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Tu entres et poses sur la table ton désir d’être reconnu dans tes faiblesses.
Il ne te vient pas un instant en tête que celui qui est derrière puisse avoir les siennes à gérer.
Et, lorsqu’il tente de t’en faire état, d’un air outré, tu lui assènes que ses soucis ne sont pas les tiens, qu’il a à jouer son rôle qui est de te recevoir, sans failles ni faiblesses.
Pour son premier faux-pas, te voilà accusateur, prompt à stigmatiser l’erreur, sans un regard pour celles que tu commets, non pour qu’elles te soient reprochées, mais par l’étendue d’une ignorance. Ce que justement tu ne veux pas voir chez celui ou celle qui te reçoit.
Car c’est à ta faiblesse que tu exiges réponse, de cet autre, ultime porte ouverte à l’imprévisible humanité.
Tu veux réponse à tes questions, certitudes posées sur tes doutes, effacement de ton histoire.
Tu veux savoir, lâcher, débrider, au risque d’un fracas sur le mur de l’insupportable.
Au mal tu veux répondre par le mal, ultime application de cette loi du talion que tu réfutes dans l’attitude du monde qui t’entoure.
Tu ne vois pas cet autre qui a le cran de te recevoir mais qui s’affaisse sur son siège, courbe l’échine et la tête, broie en son cerveau meurtri des pensées douloureuses.
Au bord des larmes devant le doigt vengeur, ou, à tout le moins, accusateur, il crie, dans le silence de son âme, il implore un dernier geste de pitié.
Le voilà, assis au bord de ce gouffre, dernier des Mohicans à se dresser contre l’inhumanité rampante, plié sous le vent contraire de ce qui sous-tends la perte même du sens.
Tu ne vois pas qu’il est au bord de lâcher, suppliant qu’on le laisse enfin respirer, rêver, qu’on lui laisse le temps d’une ultime cigarette, avant de disparaître, emporté par ce flot, cette course, cette monstrueuse guerre que les humains se livrent à eux-mêmes.
Tu en attends toujours plus, car on t’a bien conditionné au fait que toute solution ne peut venir que du dehors. A ton manque de confiance absolu, tu attends que d’autres te donnent des armes pour combattre, de l’extérieur, les démons qui te harcèlent.
Lorsque l’autre, celui que tu crois en possession d’un savoir absolu et de l’arme omnipuissante, plie, tu ne lui reconnaît aucune circonstance atténuante.
Tu le condamnes.
Tu le condamnes aux travaux forcés de l’inhumanité déferlante.
Tu le condamnes à tromper autant qu’il se tromperait, par l’affirmation d’une compétence absente, d’un savoir toujours défaillant, tant que nous sommes humains.
Tu le condamnes à cette post-humanité d’animal triste, omniscient, omniprésent, soutenu par les drogues que les marchands distillent aux veines misérables des effondrés.
Ta condamnation est sans appel.
Même pas le temps d’une confession, ni d’un recours en grâce.
Que cet autre qui était peut-être la dernière oreille attentive à ta misère s’écroule, tu en refuses même l’opportunité.
Il te faut la peau de l’humain en ayant bien pris garde de l’achever.
Il n’est que l’humain pour nier toute humanité.
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Saint-Maime, 5 janvier 2011
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