Au sud-Soudan, quatre millions d’habitants, majoritairement des Chrétiens, ont voté dans le cadre d’un référendum d’auto-détermination sous l’égide des Nations Unies, qui vient de solder logiquement par la scission du pays, avec le nord principalement musulman. Le Sud-Soudan sera le 193e Etat à l’ONU, alors qu’ils n’étaient qu’une cinquantaine en 1945. C’est qu’à la décolonisation, succède la scission de peuples et d’ethnies, qui ne veulent plus vivre ensemble, dans le cadre de problématiques antérieures à la colonisation, se projetant dans un avenir sanglant.
Plus grand pays du continent africain, le Soudan est en guerre civile depuis plus de 50 ans et son indépendance en 1956, avec le départ des Anglais. Ce pays d’Afrique de l’Est est bordé par la Lybie et l’Egypte au nord, la mer Rouge, l’Erythrée et l’Ethiopie à l’est, le Tchad à l’ouest. C’est du Soudan qu’était partie la fameuse révolte du chef religieux Muhammad ibn Abdallah, dit le Mahdi, en 1898, dirigée contre les Anglais dans la région. Dans un entrelacs complexe d’ethnies, de croyances, et de religions, le Soudan - « pays des noirs » en arabe -, est à la frontière entre le monde islamique du nord et le sud chrétien, une frontière mouvante sous la poussée démographique du nord. Mais aussi comme partout en Afrique, une contre-offensive chrétienne y est menée par les mouvements évangélistes financés par les Eglises américaines, comme on le voit par exemple, en Côte-d’Ivoire, autour de Gbagbo. Ce scrutin est ainsi l’aboutissement d’un accord de paix, qui a mis fin à une guerre civile particulièrement violente, puisqu’on dit, qu’elle aura fait près de 2 millions de morts et 4 millions de déplacés. Mais la guerre entre les deux religions n’est pas exclusive au sud-Soudan. Il y a d’autres conflits raciaux voire tribaux dans la région. Comme on l’a vu au Darfour, dans le nord du pays, où des arabes du nord ont massacré des noirs de l’ouest, pourtant musulmans comme eux.
La sécession du sud est pour les très anciens colonisateurs arabes, un traumatisme, car il sonne la revanche de ceux qu’ils méprisaient le plus, les noirs chrétiens qu’ils ont coutume de surnommer encore aujourd’hui « al Abid », « les esclaves ». Mais ces anciens esclaves, se sont révoltés contre l’instauration de la charia, qu’a voulu leur imposer les frères musulmans au pouvoir à Khartoum. Et ces noirs chrétiens méprisés ont eu l’heureuse surprise de voir découvrir sous leur sol du pétrole. Ce qui leur a valu la protection des Américains, la convoitise affectueuse des Chinois, et l’entrée programmée à l’ONU. Mais le pétrole magique ne règlera pas tous leurs problèmes, qui s’appellent illettrisme, corruption, misère et une certaine indolence de la population. La durée des réserves est évaluée à 15 ans seulement. En si peu de temps, il faudra construire un Etat et trouver les moyens de survivre économiquement. L’exploitation pétrolière a commencé, mais c’est dans le nord du pays, que se trouvent les raffineries et qu’est essentiellement contrôlée la répartition des profits.
Le sud-Soudan n’a pas d’avenir. Il est appelé à rejoindre la cohorte de plus en plus nombreuse, de pays dont le drame n’est pas un Etat tyrannique, mais pas d’Etat du tout. Des pays dont la souveraineté est largement factice, sous perfusion internationale, en l’occurrence américaine, entièrement dirigée par des fonctionnaires l’ONU, comme dans une nouvelle forme de colonisation. Mais où l’ordre est très vite assuré par des milices tribales. Un grand terrain de jeu pour Al-Qaïda, un pays aux frontières poreuses, ouverts à tous les trafics. Et le pouvoir de Khartoum ne renoncera pas si facilement à ce pétrole, qui lui file ainsi sous le nez. Il a déjà commencé à fomenter au sud, des troubles entre tribus. Et en cas de reprise généralisée des hostilités, on pourrait voire l’ouest musulman du Darfour - resté dans le giron du nord -, s’alliait à ses frères de race du sud, même s’ils ne sont pas musulmans. Bref la paix, n’est sans doute pas pour demain. Cette indépendance pour le sud-Soudan ne devrait être, hélas - dixit Eric Zemmour - « qu’une halte dans le désert… où les oasis sont le plus souvent des mirages ». J. D.