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Méthodologie : approche territoriale durable des transports

Publié le 02 février 2011 par Dedu

DeDu005.jpgLors de l'élaboration d'un Agenda 21 local, un diagnostic territorial doit analyser l'ensemble des composantes de la société, afin de préparer un plan d'action adapté aux enjeux du territoire. Ce diagnostic devant être transversal, il doit notamment intégrer un volet lié aux transports (de biens et de personnes), que ce soit au titre de la lutte contre le changement climatique, de la production selon des modes responsables ou de la solidarité entre les territoires.
Pour les collectivités de plus de 50 000 habitants, c'est presque une obligation puisque la loi « Grenelle 2 » les obligent à réaliser un Plan climat énergie territorial, et que les transports représentent près de 30% des émissions de CO2 en France.

Eléments de diagnostic

Dans un cas comme dans l'autre, la collectivité locale porteuse de la démarche doit donc analyser les conditions de déplacements de sa population (résidente ou en « villégiature ») et des acteurs économiques. Cette analyse prendra en compte l'ensemble des acteurs qui participent à la politique de transport (interne et externe) sur son territoire : l'Etat, le Conseil régional, le Conseil général, parfois l'intercommunalité (pour les plus importantes) et plus rarement la commune. A ces acteurs habituels de l'offre publique de transport il faudra aussi ajouter les grands acteurs économiques privés qui sont source de déplacement et qui peuvent proposer leurs propres solutions à leurs employés. Ne pas considérer l'apport de l'un ou l'autre de ces acteurs, c'est faire l'impasse sur des besoins, des solutions et des pistes de mise en perspective pour le développement du territoire.
En application des règles méthodologiques générales, le travail préparatoire au diagnostic devra évidemment être fait de manière collaborative en associant l'ensemble des partenaires ci-dessus identifiés. L'objectif n'est pas seulement de faciliter le recueil d'informations, mais aussi de partager le diagnostic et ainsi ouvrir la porte à un dialogue constructif pour la suite.

Pistes de solutions en réseau

Le diagnostic étant posé et partagé, la collectivité pourra élaborer une stratégie adéquate répondant aux enjeux et aux besoins qu'elle a identifié. Si elle est (relativement) maître de ses interventions directes (régie, commande publique, concession ...), elle a aussi un certain poids dans le pilotage des politiques publiques des autres collectivités sur son territoire, notamment à travers le cofinancement.
C'est ce qui justifie le diagnostic partagé. En effet, en s'appuyant sur ce travail, la collectivité pilote peut justifier sa position dans la négociation avec les autres acteurs du transport, et dans une certaine mesure faire évoluer les autres offres pour mieux les articuler avec les siennes. Car dans le cas des offres de transport en commun, la plus value dépend très fortement de la connectivité avec les autres réseaux (supra ou infra).

Exemple : réseaux trains, TER, car, bus
Le maillage du territoire par les infrastructures lourdes comme les voies ferrées peut permettre de déployer une offre de service structurant le territoire à travers une connectivité des grands pôles urbains ; ce service relèverait de la région. La desserte, depuis ces centres urbains, et à partir des gares, du reste du territoire en visera en premier lieu les pôles secondaires ; ce service relèverait du conseil général. La desserte interne des pôles urbains constitués relève quant à elle de l'intercommunalité.

Partant donc de ce diagnostic, la collectivité pilote devra identifier à la fois les actions qu'elle peut porter pour ajuster son offre aux besoins existants et émergents (toujours mal évalués) et l'interconnexion avec les autres réseaux. La mise en évidence des autres acteurs qui est alors réalisée, ne dévalorise pas, au contraire, l'action de la collectivité. En effet, cela peut permettre de justifier des choix de structuration du réseau propre (choix des nœuds d'échange, des principaux axes soutenus, des reports de trafic ...).
Mais il faut accepter de communiquer sur les modalités d'intervention des autres acteurs, notamment dans le domaine de l'organisation spatiale des transports. Cela ne peut parfaitement réussir que si la réciproque est vraie, ce qui montre selon certains la difficulté de la mise en œuvre de ce principe : chacun attend l'autre et ne veut pas s'engager à l'aveugle. Pourtant, les démarches similaires engagées dans divers domaines, y compris dans le privé, montrent que le premier à parler est rarement perdant dans le contexte actuel : la population lui sait gré de transparence.

Eléments d'approche sociale

Dans une approche aussi transversale que possible du transport, le volet social ne peut être écarté. Plusieurs sujets méritent d'être analysés, mis en perspective et traités :

  • L'accès physique au service.
    L'analyse de l'offre de transport et de son évolution doit évidemment prendre en considération le niveau d'usage des offres existantes et de leur adaptation à l'évolution de l'urbanisation du territoire. Mais les méthodes standard d'analyse se révèlent cependant déficientes pour les quartiers sociaux. En effet, les déplacements générés par les trajets domicile-travail ne sont pas en rapport avec les besoins dans une perspective d'accès à l'emploi de ces populations.

Exemple : Le plateau de Clichy-Montfermeil.
Son défaut de service adapté aux besoins de la population (temps de transport très élevés, pas de service pour les travailleurs en horaire décalés ...) a induit un défaut d'usage des rares solutions de transport disponibles sur le site. Dans diverses analyses standards, la RATP ou d'autres bureaux d'étude n'ont pas identifié de besoin de transport en commun supplémentaire. Or c'est justement ce défaut d'offre qui réduit la capacité d'accès à l'emploi pour les populations concernées.

  • L'accès financier au service.
    Premier point, l'enjeu de la bonne valorisation de la forte connectivité des services de transport sur un territoire donné passe par les modalités pratiques de paiement. Des titres de transport uniques, en particulier pour les abonnements, sont une solution déjà mise en place dans de nombreux territoires.
    Par ailleurs, si le concédant d'un service est le principal décideur concernant la fixation du prix d'usage des transports, les autres collectivités peuvent avoir une action partenariale ou complémentaire. Ainsi un conseil général peut, via une subvention, apporter une aide supplémentaire réduisant le coût de l'abonnement à diverses catégories d'usagers. Cet outil est cependant à manier avec prudence car il peut avoir des effets indirects, comme le report de ces population sur des territoires plus éloignés.
    Pour aller plus loin, certaines collectivités envisagent un coût nul (ou presque) des abonnements de transport. Cette piste, qui présente des intérêts sur le plan social, présente aussi des risques dans notre société moderne. En effet, en l'absence de coût pour l'usager, ce dernier peut être amener à déconsidérer le service ainsi offert, ce qui peut aboutir par exemple à des dégradations plus importantes du matériel.
  • L'accès à l'emploi, via le service.
    Comme toute activité économique, le service de transport génère de l'emploi. L'ouverture de ces emplois à des populations subissant un fort taux de chômage peut être pris en considération dans une approche territoriale de l'accès à l'emploi. Cela peut être fait sous diverses formes, notamment à travers des critères d'analyse de la mise en concession.

Eléments de prospective énergétique

L'offre de service de transport en commun concerne évidemment les systèmes lourds (TER, Tram ...), les systèmes plus "légers" (car, bus ...) mais aussi de nombreuses autres forme de transport organisées par la collectivité (transport à la demande, plateforme de covoiturage ...). Pour un certain nombre d'acteurs, notamment la population, la représentation collective se concentre sur l'offre lourde ou structurée. Or toutes les offres de transport ne présentent pas les même caractéristiques et ont des impacts énergétiques, financiers et émissifs fortement dépendant de leur fréquence d'usage.
Afin de comprendre les enjeux voici quelques éléments d'analyse :

  • Performance des systèmes lourds :
    Les systèmes lourds de transport en commun ont plusieurs mérites : ils permettent de transporter un grand nombre de voyageurs, et sous réserve d'avoir une source d'énergie électrique faiblement émissive en CO2, ils sont faiblement émissifs dans leur phase d'exploitation.
    En effet, dans le cas où l'énergie de propulsion est électrique, les émissions de CO2 sont reportées au niveau des centrales de production d'énergie. Si elles sont de type "thermique classique", cela ne représente pas un grand intérêt. Cependant en France, la majorité de l'énergie provenant de centrales nucléaires, les émissions de CO2 induites par ces modes de transport sont faible.
    Mais la mise en œuvre de telles solutions nécessite la réalisation d'infrastructures (les lignes) : la phase d'investissement. Cette phase représente un coût important pour la collectivité, mais elle est aussi fortement émissive, notamment du fait du "contenu carbone" du matériel (voies en acier, matériel roulant ...). Dans le calcul global de la performance de ce système, ces émissions initiales sont réparties au prorata du flux d'usagers transportés.
    C'est alors que l'opération présente un intérêt.
  • Avantages des réseaux de transport en commun structurés (car, bus ...) :
    Ces modes de transport ne nécessitent pas d'investissement initial spécifique, puisqu'ils empruntent la voirie déjà mise en place. Ils ont évidemment un impact sur l'usure de ces infrastructure, mais cela peut rester marginal. Leur mode de propulsion étant généralement encore standard (thermique), ils sont émetteur de CO2, proportionnellement à leur masse. Avec des moteurs performants, ces émissions peuvent être réduites. Mais leur impact, dans le cadre d'une analyse comparative avec les autres modes de transport, est fortement dépendant, ici encore, du taux de remplissage.
    Leur autre avantage, par rapport aux modes lourds, est leur adaptabilité aux évolutions du territoire desservi. Le choix d'un itinéraire n'est pas d'une souplesse totale, car il faut considérer la performance de la ligne (temps de parcourt entre les points attracteurs), mais le changement ne nécessite que peu d'investissement.
  • Solutions de transport alternatives :
    Pour certains territoires, notamment les espaces ruraux, le taux de remplissage et les besoins très aléatoires de transport des usagers potentiels rendent les modes structurés peu performants, tant sur le plan des émissions de CO2 que sur le plan économiques. D'autres solutions sont alors à chercher, comme le transport à la demande (itinéraire et horaires de bus variables en fonction des besoins exprimés), le covoiturage organisé (plateforme téléphonique de centralisation des offres et demandes) voire le taxi.
    Cette dernière solution peut présenter des avantages, notamment si le véhicule est faiblement émissif, car il réduit la flotte du territoire et peut faciliter l'auto-partage.

Transport de marchandise

L'ensemble des approches précédentes se sont concentrées sur le transport de voyageurs, or cela ne représente qu'une part des échanges. Le transport de marchandise est l'une des composantes qui sous-tend la vie économique du territoire.
Dans ce domaine, diverses analyses montrent la faible capacité, selon les solutions techniques actuellement disponibles, à faire du transfert modal. La principale raison vient d'une des caractéristiques principales du fret : la distance moyenne est inférieure à 50km. Tout système, pour être attractif, doit être efficient et donc limiter les transferts de charge.
L'action des collectivités, si elles veulent favoriser les modes "propres" (mode ferré et fluvial), doit viser au rapprochement des usagers (industriels, logisticiens) des points d'accès à ces modes de transport. Il s'agira donc principalement d'orientations en matière de planification territoriale.


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