commencer à vous demander d'où vient il? Puis où va-t-il? Et là vous devenez un bon soignant je pense... En tous cas vous serez largement dans la moyenne. ;))

Bon , je ne suis pas sur que les béotiens soient morts de rire et aient fini cette note, m'enfin voilà... Vous me l'avez demandée, vous l'avez eue... ;)))


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