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Edena : vous souvenez-vous de Jean de Florette ?

Publié le 08 février 2011 par Laurelen
Vous souvenez-vous de Jean de Florette ?

Vous avez certainement vu le film, que ce soit celui de Pagnol ou celui, plus récent, de Claude Berri. Vous vous souvenez peut être de l’histoire, un « estranger » comme ils disent dans le Sud de la France, qui vient s’établir dans un « pays » qui n’est pas le sien, et qui se retrouve en proie à mille et une difficultés pour se faire accepter, et qui, alors qu’il ne souhaitait faire de mal à personne trouvera finalement la mort, alors qu’il ne voulait que le bien.

Loin de moi de vouloir comparer Jean de Florette au Groupe Marbour et encore moins la Mairie du Port à Ugolin ou au Papet, mais en lisant et en décryptant ce qui se dit, dans la presse et ailleurs depuis déjà quelque temps, j’y retrouve certains clins d’œil troublants.

Pour résumer la situation, nous avons d’un coté le groupe Edena, l’un des plus anciens fleurons de l’industrie locale ( créé en 1972 ), représentant l’un des produits auxquels les Réunionnais s’identifient le plus, n’en déplaise aux Brasseries de Bourbon et leur fameuse Dodo, qui souhaite, pour des raisons qui concernent leurs dirigeants majoritaires, céder leur activité à un repreneur afin de continuer (ce que je me plais à intituler une mission de service public) à exploiter les ressources naturelles de La Réunion pour en faire bénéficier les Réunionnais.

De l’autre coté, nous avons une collectivité, la Mairie du Port, qui au nom de raisons diverses et variées (j’y reviendrais plus tard) souhaite être un acteur dans la cession de cette activité en prétendant y avoir un droit de regard au titre que la source Denise (où est puisée l’eau) se situe sur son territoire.

Et au milieu, ne coule pas une rivière, mais des repreneurs qui souhaitent se positionner pour reprendre cette activité connue de TOUS les Réunionnais et pas seulement des Portois.

Tout d’abord, la Mairie du Port a souhaité écarter la Cilam (Compagnie Laitière des Mascareignes, autre groupe Réunionnais qui produit notamment les yaourts Yoplait) parce qu’elle produit également l’eau Australine et qu’elle se trouverait ainsi en situation ultra-dominante sur le marché de l’eau en bouteille à La Réunion et « pourrait » ainsi fausser le jeu de la concurrence. Je suis assez d’accord avec cette analyse car une absence de concurrence ne profite pas au consommateur.

Là dessus, le groupe Néerlandais, mais Européen quand même, Heineken (Brasseries de Bourbon, producteur local de diverses boissons dont la fameuse Dodo) souhaite se positionner sur ce dossier car il s’agit de son métier : la production, le conditionnement et la distribution de boissons. La Mairie retoque sa proposition parce qu’il s’agit- et c’est ici que l’eau commence à se troubler - d’un groupe détenu par des capitaux « estrangers » et qu’il faut que les bénéfices des sociétés soient réinvestis à La Réunion et non pas ailleurs.

Je croyais que La Réunion faisait partie de l’Europe, donc du marché commun, et que les Réunionnais avaient massivement voté pour l’Europe en 1992 (Oui à 74%, même si il y avait eu 72% d’abstentions).

Je croyais que La Réunion bénéficiait, au titre de son statut de Rup d’aides massives de l’Europe. L’argent européen nous aide à nous développer, à créer des emplois et cela nous arrange bien souvent. Savez-vous, Messieurs de la Mairie, le nombre d’emplois créés par les Brasseries à La Réunion et dont les titulaires sont des Réunionnais ?

J’ai alors essayé de trouvera d’autres raisons qui pourraient vous faire tiquer quant à la venue des Brasseries de Bourbon sur votre territoire et je me suis souvenu qu’il y a quelques années de cela, vous aviez opposé une fin de non-recevoir aux Brasseries qui étaient alors à la recherche d’un terrain pour déménager leur site de production du fond de la Rivière Saint Denis vers Le Port. Et vous aviez tout à fait raison : l’activité de production et de mise en bouteille est dangereuse pour le niveau de la nappe phréatique de la commune qui est très ensoleillée et donc toujours en situation tendue par rapport aux gros besoins d’eau d’une activité comme celle des Brasseries de Bourbon.

C’était, et c’est toujours à mon sens une excellente raison pour refuser aux Brasseries une installation sur votre commune. Donc, même si je n’étais pas d’accord avec « l’explication » que j’avais lue dans les journaux, je m’étais dit que, si vous pouviez penser que les Brasseries pouvaient par la suite pomper la nappe phréatique de la population Portoise pour se diversifier, ce qui aurait été plus facile une fois sur place, alors vous avez eu tout à fait raison de vous opposer à leur installation.

Se rajoute maintenant le groupe Marbour, installé à La Réunion, et sur le commune du Port qui plus est. Un groupe français employeur lui aussi de nombreux Réunionnais et vous vous y opposez également ! Ce groupe, propriétaire notamment de Soboriz et SPHB, est présent chaque jour sur la table d’une large majorité de Réunionnais.

Des rumeurs, relayées par des journaux locaux, prétendent que vous voulez privilégier un entrepreneur local, plutôt spécialisé dans le domaine des assurances, mais que celui-ci ne serait pas disposé, contrairement au groupe Marbour, à mettre sur la table la somme souhaitée par le patron d’Edena.

Vous mettez en avant, notamment, que vous ne souhaitez pas qu’Edena, tombe plus tard sous la coupe de fonds de pension ou de société telles que Tereos, et avancez que le groupe Marbour a justement, il y a de cela quelques années, cédé, comme de nombreux autres, ses participations dans l’industrie sucrière de La Réunion à des groupes étrangers.

Vous privilégieriez donc, parce que vous voulez que les bénéfices d’activités locales restent à la Réunion, un acteur purement local.

Deux choses me gênent : tout d’abord, qui vous dit que cet entrepreneur local, quel qu’il soit, ne sera pas tenté dans quelques années de vendre a un fonds de pension tel que les propriétaires de la Séchilienne ? Quelles garanties avez-vous de la part de cet entrepreneur qu’il ne sera pas tenté de faire cette opération que vous semblez craindre ? De plus, en tant qu’acteur économique, je pense que passer du domaine des assurances au domaine de la production industrielle ne s’improvise pas. Le groupe Marbour comme les Brasseries de Bourbon ainsi que la Cilam connaissent déjà très bien le monde de la distribution de part leur métier actuel. Ce ne sont pas des débutants sur ce métier et sur ce marché, contrairement à d’autres. Ce sont des sociétés qui disposent depuis longtemps déjà de l’expertise des réseaux de distribution, et je pense que la mairie du Port ne voudrait pas prendre le risque de privilégier un entrepreneur local qui va découvrir un nouveau métier avec les risques que cela peut comporter sur l’emploi des 70 travailleurs d’Edena.

De même, le groupe Marbour ne peut prendre le risque de ne se voir accorder une concession que de 5 ans, période probablement insuffisante pour rentabiliser leurs investissements et pourrait être réticent à finaliser ce dossier sans engagement de la mairie sur du long terme.

Vous voulez des garanties pour éviter qu’Edena ne passe sous la coupe d’un fonds de pension ? Je pense qu’il est possible juridiquement d’imaginer un système de pénalités particulièrement percutant pour « inciter » le repreneur, quel qu’il soit, à ne pas revendre ses participations sans l’aval de votre collectivité à un fonds de pension qui n’aurait aucune présence à la Réunion.

Je pense également que pour protéger les emplois des Réunionnais et des Portois qui travaillent chez Edena, en emplois directs et indirects, le choix du repreneur que vous êtes en mesure d’arbitrer doit se faire en tenant compte d’une vision à long terme pour qu’Edena, à cause d’un choix que d’aucuns jugent difficile à comprendre, ne soit pas un futur ex-fleuron de La Réunion.

Je pense, et j’ose espérer, que la mairie du Port envisage tout d’abord de privilégier la poursuite sur du très long terme de NOTRE eau Edena, à nous tous les Réunionnais qui depuis 1972 avons pris l’habitude d’acheter cette eau car elle représente, au même titre que la Dodo et que Yoplait, pour ne citer qu’eux, l’une des marques qui est présente tous les jours chez la plupart d’entre nous.

Je pense, et j’ose espérer, qu’Edena ne finira pas comme Jean de Florette, à cause de la jalousie, ou d’autres raisons obscures que je me refuse à évoquer ici.

Marbour, Les Brasseries de Bourbon et la Cilam sont des candidats crédibles car ils bénéficient de l’expérience et de l’expertise dans ce domaine d’activité. Pour les raisons évoquées plus haut, je pense qu’à ce jour le groupe Marbour est l’alternative la plus crédible pour qu’Edena continue à venir tous les jours sur nos tables et pendant longtemps.

Tout autre choix, qui risquerait de mettre l’emploi et la marque en péril, doit être pesé en votre âme et conscience : les Réunionnais ne pardonneront pas aux personnes qui seraient demain responsables de la fin d’Edena.

Nostraberus

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