MRIE : Édito
La volonté de rationaliser la question de la misère peut conduire à la destruction de l’autre. En effet, quand notre société voit les plus pauvres comme des problèmes à régler, niant la complexité de leur être et de leurs relations avec nous, elle nie leur humanité même et les fait taire. Paradoxalement la recherche d’efficacité contre la misère peut ainsi contribuer à la renforcer. Cependant ces paradoxes vécus subjectivement par les chercheurs et praticiens, sortent de l’impasse quand ils se joignent aux paradoxes vécus par les « premiers intéressés ».
Joseph Wresinski déclarait devant le comité pauvreté du congrès mondial de sociologie :
« la connaissance universitaire de la pauvreté et de l'exclusion (…) ne peut être qu'une connaissance indirecte et informative, (…) il lui manque la prise sur le réel et par là (…) ce qui rend la connaissance mobilisatrice et provocatrice d'action : la connaissance que possèdent les pauvres, les exclus qui vivent de l'intérieur à la fois la réalité de leur condition et la réalité du monde qui la leur impose ; et la connaissance de ceux qui agissent parmi et avec les victimes dans les zones de grande pauvreté et d'exclusion.
Leur savoir et leur réflexion ne portent pas seulement sur leur situation vécue mais aussi sur le monde environnant qui la leur fait vivre, sur ce qu'est ce monde-là et sur ce qu'il devrait être pour ne plus exclure les plus faibles. (…) Mais déranger les plus pauvres dans leur pensée, en les utilisant comme informateurs, au lieu de les encourager à développer leur réflexion propre en acte réellement autonome, c'est les asservir. Ce sont les familles les plus pauvres elles-mêmes qui nous ont appris que ne leur parler que de leurs besoins, les réduire en quelque sorte aux “indicateurs sociaux” qui les caractérisent au regard de la recherche scientifique sans les aider à comprendre leur histoire ni leur personnalité commune, c'est encore une manière de les enfermer. »
Or il apparaît à l’expérience que le processus de rencontre des savoirs dans ces systèmes asymétriques se crée moins dans un choc des savoirs que dans une rencontre des questions et paradoxes existentiels, plus dans un croisement des « vouloir comprendre » que des compréhensions. Mais nous tuons ces questions si nous n’acceptons pas de reconnaître : « Nous non plus, nous ne comprenons pas : cherchons ensemble ! ».
Que les responsables politiques et institutionnels consentent à sortir de la croyance qu'ils doivent apporter une réponse au problème posé par les pauvres pour entrer dans une recherche commune de solutions au problème qu'est la pauvreté, c'est un voeu que nous formulons pour cette année 2011 !
Bruno LACHNITT, Directeur de la MRIE
Bruno TARDIEU, Délégué national d’ATD Quart-Monde
A la une !
Bonne et heureuse année 2011
Même si beaucoup d'indicateurs nourrissent notre inquiétude, avec celles et ceux qui vivent la pauvreté et l'exclusion nous ne pouvons nous résigner à une lucidité défaitiste.
Que 2011 nous trouve ensemble du côté de l'invention de solutions pour un avenir qui n'est pas écrit d'avance.
Nous vous souhaitons donc d'engager l'année sous le signe d'un optimiste résolu.
Lettre de la MRIE n°29 :
http://www.mrie.org/mission-regionale-information-exclusion/docs/Lettre%20n°29.pdf
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