Romainville, le 1er février 2011
Atelier d’écriture
À l’attention de Guillermo Pisani
Imaginez,
Vous venez vous installer à Romainville, à moins de 2 km de paris d’où vous arrivez.
Vous découvrez une petite ville modeste, presque un village, avec des côtés pittoresques, d'autres, plutôt misérables.
En tout cas, c’est une ville, ce n’est pas la campagne ; on ne se sent réellement ni dans l’une, ni dans l’autre.
Des avions passent, nombreux, dans le ciel, le grondement des voitures est omniprésent, les grandes cités HLM ne sont jamais loin.
Malgré cela, un certain charme demeure, mais vous êtes quand même un peu perdu, un peu désorienté
Et puis vous retrouvez un copain de toujours, un drôle de type qui mène une vie hors du temps (pas de frigo, pas de télé), complètement décalée.
Particularité : il exploite, à côté du « château » de Romainville, un territoire de plus de 2 hectares, borné par d'anciennes carrières de gypse et des arbres ébouriffés, notamment un splendide figuier et de multiples lilas qui embaument au printemps. 1)
Il y fauche l’herbe pour ses quarante lapins, y a planté une vigne 2) (son vin est une affreuse piquette), et y cultive pommes de terre, betteraves fourragères (toujours pour les lapins), topinambours et même du blé ;
II y abat et débite des arbres.
Son gros motoculteur Staub trouble le calme des lieux qui n’est que plus profond quand l’engin s’arrête.
Raymond a seul la clé qui permet de pénétrer dans ce paradis perdu par un gros portail situé à côté de la mairie.
Vous êtes en retraite, vous êtes « désoccupé » et vous venez régulièrement lui donner un coup de main, travail inattendu et bienvenu pour vaincre le spleen consécutif à l’inaction qui a succédé à une vie professionnelle surmenée.
Vous avez l’impression d’avoir trouvé l’éden et de vivre une vie vraiment privilégiée et préservée.
Hélas, du bas pays, des intrus viennent régulièrement visiter les lieux ; 3)
Ils volent les légumes, et pire, ils vandalisent en les arrachant et en les laissant pourrir sur place.
Ça ne fait rien ; cent fois sur le métier nous remettons notre ouvrage ; nous vivons de belles heures, complètement coupés du monde et revenus à la vie « naturelle ».
Hélas, comme le « petit jardin » de la chanson de Dutronc, le « grand jardin » de Raymond sera exproprié.
Il sera « normalisé », « discipliné », comme les jardins ouvriers 4) qu’a si bien évoqués Simone, et deviendra une « base de loisirs » bien peignée et impersonnelle.
Pourquoi protester ? On n’arrête pas le progrès, et, comme dit l’autre, « la critique est aisée »
Est puis, nous ne pouvions pas continuer à jouir en égoïstes de ce splendide parc naturel préservé
Il n’empêche ; je crains le pire, et que ne disparaisse un nouveau pan du vieux et beau village où j’étais venu vivre il y a 20 ans, et qui devient de plus en plus, une cité-dortoir bien propre et sans grand charme. 5)
François Le Cornec
Commentaires de Maurice
1) Souvenons-nous de la ferme de TF1, c'était là.
2) Un élu parle depuis plusieurs années d'en replanter, comme si actuellement il n'y avait pas mieux a faire avec les finances de la municipalité. Mais que ne ferait-on pas pour faire parler de soit ?!
3) Et à ma connaissance, rienn'a été fait pour l'empêcher !
4) Ah les jardins ouvriers déplacés au milieu de la base de loisirs, quelle abération de faire des jardins à flan de coline.
5) C'est fait ! Le centre de Romainville est réhabilité MAIS comme le veut la municipalité il n'est pas tenu compte des avis des habitants, ou si peu...