Oiseau de nuit
quand la bougie crache son encre
quand la plume crache sa cendre
sur la très fine feuille d'un carnet
quand le spectacle commence
quand des yeux d'ombre observent
à travers des paupières closes
un lendemain silencieux qui n'est encore
que le royaume de l'effraie celui des morts aussi
quand je me retrouve en intimité partielle
avec de vieux doux morts installés en connivence
quand mon corps mes mains ne font plus qu'un
avec des paquets de ressacs de mémoire poisse
quand ma respiration jouxte la paix des murs
de ma chambre en tapisse les murs, ô, ce silence
quand ma vie est toute entière sustentée
par d'infimes invisibles vitales nourritures nocturnes
quand il n'y a plus rien accroché à ces heures que j'aime
ces heures de lointain silence ces heures où palpite
réellement un coeur qui ne s'appartient plus
quand tout est vide de présence d'absencequand tout se mêle en pâte confuse et dense
quand tout est beau soudain quand des pas dans la maison
de pauvres pas modestes et doux ne portent plus le poids d'un corps
d'une vie soudain arrêtée en attente quand tout est nuit
victoire sur le temps pour un temps pour un peu
quand vient ce temps d'une heure très précise inscrite dans la nuit
quand il n'y a plus d'ennui de morne de blême de transis
d'imparfait d'incomplet de choses à finir vides à combler
quand la nuit creuse de sa dent la fosse commune
où reposeront les mille et une fossettes de ce visage
que je ne reconnais plus pour avoir trop été
quand enfin vient en moi celui que j'attends
ce visiteur poli et digne ce voyageur à l'habit ravagé
par les heures les plus accérées de la nuit
quand je passe en une une seule nuit blanche
c'est à dire lumineusement éclairée
les plus beaux jours de ma vie