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Identité nationale

Publié le 03 février 2011 par Ansolo

Le rugby Français a-t-il une identité propre ?

Et si oui, quelle est-elle ?

Ces deux questions, le rédacteur en chef de Midi Olympique se les posent, nous les pose dans son dernier éditorial. Le journaliste réagissait aux propos de Vincent Moscato qui prononça, dans son émission radiophonique, une remise en cause en règle de l'image d'Epinal d'un rugby Français qui serait celui du French flair, des attaques aux larges, de la balle à l'aile (où, c'est bien connu, la vie est belle).

Pour l'ex-talonneur de Bègles et du Stade Français, la véritable identité du jeu hexagonal est celle de la rudesse, du combat d'avant et de l'affrontement. Foin de French flair, donc.

Ce débat est loin d'être inintéressant. Répondre à ces questions pourrait contribuer à la réussite du projet de jeu d'une sélection qui passe son temps à se chercher une cohérence. Cohérence interne au groupe qui compose le XV de France, cohérence externe avec le système ovale hexagonal, sa culture, ses points forts et ses zones de faiblesse.

On pourrait trouver au point de vue de Vincent Moscato un côté réducteur, et estimer son opinion quelque peu déformée par sa sa propre expérience. On ne ressort pas nécessairement d'un bail prolongé aux fauteuils d'orchestre du CA Béglais avec une passion pour les entrechats de trois-quarts...

Néanmoins, on trouvera quelques exemples assez illustres à l'appui des propos de l'animateur radio. Ainsi, le grand combat du XV de France, en 1958, et la victoire historique dans une série de tests en Afrique du Sud. La relecture des pages de l'ouvrage de Denis Lalanne nous conduit à constater que ce qui mit à la raison la furie Springbok fut moins les envolées de nos trois-quarts que la solidité du pack conduit par l'extraordinaire Docteur Mias.

Dans un autre ordre d'idée, le mythique "Grand Chelem à XV" qui vit l'équipe de France de Jacques Fouroux remporter les quatre matchs du Tournoi 1977 avec les même joueurs (sans remplacement), fut essentiellement une affaire de gros, avec un "demi de fermeture" en la personne de Jean-Pierre Romeu et quelques miettes seulement laissées aux lignes arrières.

Plus récemment, les victoires en Coupe du monde face aux All Blacks doivent sans doute davantage à l'intensité physique mise par les Bleus dans leur impacts défensifs qu'au génie offensif de quelques gazelles inspirées.

Pour autant, la mémoire collective de l'ovalie tricolore retient d'abord les artistes qui jouèrent avec talent du piano au détriment de ceux qui le déménagèrent. Serge Blanco, Philippe Sella, Jo Maso ou André Boniface brillent de mille feux au firmament de notre rugby, quand les "gros" bénéficient d'un capital sympathie énorme mais ne peuvent pas rivaliser sur le plan de la notoriété (ne parlons pas de Sébastien Chabal, icone médiatico-publicitaire).

Même si ce qui précède manque sans doute de nuance, comment oublier l'essai du bout du monde, splendeur collective qui vit les avants jouer comme des trois-quarts, où l'exploit de 1987 face aux Australiens, quand après un énième "temps de jeu", Laurent Rodriguez assure d'une passe la continuité du jeu jusqu'à l'essai de Serge Blanco ?

Ainsi, osons l'écrire, pour le vulgum pecus rugbyphile, la France c'est avant tout le French flair. Idée reçue car inventée (le French flair est une trouvaille de journaliste Britannique, c'est dire s'il faut s'en méfier...) et ne reposant que sur l'écume de ce qui fait le rugby de France. Mais à l'opposé (pour ne pas dire aux antipodes), il est des spécialistes de la chose ovale pour affirmer que le coeur du rugby de France bat essentiellement dans la mêlée sous ses deux formes (spontanée et ordonnée) et que le reste n'est que littérature.

En tout état de cause, définir une "identité nationale rugbystique" si tant est qu'on puisse y parvenir, apparaît un peu vain, pour les motifs exposés ci-dessus. Et dangereux.

Dangereux car de nature à enfermer la réflexion dans les stéréotypes et refuser la richesse d'une manière de jouer (et de vivre) le rugby aussi variée que le sont les régions comme les hommes et femmes qui le pratiquent.

Le jeu rude, voire dur, a toujours caractérisé le rugby de France. Associé à un irrespect de l'arbitrage et un certain romantisme fleurant la cape et l'épée (du Grand Ferré au gay Cavalier...), il se plaît dans le combat comme dans la poésie d'une passe croisée petit côté.

C'est finalement son incapacité à se choisir un style qui modèle le rugby hexagonal. A l'image de son emblème, en quelque sorte, qui se complaît dans la gadoue et chante à tue-tête vers les étoiles.


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