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Lesson one : how to make something new out of something old

Publié le 25 janvier 2011 par Guy Deridet
L'ANGLAIS À LA MATERNELLE, À DISTANCE ET EN VOYAGE : THE CHATEL'S REVOLUTION Lesson one : how to make something new out of something old En voilà une bonne idée ! Et si on enseignait l'anglais à des élèves de maternelle ? C'est le ministre de l'Education nationale, Luc Chatel, qui a eu cette idée lumineuse dimanche au micro d'Europe 1. Le ministre veut "réinventer l'apprentissage des langues" avec quelques mesures fortes : par exemple, l'anglais dès 3 ans avec la prise en compte des nouvelles technologies dans cet apprentissage (à quand l'anglais pour femmes enceintes et foetus bilingues !?) Autre piste : le jumelage des établissements scolaires avec des établissements à l'étranger pour que chaque élève ait fait au moins un séjour à l'étranger avant 18 ans.

Objectif affiché : améliorer l'apprentissage des langues. Génial, non ? Sauf que le jumelage existe depuis bien longtemps et l'extension de l'apprentissage de l'anglais à la maternelle est un beau fumigène destiné à masquer un enseignement déjà sinistré dans le primaire.

En langue vivante, la France n'est pas très bien classée par rapport à ses voisins. "Fin 2008, les 20 000 étudiants français qui avaient passé le Toeffl — Test d'anglais comme langue étrangère — ont obtenu un score moyen de 88 sur 120. Un score qui nous place au même rang que la Bulgarie, la Biélorussie ou la Lettonie" explique Lemonde.fr quand "les Allemands et les Néerlandais arrivent, eux à un score moyen de 108". Pas de quoi pavoiser donc. Alors comment améliorer l'apprentissage des langues étrangères ? Luc Chatel a la solution !

Des nouvelles technologies, des cours en maternelles et des voyages

Parmi les mesures avancées par le ministre, c'est bien évidemment l'apprentissage de l'anglais dès la maternelle qui a fait son petit effet : du Parisien à RTL en passant par TF1, il était difficile d'échapper à cette annonce. Et on peut les comprendre car figurez-vous que l'anglais à la maternelle, ça marche ! C'est ce qu'explique par exemple Jean-Pierre Pernaut dans le JT de 13 heures dès le lendemain de l'annonce de Chatel.

How cute !
Les images sont belles mais trompeuses car Pernaut a mal compris le ministre. Il ne s'agit pas d'embaucher des intervenants mais de faire cours avec des locuteurs natifs grâce aux nouvelles technologies. Traduction : "des cours à distance" donc. Chatel a au moins le mérite de la constance : pour pallier la fin des IUFM et de l'année de stage, le ministère avait eu la bonne idée d'éditer des DVD à destination des enseignants débutants. La distance, il n'y a que ça de vrai ! Alors pourquoi pas tenter l'expérience avec des maternelles ? Reste à régler quelques détails : ou trouvera-t-on ces natifs ? Seront-ils rémunérés ? Mystère...

En attendant, cette mesure a le mérite d'occuper le terrain médiatique, et c’est son but. Car pendant que les caméras de TF1 sont braquées sur les classes de maternelles, elles ne le sont pas sur le primaire. Et cela tombe plutôt bien car le ministère aurait plutôt tendance à faire des économies de ce côté-là.

En primaire, l’anglais est obligatoire dès la classe de CE1. Mais les recteurs, ceux qui gagnent plus quand ils suppriment plus (de postes), ont tendance à chercher à faire des économies dans l'enseignement des langues. La veille de l'intervention du ministre, Le Monde expliquait par exemple que dans l'académie de Créteil, "en primaire, sur 120 suppressions, 103 concernent des intervenants en langue". Et ce n'est pas un cas isolé : à Versailles, "le recteur a annoncé mi janvier que sur les 120 postes qu'il devait supprimer dans le premier degré, 75 concerneraient ces intervenants en langues vivantes".

D'après Lemonde.fr, au total, "à la prochaine rentrée, les 1000 intervenants en langues disparaissent du budget de l'éducation", c'est-à-dire la quasi-totalité de ces personnels spécialisés.

Et le ministère aurait tort de se priver puisqu'il a trouvé une solution moins coûteuse pour éviter d'avoir recours à des intervenants extérieurs : laisser l'enseignement de l'anglais aux professeurs des écoles... malgré leur manque de formation comme l'avait constaté Capital.

En même temps, tout se tient : avec l'enseignement des langues dès 3 ans, Chatel a peut-être réglé le problème. Si les petits deviennent bilingues dès la maternelle, ils n'auront plus besoin de cours en primaire, non ?

L'autre mesure phare du plan Chatel, ce serait "tout ce qui concerne la mobilité" c'est-à-dire faire en sorte "que dans chaque lycée, chaque collège, il y ait un autre lycée partenaire en Angleterre, en Allemagne, aux Etats-Unis. Et ce, pour qu'à 18 ans, tout enfant ait fait, au moins une fois dans sa vie, un séjour à l'étranger". Quelle idée lumineuse ! Il n'y a rien de tel pour s'améliorer en langues ! On se demande vraiment pourquoi les profs n'ont pas pensé plus tôt à organiser des séjours à l'étranger...

Alors aidons Luc Chatel dans sa réflexion...

-Il faudrait faire en priorité des partenariats avec nos partenaires européens. Il suffirait de faire une proposition de loi demandant à ce que "chaque école française [soit] jumelée avec au moins une école d'un pays de l'Union européenne" (proposition de loi déposée par Jean-Marc Ayrault en avril 2003).

- Il faudrait également que l'Union Européenne s'en mêle en proposant des programmes identiques à celui d'Erasmus pour les étudiants. On pourrait les appeler par exemple : programme Voltaire (programme franco-allemand qui finance le séjour d'études pour six mois d'élèves de seconde en Allemagne) ou programme Brigitte Sauzay (qui existe depuis 1989 et concerne les élèves de la classe de quatrième à la classe de première).

- Pour les autres pays européens, il y aurait le programme Comenius par exemple (lancé en 1995 pour rapprocher les établissements européens, ce programme expérimente depuis septembre dernier la scolarisation à l'étranger de collégiens et lycéens pour une durée de 3 à 10 mois).

UNE PROPOSITION QUI SENT LE RÉCHAUFFÉ


De toute évidence, la proposition de Luc Chatel sent donc le réchauffé car parallèlement à ces programmes de mobilités individuelles, la généralisation des jumelages est en cours. Depuis de nombreuses années, chaque académie multiplie des partenariats plus ou moins poussés avec des pays étrangers. Par exemple, l'académie de Besançon affiche en 2003 plus de 230 jumelages d'établissements scolaires avec principalement l'Allemagne, le Royaume-Uni, l'Italie et les Etats-Unis, ces partenariats ayant permis à 3 191 élèves de partir à l'étranger cette année-là.

On appelle ce type de coopération un "appariement", c'est-à-dire une forme de jumelage entre une école et un établissement partenaire étranger pouvant donner lieu à un voyage scolaire. Ces coopérations, qui se font dans la durée, se multiplient. Selon l'ambassade de France en Italie par exemple, "environ 700 appariements sont en cours entre écoles françaises et italiennes. La progression du nombre des appariements est de l’ordre de 80 à 100 nouvelles homologations chaque année". Après avoir élaboré un projet commun (qui touche au patrimoine ou à l'Europe), place au "voyage et à l’échange proprement dit, avec hospitalité en famille, permettant alors une connaissance réciproque réelle par la pratique de la langue et l’expérience de la vie quotidienne dans le pays d’accueil". Ça ne ressemblerait pas à ce que veut faire Luc Chatel ?

D'ailleurs, les enseignants en langues n'ont pas attendu la signature de ce type de partenariats pour entraîner leurs élèves dans des pays étrangers. Le voyage en Angleterre ou en Allemagne est un classique du genre : les organismes (comme Vefe, Silc et autres) proposent aux enseignants des voyages clés en main… depuis plus de 20 ans !

Repeat after me : "how to make something new out of something old" (traduction pour ceux qui n'écoutaient pas en cours : "comment faire du neuf avec du vieux").

Par Sébastien Rochat le 24/01/2011

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