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Le feu de l’exclusion

Publié le 22 janvier 2008 par Alain Hubler

Il y a un mois, un SDF, un sans domicile fixe, un clochard quoi – c’est terrible ce que les acronymes peuvent cacher, désincarner, aplanir, nettoyer la réalité – a été immolé.

Oui, immolé. Pas brûlé ou incendié, mais bel et bien immolé. C’est-à-dire sacrifié. Sacrifié sur l’autel de l’indifférence, sacrifié sur l’autel de l’exclusion, sacrifié pour cause d’anormalité.

Selon la version de deux adolescents, rapportée par Le Matin, ce serait un jeune de 18 ans qui aurait fait le coup, selon eux «Il aurait commis cet acte pour amuser ses copains. Il aime bien faire le malin».

Amuser les copains, faire le malin ? Tout cela ne tient pas. On ne met pas le feu à un être humain pour «amuser les copains» ou «faire le malin». Du moins pas si l’on vit dans une société qui respecte les individus qui la composent.

Et c’est bien là que se situe le problème.

Si ce jeune a mis le feu à ce clochard, c’est parce que les temps sont propices à cela. C’est parce que ce jeune, si c’est bien lui, à des exemples, des mentors en la matière. C’est parce que, indubitablement, les temps sont à l’exclusion, à l’éradication de tout ce qui n’est pas comme il faut, de tout ce qui n’est pas propre en ordre, de tout ce qui différent, de tout ce qui est faible. Faible surtout.

Les exemples sont nombreux.

Il y a trois graffitis à l’école de Lutry ? La municipalité installe des caméras de vidéosurveillance et l’on surveille les gamins comme des souris de laboratoire. On les contrôle.

Des Rroms viennent mendier dans la Genève internationale ? On les évacue, on les héberge un minimum de temps, on leur paye le voyage de retour et on n’en parle plus. On les efface.

Des réunions de jeunes font un peu de bruit ? La mairie de Genève essaye le Mosquito, un appareil à ultrason qui fait fuir les jeunes qui sont les seuls à les entendre. On les cache.

Les clochards «font tache» au centre-ville ? La mairie d’Argenteuil décide alors de pulvériser un produit répulsif, appelé le Malodore. Par bonheur les employés de la ville refusent de le faire. On les chasse.

Ces quelques exemples montrent que les autorités ont choisi de régler les problèmes de société par le nettoyage. Le nettoyage social. Si quelqu’un ou quelque chose détonne, dépareille, fait tache par rapport à la norme – définie par qui, au fait ? – on le contrôle, on le nettoie, on l’efface, on le cache, on le chasse. C’est la version moderne des chasse-gueux du XVIIe.

Et qu’est-ce qui nettoie, efface, cache, chasse mieux que le feu ?

Loin de moi l’idée de considérer l’auteur comme une pauvre victime de la société. Si un jeune a bel et bien mis le feu à ce clochard, c’est bien évidemment sa faute, sa responsabilité. Mais derrière ce «jeu», il y a forcément une source d’inspiration.

Et cette inspiration, il a, hélas, pu la puiser dans le comportement de certaines autorités.

  • Crédit photographique : Intérêt-général.info

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