Ce qui se déroule en Tunisie est vraiment exceptionnel. Je me demande ce qu'il en résultera. Si la Tunisie devient une démocratie, et pour l'instant, elle en prend clairement le chemin, elle révolutionnera complètement le Magrheb et le Proche-Orient. On assiste à un déverrouillage dans précédent. En fait, c'est même mieux que cela : les verrous ont purement et simplement sauté. Les Tunisiens vivent un très grand moment dans l'histoire de l'humanité.
J'ai enfin un sondage : je me demandais quand un institut de sondage allait avoir une bonne de le faire, un résultat de sondage sur l'opinion politique tunisienne. L'agence sigma en a donc fait un.
Difficile d'en tirer des enseignements, car la Tunisie ne connaît pas encore sa classe politique. Ceux qui craignaient l'islamisme en Tunisie en sont pour leurs frais. Si le parti islamiste est connu, son leader n'a qu'une très faible cote de popularité (moins de 4% !!!). C'est fou de se dire que seul un quart de de population connaît l'ex-parti au pouvoir, autant pour l'ancien parti d'opposition laïque, et de même pour le mouvement islamiste Ehnada. Presque la moitié de la population ignore tout de la politique.
Finalement, la force politique qui semble la plus populaire, pour l'instant, c'est encore le gouvernement qui remporte une majorité de suffrages en dépit de la méfiance des Tunisiens.
Les Tunisiens sont reconnaissants envers leur jeunesse : ils estiment à 99% qu'elle a été le fer de lance de la révolte.
Parmi les institutions qui obtiennent un succès d'estime, on compte l'armée avec une cote de confiance de plus de 87%.
La présidentielle va être très ouverte, les Tunisiens ne savent pas pour qui ils vont voter : l'homme qui obtient le plus de suffrages est l'ancien opposant Ahmed Néjib avec 8% d'intentions de vote !!!
Il ne s'agit pas pour autant de tomber dans un optimisme béat : les islamistes tenteront d'appliquer une stratégie qui marche à peu près partout où ils ont pris pied. Ils mettront en action des organisations confessionnelles caritatives partout où il y a des besoins et se gagneront ainsi le soutien d'une partie de la population, notamment parmi les déshérités. Il est possible de contrer cette stratégie à condition de financer des programmes d'aide dans les zones désertées de Tunisie et en s'appuyant sur le tissu laïc local auquel devra en revenir le mérite.
Pour éviter de devoir affronter une "hard war", mieux vaut gagner la "soft war". Dans ce domaine, les Européens ont jusqu'ici été assez bons sur les marches de leur civilisation (l'Europe, en somme) mais vraiment pas fameux partout ailleurs. C'est en injectant massivement des fonds dans le tissu associatif solidaire laïc en Tunisie qu'on peut s'assurer de mettre en pièces les Islamistes en dépit de l'argent de la Réaction dont ils ne manqueront pas de disposer.
Cela suppose un renseignement efficace, capable de distinguer les associations transparentes des associations corrompues. Une chose est de vouloir et pouvoiir distribuer de l'aide et de l'argent, une autre est de déterminer à qui en toute confiance.
On dépense des sommes folles en avions espion, satellites et systèmes d'observation de toute sorte (et sans doute n'est-ce pas complètement inutile, j'en conviens), mais si l'on agissait en amont, c'est à dire au milieu des populations avec des relais d'information locaux, et de l'aide locale efficace, on s'épargnerait par la suite bien des soucis et bien des investissements aussi lourds que peu rentables, in fine.