Plus le temps passe, hélas, et plus je suis inquiet pour les deux petites jumelles qui demeurent introuvables. Évidemment, je me plais à espérer qu'on les retrouve, mais le suicide du père me semble du plus mauvais augure.
J'ai déjà eu l'occasion de le dire, je n'ai aucune forme de compassion pour les géniteurs qui s'en prennent à leurs enfants. Rejoignant Maria Montessori, j'estime que l'adulte, fût-il le père ou la mère d'un enfant, est d'abord là pour créer une atmosphère bienveillante autour d'un enfant. De la même manière, tout comme elle, je considère que la nature a un plan secret qu'il ne nous appartient pas de contrarier mais au contraire qu'il convient de faciliter pour chaque enfant. Il résulte de telles vues qu'un enfant n'appartient, à mes yeux, en aucun cas à sa famille.
Sans pour autant avoir la foi comme Maria Montessori, et voir dans l'enfant un cadeau de Dieu, je ne l'en vois pas moins comme un don de la bonne fortune.
Je n'aurais donc eu aucune sorte de pitié pour la Médée d'Euripide. Oh, certes, tant qu'elle est prostrée sur les marches de son palais, alors même qu'elle a compris que Jason va la quitter pour une femme plus jeune, plus prospère, et finalement, par motivation politique et ambition, elle a ma sympathie, mais cette dernière ne survit pas à la pièce.
En tuant ses propres enfants, Médée s'est mise au ban de l'humanité. Dramaturge, j'eus rendu justice, peut-être chez Égée puisqu'on disait dans l'Antiquité Athènes patrie de la justice, et un aréopage l'eût déclaré coupable et condamné à mort sans états d'âme.
Je ne sais ce que Matthias Schepp a fait de ses deux filles. J'espère simplement que dans un sursaut inouï et fou d'égoïsme monstrueux, il ne les a pas condamnées au même sort que le sien.
Il faut être une sacrée ordure pour faire d'enfants innocents les instruments d'une vengeance, ou du moins, de tout saboter, tout détruire en même temps que l'on disparaît. Il y a plusieurs manières de disparaître : certaines méritent la compassion, d'autres ne sont dignes que de l'opprobe du genre humain.
C'est terrible, finalement, de se dire qu'on ne sait peut-être jamais qui est l'homme ou la femme avec lequelle/laquelle on a choisi d'avoir des enfants.