L'ivresse des sondages

Une Nouvelle Tribune de Jérôme Lurie, qui est décidément très inspiré en ce début d'année. Il devient presque le locataire permanent de la page du samedi. J'espère que vous lisez les billets de Jérôme avec autant de plaisir que j'ai à les découvrir dans ma boite mail. Merci Jérôme pour ta nouvelle contribution.

2011 Année préélectorale, ça y est, je vais enfin pouvoir me faire sonder jusqu'à l'os du matin au soir, sept jour sur sept jusqu'à l'hallali, Ah, là là !!!

Mais au fait... je n'ai jamais été sondé de toute ma vie ? Pourquoi pas, moi ? Qu'est-ce que j'ai fait pour ne pas y avoir droit ? Je la veux moi aussi la grosse sonde de IFOP, TNS SOFRES, BVA, CSA ! Moi aussi je la veux ma correction des données brutes ! Et l'analyse en profondeur de mon échantillon ?

Les sondages font partie de notre vie, de notre quotidien. Tous les journaux qu'ils soient papiers, numériques ou télévisés donnent des résultats de sondages sans que la validité scientifique et la portée réelle de ces données ne soient pesées. Et pourtant, cet outil est devenu le sémaphore de notre société, il est un thermomètre qui peut faire changer la température du malade. Je m'en inquiète...

Qui sont les victimes de l'auscultation média-métrique que l'on appelle échantillon représentatif de la population ?

Tel l'ivrogne qui cherchant ses clefs à la lueur d'un réverbère non point parce qu'elles sont là mais uniquement parce qu'il y a de la lumière, les instituts de sondages veulent des chiffres et qu'importe l'exactitude...

Malheureusement pour eux, une certaine forme de défiance s'est installée dans la population, et il leur faut environ 10 appels téléphoniques pour réaliser un questionnaire complet. Dans ces conditions, tout est fait pour que les sondés répondent car les enquêtes sont payées à la pièce. Et tant pis si les sondés répondent n'importe quoi ou un peu au hasard. Les gens répondent souvent par compassion pour les enquêteurs qui doivent bien vivre. Et le travail d'enquêteur est très dur, sans parler des méthodes de management...

Rien d'étonnant que l'on retrouve proche du pouvoir les grands patrons de cette industrie. Ce qui me fait le plus mal, c'est qu'ils se donnent un vernis scientifique. Mais incontestablement, l'image publique de la science est atteinte par cette parodie létale pour le sens critique, et participe ainsi de la confiscation de la démocratie.

J. LURIE